
Paris, le jeudi 30 décembre 2021 – La loi de financement de la
Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 comprend plusieurs dispositions
visant à expérimenter et faciliter, sous certaines conditions,
l’accès direct à différentes professions : infirmière de pratique
avancée, kinésithérapeute, orthophoniste et orthoptiste, tandis que
les substituts nicotiniques délivrés sans ordonnance par les
pharmaciens pourront être remboursés par la Sécurité sociale. On le
sait, ces dispositions ont suscité une levée de bouclier de la part
de la plupart des syndicats représentant les médecins libéraux.
Dénonçant l’absence de concertation préalable, ils se sont plus
encore inquiétés des risques pour les patients, redoutant des
erreurs ou retards de diagnostic. Certains ont par ailleurs fait
remarquer que l’affirmation selon laquelle une telle mesure était
une réponse à la problématique des déserts médicaux constituait un
leurre, puisque les paramédicaux manquent souvent également dans
les territoires les moins pourvus en médecins.
Tous d’accord… même les médecins !
Ces critiques ne semblent cependant pas refléter l’état d’esprit de la majorité des professionnels de santé. Un sondage réalisé sur notre site révèle en effet que l’idée d’un accès direct aux professions paramédicales suscite un a priori favorable de la majorité des professionnels de santé : 53 % y sont favorables dans des situations définies en concertation avec tous les professionnels, tandis que 22 % souhaitent une telle évolution « dans tous les cas ». Ils ne sont que 13 % à la refuser totalement et 11 % à ne l’envisager qu’en cas d’urgence. Bien sûr, les positions diffèrent en fonction des professions.![]() |
L’adhésion est la plus forte chez les kinésithérapeutes, qui
sont 94 % à approuver l’aménagement d’un accès direct, dont 40 %
sans même une concertation spécifique (il faut ici préciser que
l’échantillon de kinésithérapeutes ayant participé au sondage est
plus limité que celui des médecins). Les infirmières sont pour leur
part 83 % à approuver qu’une prescription médicale ne soit pas
systématiquement nécessaire. Elles sont par ailleurs plus
fréquemment que les kinésithérapeutes prêtes à envisager ces «
transferts de décisions » dans tous les cas (48 % vs
35 % qui n’entendent cette évolution qu’à condition d’une
concertation préalable). Les pharmaciens sont dans les mêmes
proportions acquis à cette idée de l’accès direct, avec une
préférence pour une discussion pluriprofessionnelle en amont (47 %
vs 36 %). Les médecins sont eux aussi très largement
favorables à l’accès direct aux paramédicaux (69 %), mais ils ne
sont qu’une petite minorité à estimer que la transition pourrait se
faire sans concertation (12 %).
Confiance et continuité
Comme cela est souvent le cas, ce sondage rappelle que certains réflexes syndicaux ne retranscrivent peut-être pas toujours fidèlement la réalité de la perception des médecins. Notre enquête illustre que bien plus que la crainte d’erreurs médicales ou d’une diminution de leur rôle, l’accès direct est envisagé comme la continuité d’un travail de collaboration et de coordination que les praticiens expérimentent au quotidien. L’ampleur de l’adhésion que l’on constate est le révélateur d’un rapport de confiance entre les praticiens et les paramédicaux et signale également probablement que beaucoup jugent que non seulement la qualité des soins ne serait nullement mise en péril, mais qu’au contraire des améliorations pourraient être attendues (prise en charge plus rapide, évaluation plus en phase avec les bonnes pratiques de certains besoins…).Aurélie Haroche