
Paris, le jeudi 16 juin 2022 - Un événement indésirable associé aux soins est défini comme un événement clinique ou paraclinique néfaste consécutif aux stratégies et actes de prévention, de diagnostic, de traitement ou de surveillance relatifs à la prise en charge du patient. Les événements indésirables sont considérés comme graves (EIG) lorsqu’ils sont associés à un décès ou à une menace vitale, s’ils sont susceptibles d’entraîner une prolongation de l’hospitalisation d’au moins un jour, un handicap ou une incapacité à la fin de l’hospitalisation. Un événement évitable se définit quant à lui comme un événement indésirable qui ne serait pas survenu si les soins avaient été conformes à la prise en charge.
Se basant sur cette définition, après les études nationales sur les événements indésirables associés aux soins (ENEIS) dans les établissements de santé en 2004 et 2009 , la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a reconduit une étude similaire en 2019 : ENEIS 3. L’enquête ENEIS 3 avait pour ambition d’étudier également les EIG en soins primaires, mais la crise Covid a poussé les investigateurs à renoncer à ce volet de leur étude.
L’objectif principal de ces enquêtes est d’estimer l’incidence des EIG de deux types : ceux qui causent les hospitalisations et ceux qui sont identifiés pendant l’hospitalisation. Les objectifs associés étaient de définir la gravité et la part évitable de ces événements, de décrire les causes immédiates et les facteurs contributifs. En outre, l’étude de 2019 a évalué la proportion des événements indésirables graves déclarés à l’Agence régionale de santé (ARS) par l’établissement de santé parmi les événements identifiés lors de l’enquête.
ENEIS est une étude nationale, longitudinale, prospective d’incidence sur une population ouverte de séjours de patients hospitalisés à temps complet et suivis pendant une période de sept jours, à partir d’un échantillon tiré au sort d’établissements de santé volontaires en France métropolitaine.
Sont exclus les patients en hospitalisation de jour, dans des services de psychiatrie, d’obstétrique, et les services des urgences.
Seize départements, 59 établissements de santé et 154 unités de soin (avec un équilibre entre la médecine et la chirurgie) ont été tirés au sort. Au final, 4 825 patients ont été observés sur 21 696 journées d’observation, pour 123 événements indésirables graves identifiés (80 pendant l’hospitalisation et 43 causes d’hospitalisation).
De 160 000 à 375 000 EIG en cours d’hospitalisation par an
« Pour les EIG survenus pendant l’hospitalisation, on observe en moyenne, en 2019, 4,4 EIG pour 1 000 jours d’hospitalisation. Ils ont été associés (plusieurs conséquences possibles) à la survenue de 7 décès, 16 incapacités permanentes probables à la sortie, 29 mises en jeu du pronostic vital, et 63 prolongations d’hospitalisation, dont 37 (47 %) sans autre critère de gravité. Parmi eux, 34 % ont été considérés comme évitables soit une densité d’incidence de 1,4 ‰. La densité d’incidence était plus élevée en chirurgie (2,0 ‰) qu’en médecine (0,8 ‰) » rapportent Philippe Michel et coll.
Tableau 1 : Densités d’incidence (nombre d'événements pour 1 000 journées d’hospitalisation) pour les EIG évitables identifiés pendant l’hospitalisation |
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La densité d’incidence pour les EIG survenus pendant l’hospitalisation qui atteint 4,4 EIG pour 1 000 journées d’hospitalisation correspond à quatre EIG par service de 30 lits et par mois (contre cinq EIG par service et par mois en 2004 et en 2009). Ces résultats permettent des extrapolations. Ainsi, à partir du nombre total de journées d’hospitalisation et d’admissions fournis par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), les auteurs considèrent que 160 000 à 375 000 EIG sont intervenus en 2019 au cours d’un séjour hospitalier en médecine ou en chirurgie (entre 275 000 et 395 000 en 2009), dont 55 000 à 130 000 évitables (34 %) (entre 95 000 et 180 000 en 2009).
Concernant les événements à l'origine d’hospitalisations, 2,6 % des admissions sont liées à un EIG, soit un séjour sur 40 dans les établissements de santé. L‘extrapolation montre qu’il y aurait entre 176 000 et 372 000 séjours annuellement causés par un EIG (entre 330 000 et 490 000 en 2009), dont 93 000 à 197 000 séjours provoqués par des EIG évitables (53 %) (entre 160 000 et 290 000 en 2009). Ces événements entraînant une hospitalisation correspondent à ceux générés par la médecine de ville, et ceux intervenant lors d’une première hospitalisation et provoquant une nouvelle hospitalisation.
Les auteurs estiment également qu’entre 680 000 à 1 500 000 jours d’hospitalisation seraient évitables.
Facteurs contributifs
La fragilité des patients, les défaillances individuelles et le manque de communication entre professionnels sont les facteurs contributifs les plus fréquemment retrouvés.
Certains facteurs contributifs semblaient plus fréquents en 2019, comme la défaillance humaine, la mauvaise définition de l’organisation et des tâches, la composition de l’équipe non adéquate, les locaux et équipements ou produits non adaptés. Les auteurs expliquent néanmoins ce phénomène « du fait de la meilleure formation des enquêteurs à l’analyse systémique en 2019 ». La supervision des juniors, qui constituait un facteur classique notamment dans les CHU, semble intervenir moins souvent.
Tableau 2. Répartition des facteurs contributifs à la survenue des EIG pendant l’hospitalisation |
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Concernant la déclaration des EIG, 61 des 123 événements remplissaient les critères du décret de 2016 et devaient être déclarés à l’ARS mais lors du passage des enquêteurs, un seul événement avait été déclaré à l’ARS…ce qui montre la faible implication des établissements dans ce dispositif.
Evolution favorable
Au total, il apparaît que la densité d’incidence des EIG évitables survenus pendant l’hospitalisation a diminué statistiquement entre 2009 et 2019. En médecine, l’enquête a permis de constater une tendance à la baisse dans toutes les spécialités, sauf en soins critiques. En chirurgie, la densité d’incidence n’a diminué de manière statistiquement significative que dans les CHU, et dans les catégories qui ne comprenaient pas de services de chirurgie regroupée.
En ce qui concerne la gravité, une baisse significative a également été observée sur la mise en jeu du pronostic vital, de l’incapacité et du décès, mais pas sur la prolongation des hospitalisations. Les EIG relatifs aux produits de santé concernaient principalement les médicaments, avec une classification des médicaments les plus à risque similaire en 2009 et en 2019. En revanche, les événements associés aux dispositifs médicaux implantables étaient stables sur la période. Les événements indésirables dus à une infection associée aux soins ont également diminué, « à la limite de la signification statistique ».
Les événements causes d’hospitalisation ont également diminué quel que soit le type d’établissement, et le mécanisme (acte invasif, produit de santé ou infection associée au soin). Cette diminution a été observée à la fois pour les événements évitables et les événements non évitables. En revanche, la part des réhospitalisations augmente de 26 % à 42 %.
La baisse statistiquement significative des EIG évitables et de leur gravité corrobore ce qui a été observé aux Pays-Bas, qui a conclu à un lien vraisemblable entre les plans et programmes de lutte contre les risques associés aux soins soulignent les auteurs.
F.H.