
Paris, le vendredi 5 août 2022 - En mai, la fermeture du service des urgences du CHU de Bordeaux a été vécue comme un coup de tonnerre.
Pour faire face à l’afflux des patients et à la pénurie relative de soignants, le centre avait mis en place un système de régulation de l’accès aux urgences qui avait provoqué une sidération dans les équipes.
Dans ce contexte inédit et alors que 9 services d’urgence sur 10 se disent en grande tension, le Président de la République avait confié au Dr François Braun, son conseiller santé de campagne, une mission flash pour l’été. Celui-ci avait proposé 41 mesures, parmi lesquels une régulation systématique en amont des urgences.
Cette régulation consiste à généraliser et systématiser à terme l’appel au 15 et au SAS avant de se diriger vers les urgences.
Elle a déjà été mise en œuvre dans une quarantaine de départements après que le Dr Braun soit devenu ministre en remplacement d’une Brigitte Bourguignon battue aux élections législatives.
Plébiscite en faveur de la régulation systématique
Notre lectorat semble très favorable à cette solution de rupture que d’aucuns prétendent contraire à l’esprit du service public hospitalier.
Ainsi, 70 % d’entre ceux qui ont participé à notre sondage en ligne se disent favorable à une régulation médicale systématique de l’accès aux urgences (par exemple par le 15). Un score un plébiscitaire auquel on peut ajouter 13 % de répondants qui approuveraient une régulation par une infirmière.
Si médecins et soignants sont très majoritairement pour cette régulation médicale, nos lecteurs hospitaliers apparaissent un peu plus réservés avec 18 % d’opposants contre 13 % en ville.
En termes de professions, ce sont les pharmaciens qui sont le
plus favorables à la régulation systématique (9 % de contre),
devant les médecins (13 % de contre) et les infirmiers (20 % de
contre). Ces derniers sont, sans surprise, les plus portés à
soutenir l’idée d’une régulation infirmière (31 % contre 16 % pour
les pharmaciens et 14 % pour les médecins).
Sondage réalisé sur JIM.fr du 18 juillet au 4 août
Une bonne idée inapplicable ?
Cette régulation systématique n’est pas pourtant, sans poser un certain nombre de problèmes et de questions.
Sur le plan pratique tout d’abord pour les personnes qui maitrisent peu ou mal le français (immigrés ou touristes), pour les personnes âgées isolées, les habitants des zones blanches, etc.
Il y a également et surtout les difficultés de recrutement qui touchent les centres d’appels du 15, qui ne seront sans doute pas résolues complétement par la possibilité donnée aux étudiants en médecine ayant validé leurs 3 premières années d’y exercer.
Une enquête du syndicat SAMU-UdF, anciennement dirigé par l’actuel ministre de la Santé, met ainsi en évidence les difficultés d’application d’un tel système.
Diffusé via un formulaire en ligne, ce sondage a recueilli 707 réponses pour 686 formulaires exploitables.
Le syndicat constate une augmentation de 21 % de l’activité des SAMU centre 15 et jusqu’à 50 % dans certains départements. Or, cette augmentation ne s’est pas accompagnée d’une baisse d’activité dans les services, puisqu’elle a augmenté de 10 % par rapport à juillet 2021 dans les départements où une régulation médicale préalable à l’accès aux services d’urgence (SU) a été mise en place, contre entre 10 et 40 % dans les autres départements.
« Compte tenu de la suractivité inhabituelle s’ajoutant aux flux estivaux importants dans certaines régions, du déficit majeur de personnels soignants et médicaux, et de l’indisponibilité des lits, très insuffisants pour permettre les hospitalisations nécessaires, les SU sont en très grande fragilité. La mise en œuvre des recommandations de la mission flash est insuffisante et ne permet pas d’assurer une fluidité et un fonctionnement sécuritaire dans le SU » tranche le syndicat.
SAMU-UdF souligne également : « cette période n’a pas pu être anticipée, et les ressources humaines ne sont pas suffisantes occasionnant des délais allongés dans la gestion des appels et une prise de risque médico-légal pour les professionnels. Les recrutements sont hasardeux en cette période estivale. Les conditions de sécurité ne peuvent pas être réunies dans de telles circonstances ».
La régulation de l’accès des urgences, qui semble faire
consensus chez les professionnels et au ministère, ne pourra donc
se concrétiser qu’avec une augmentation conséquente du nombre de
personnels compétents et formés…
Gouvernement et SAMU pourraient rapidement se retrouver dans une
impasse…
F.H.