Exclusif : des médecins libéraux prêts à repousser leur retraite s’ils sont exonérés de cotisations CARMF
Paris, le mercredi 14 décembre 2022 - Selon notre sondage, 70 % des
médecins envisageraient de retarder le moment de leur départ
effectif à la retraite s'ils étaient exonérés de cotisations
CARMF.
Le 2 décembre dernier, le projet de loi de financement de la
Sécurité Sociale (PLFSS) a été définitivement adopté via la
procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Une loi de
finance qui contient une disposition qui intéresse particulièrement
les plus âgés des médecins, puisqu’elle prévoit d’exonérer de
cotisations CARMF les médecins qui sont en situation de cumul
emploi retraite.
Une mesure qui vise à mettre fin à une injustice, puisque ces
cotisations n’ouvrent aucun nouveaux droits pour ces médecins
retraités, qui cotisent donc « à vide ». Mais l’objectif premier de
cette réforme est d’inciter les praticiens ayant atteint l’âge
légal de la retraite de repousser le plus possible l’arrêt effectif
de leur activité, dans un contexte de pénurie de praticiens et de
désertification médicale. C’était en tout le cas principal argument
avancé par le Pr Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine et
auteur de l’amendement à l’origine de cette mesure.
Lors des débats à l’Assemblée, le chef du service des urgences
de l’hôpital Georges Pompidou a rappelé que 10 % des médecins
libéraux en activité sont en situation de cumul emploi-retraite et
que 27 % de ces retraités avaient moins de 70 ans et étaient donc «
mobilisables pour renforcer les troupes vaillantes ». Une
argumentation reprise par Emmanuel Macron lui-même qui a défendu la
mesure lors d’une intervention télévisée le 26 octobre
dernier.
72 % des médecins prêt à travailler plus longtemps sans
cotisations
Les médecins les plus âgés seront-ils sensibles à cette
incitation financière à continuer leur activité le plus longtemps
possible ? Oui, si l’on en croit les résultats du sondage réalisé
sur notre site du 20 novembre au 3 décembre. 69,5 % des
professionnels de santé répondeurs considèrent en effet que
l’exonération des cotisations CARMF pourrait les inciter à retarder
le moment de leur départ à la retraite, tandis qu’ils ne sont que
30,5 % à penser que cela n’aurait aucun impact sur le moment où ils
cesseront leurs activités.
L’impact est encore plus net pour les médecins, qui sont les
seuls concernés par cette mesure : 72 % pensent repousser leur
départ effectif à la retraite à la suite de cette « exonération ».
Notons que le Sénat avait voté un amendement pour étendre cette
exonération de cotisations à tous les professionnels de santé
libéraux en cumul emploi retraite, mais que cette proposition n’a
pas été retenue par le gouvernement au motif que les infirmiers,
pharmaciens et kinésithérapeutes ne connaissent pas les mêmes
problèmes démographiques que les médecins. Notons un engouement
légèrement moindre chez les médecins généralistes, les plus
concernés par ces problématiques de désertification médicale, même
s'ils sont tout de même 62 % à envisager de continuer leur activité
grâce à cette exonération de cotisations.
L’exonération n’est pas pour tout le monde…mais le gel des
retraites si !
Dans le détail du sondage, on observe que seulement 25,5 % des
répondants sont prêts à repousser leur retraite dans tous les cas,
alors qu’ils sont 44 % à ne l’envisager que si le système
d’exonération des cotisations est simple. Or, si le dispositif
prévu dans l’amendement du Pr Juvin était assez simple (exonération
totale de cotisations pour tous les médecins), celui retenu par le
gouvernement dans la version définitive du texte l’est beaucoup
moins.
Ainsi, l’exonération ne concernera (pour le moment en tout
cas) que l’année 2023. Mais surtout, le texte prévoit qu’elle ne
s’appliquera qu’aux médecins dont le revenu est inférieur à un
montant annuel qui sera fixé ultérieurement par décret. En
attendant ce texte réglementaire qui sera pris, on l’espère, le
plus rapidement possible, les praticiens sont, pour ce qui concerne
leur cas particulier, dans le flou le plus total.
Ainsi, cette mesure simple à comprendre dans sa version
initiale et qui aurait pu avoir un effet favorable immédiat sur la
démographie médicale sera peut-être annihilée par le retard de la
signature du décret fixant les seuils de revenus (pour quelle année
?) au-delà desquels elle ne s’appliquera pas.
Rappelons en conclusion que cette exonération de cotisations a
déjà eu des conséquences pour tous les médecins retraités mais pas
forcément très positives. En raison du « manque à gagner » provoqué
par cette exonération (73 millions d’euros par an…si tous les
médecins avaient été concernés), la CARMF a en effet décidé de
supprimer la hausse de 4,8 % de la valeur du point de régime
complémentaire prévu pour le 1er janvier prochain. Une décision
très critiquée par les syndicats de médecins et notamment par la
CSMF, qui rappelle que la CARMF aurait pu mobiliser ses 5,6
milliards d’euros de réserve pour compenser cette exonération de
cotisations.
Dans cette mesure, seul l'État est gagnant : pas de cotisation CARMF = Cotisation URSSAF plus importante + revenu imposable plus important.
Dr J-P Debarre
Des hospitaliers aussi
Le 14 décembre 2022
Cumul emploi-retraite. Ancien PU-PH, on m'a proposé 200€ nets par mois pour 14h de vacations mensuelles. Retraite qui ne rapporte plus déduite soit un peu moins de 15€ nets de l'heure... Ce n'est pas comme cela qu'on retiendra les anciens, pour certains des puits de science. Qui me soignera quand je serai vieux ? J'ai vu, ce n'est pas brillant...
Pr André Muller
Et les autres ?
Le 15 décembre 2022
En effet quid des praticiens hospitaliers qui cumulent emploi et retraite ? Il y a discrimination.