Exclusif : les professionnels de santé partagés sur les appels au déconventionnement

Paris, le vendredi 2 juin 2023 – A une courte majorité (55 %), nos lecteurs disent soutenir les appels à se déconventionner lancés par l’UFML.

Les relations entre les syndicats de médecins libéraux et les autorités auront rarement été aussi exécrables. En février dernier, les négociations conventionnelles ont définitivement échoué, donnant finalement lieu à un règlement arbitral adopté début avril, qui n’aura satisfait personne, puisqu’il met en place une revalorisation du tarif de la consultation de…1,50 euros. Si certains misent désormais sur la réouverture probable et prochaine des négociations conventionnelles pour obtenir de meilleures concessions, d’autres ont décidé de démarrer une fronde tarifaire et de facturer 30 voir 50 euros à leurs patients en violation du règlement arbitral.

Pour sortir de cette impasse, le Dr Jérôme Marty et son syndicat l’UFML avancent une proposition radicale : le déconventionnement. Un médecin qui sort de la convention et qui se place en secteur III est en effet libre de pratiquer le tarif qu’il souhaite et se voit libéré de la plupart des contraintes administratives. Une solution qui n’a cependant été choisi que par 0,7 % des médecins en exercice pour une raison simple : les patients d’un médecin déconventionné ne sont remboursés par l’Assurance Maladie que 61 centimes par consultation pour un généraliste et 1,22 euros pour un spécialiste ! Les mutuelles ne remboursant que très rarement ces consultations, sortir de la convention semble être donc l’assurance de perdre tous ses patients (à part peut-être les plus fortunés).

Des appels au déconventionnement très critiqués

Conscient de ce problème, le Dr Marty plaide donc pour un « déconventionnement collectif » de plusieurs milliers de médecins, « un moyen de pression » sur la CNAM et le gouvernement pour les inciter à revenir à la table des négociations et céder aux demandes des syndicats. Le généraliste de Fronton a organisé les 3 et 4 mars dernier les premières assises du déconventionnement. Depuis, il fait régulièrement le point sur la situation lors des « dimanches du déconventionnement » et assure que plus de 2 100 médecins se sont déjà engagés à participer à ce mouvement.

Des appels au déconventionnement qui ont (sans surprise) été fortement critiqués par le ministre de la Santé François Braun, le directeur général de la CNAM Thomas Fatôme et même par certains cadres d’autres syndicats comme MG France. Tous dénoncent la volonté de créer une « médecine à deux vitesses », contraire à « l’esprit de la Sécurité Sociale », selon les termes de François Braun et l’attitude « irresponsable » du Dr Marty.  

Bien conscient tout à la fois de la nécessité de faire pression sur le gouvernement et du caractère sans doute trop radical du déconventionnement, les professionnels de santé sont partagés sur la question.

Sondage réalisé sur JIM.fr au 10 au 30 mai

Selon un sondage réalisé sur notre site entre le 10 et le 29 mai dernier, 55 % de nos lecteurs disent soutenir ces appels au déconventionnement, contre 45 % qui les réprouvent.

61 % des médecins soutiennent les appels au déconventionnement

Sans surprise, ce sont les médecins eux-mêmes, aux prises avec les difficultés administratives que représente le conventionnement et très déçus par la très faible revalorisation du tarif de la consultation dans le règlement arbitral, qui se montrent les plus favorables au déconventionnement : 61 % d’entre eux voient d’un bon œil ces appels au déconventionnement, et 39 % seulement les réprouvent. A l’inverse, les paramédicaux, qui sont soumis à des conventions bien plus strictes (qui encadrent fortement leur liberté d’installation) sont plutôt sévères concernant cette volonté de se déconventionner, qu’ils voient sans doute comme un caprice de médecins pas si mal lotis. Ils sont ainsi 69 % parmi les infirmières et 59 % chez les pharmaciens à dénoncer les appels au déconventionnement.

Quelque soit l’avis des professionnels de santé sur la question, la tentation du déconventionnement pourrait grandir prochainement avec l’examen à l’Assemblée Nationale de la proposition de loi de Frédéric Valletoux. Alors que son examen en commission des affaires sociales débute lundi prochain, plusieurs députés membre du groupe transpartisan du député Guillaume Garot sur les déserts médicaux ont déposé des amendements à cette loi. Des amendements qui prévoient de renforcer la coercition sur les médecins, notamment en rétablissant la permanence des soins obligatoire, en imposant un préavis de six mois en cas de départ d’un médecin libéral et en limitant la durée des remplacements en libéral à quatre ans.

« Si les débats à l’Assemblée s’orientent vers le choix de la coercition, que les choses soient claires, nous pousserons de notre côté vers le déconventionnement » prévient le Dr Sophie le Bauer, présidente du SML.

Nous sommes peut-être à la veille d’une fronde médicale sans précédent.

Grégoire Griffard

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Vos réactions (5)

  • Déconventionnement...

    Le 03 juin 2023

    Le gouvernement est sourd, paie une Cs au rabais, veut envoyer les futurs médecins généralistes déjà écœurés faire une 4ème année de service sans parachute dans les innombrables déserts médicaux puis les contraindre à s’installer, tout en demandant aux installés d’augmenter leur temps de travail dans des horaires surchargés sans aucune diminution des autres contraintes notamment administratives. Et je n’ai pas tout dit ! On marche sur la tête, le déconventionnement pas à la mode en France devrait pourtant séduire in fine devant l’absence de solution viable alternative. Au prix... d’une terrible dégradation pour la population moyenne, qui devra composer avec ses sous pour se soigner comme dans n’importe quel pays sous-développé n’ayant pas de sécurité sociale mise en place. UBU !

    Dr A Wilk

  • Déconventionnement

    Le 04 juin 2023

    La sécu devrait encourager le déconventionnement puisqu'elle ne rembourse plus rien.

    Dr B Morardet

  • Déconventionnement

    Le 04 juin 2023

    Mais déconventionnez vous donc et laissez prendre en charge le remboursement des soins par des compagnies d'assurance privées. Mais avant de signer avec ces dernières (en gros vous conventionner avec elles) lisez bien leurs conditions, vous serez surpris. De plus le déconventionnement peut aussi aboutir au remboursement des études.

    Dr M Lenoir

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