Exérèse optimale des mélanomes : un débat (presque) tranché ?

La prise en charge du mélanome cutané localisé repose sur l'exérèse chirurgicale qui doit englober une marge de sécurité suffisante autour des bords de la tumeur afin de se prémunir du risque de rechute. Si la pratique "historique" comprenait une marge de 5 cm voire davantage, certains travaux ont suggérés depuis les années 80 qu'une exérèse moins large pourrait s'avérer raisonnable. La question demeure cependant aujourd'hui controversée, notamment pour les mélanomes d'une épaisseur supérieure à 2 mm (stade IIA-II-C).

L'éternelle controverse, entre Charybde et Scylla…

L'enjeu réside dans le compromis entre le risque de rechute associé à une excision trop étroite qui pourrait compromettre la survie du patient, et les inconvénients d'une exérèse plus large, carcinologiquement plus satisfaisante mais nécessitant le recours à des techniques de reconstruction plus sophistiquées (greffe de peau ou lambeaux complexes) et s'accompagnant d'une plus importante morbidité avec augmentation des durées d'hospitalisation et du coût inhérent.

Pour trancher ce débat particulièrement important dans le cas des tumeurs épaisses, une récente méta-analyse Cochrane (1) a été réalisée, mais dont les conclusions se sont avérées insuffisantes pour édicter des recommandations fondées sur un niveau de preuve acceptable.

La plupart des essais contrôlés randomisés ont en effet porté sur des tumeurs relativement minces et l'Intergroup Melanoma Surgical Trial (2) a rapporté des données concernant des mélanomes cutanés d'épaisseur intermédiaire (1-4 mm) souvent inférieure à 2 mm d'épaisseur.

Quelle marge pour quelle survie ?

Afin de déterminer la marge optimale devant être respectée autour de la tumeur lors de l'exérèse d'un mélanome cutané de plus de 2 mm d'épaisseur, une étude scandinave a comparé la survie de patients en fonction de la taille de la marge d’exérèse retenue (3). Les 936 patients inclus dans cette étude ont été randomisés en 2 groupes bénéficiant respectivement d'une marge de résection de 2 cm (n = 465) et de 4 cm (n = 471).

Vers une réduction des marges…

Aucune différence significative n'a été mise en évidence entre les 2 groupes, qu'il s'agisse de la survie globale (figure), du risque de récidive ou de décès dus au mélanome. Après un suivi médian de 6,7 ans, 181 patients du groupe 2 cm et 177 patients du groupe 4 cm étaient décédés (risque relatif 1,05 ; p = 0,64). La survie globale à 5 ans était de 65 % dans les 2 groupes (p = 0,69).


Les résultats de cette nouvelle étude plaident en faveur d'une marge péritumorale de 2 cm lors de l'exérèse des mélanomes cutanés de plus de 2 mm d'épaisseur, résultats qu'il serait nécessaire de corroborer par une méta-analyse spécifique concernant ce type de mélanomes.

Dr F.H.

Références
1- Sladden MJ, Balch C, Barzilai DA, et al. Surgical excision margins for primary cutaneous melanoma. Cochrane Database Syst Rev 2009; 4: CD004835.
2- Balch CM, Soong SJ, Smith T, et al. Long-term results of a prospective surgical trial comparing 2 cm vs 4 cm excision margins for 740 patients with 1–4 mm melanomas. Ann Surg Oncol 2001;8:101–08
Gillgren P, Drzewiecki KT, Niin M, et al. 2-cm versus 4-cm surgical excision margins for primary
cutaneous melanoma thicker than 2 mm: a randomised, multicentre trial. Lancet 2011; 378: 1635-42.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article