Faut-il avoir vraiment peur des gardiens de la raison ?
Paris, le vendredi 25 septembre 2020 - Nous avons
régulièrement évoqué dans ces colonnes les difficultés liées à la
transmission de l’information scientifique, à tel point que
certains de nos lecteurs n’hésitent pas à nous taquiner en
remarquant qu’il s’agit de l'un de nos sujets favoris.
Nous avons essayé de discuter les multiples obstacles qui
rendent complexe cet exercice. Bien sûr, la pression des intérêts
financiers et industriels est largement connue et doit toujours
inciter à la vigilance, même si l’existence de mécanismes de
contrôle (telle l’adaptation en France du Sunshine Act par
exemple) et probablement les leçons des scandales passés ont
favorisé les bonnes pratiques dans les entreprises et les
rédactions.
D’autres mécanismes méritent également l’attention. Du côté
des receveurs (et parfois des émetteurs), on peut évoquer la
méconnaissance de la démarche scientifique qui empêche la
compréhension de certaines informations, de leurs enjeux et de
leurs limites et un esprit critique parfois en sommeil parce que
pas nécessairement assez stimulé ou entraîné. Concernant les
émetteurs (dont le JIM fait partie), outre la pression des forces
financières que nous avons déjà évoquée et des défauts partagés
avec les lecteurs, s’ajoute, comme de tout temps dans les médias,
l’attirance pour une forme de sensationnalisme et de catastrophisme
; la peur étant un capteur d’audience toujours efficace. La crise
de la presse qui pousse à toujours plus de précipitation est
également un obstacle à la construction d’une information de
qualité. Enfin, et ceci est également ancestral, l’influence de
certaines idéologies (quelles qu’elles soient) biaise
nécessairement l’émission des messages.
Un travail délicat mais indispensable
Avec internet et ce que la chercheuse Virginie Tournay (CNRS
(CEVIPOF) Sciences-Po Paris) appelle la « dérégulation du marché
de l’information », les canaux de communications se sont
démultipliés, conduisant à une transmission encore plus brouillée
et complexe. Face à cette situation, beaucoup, indiquant agir au
nom de la « raison scientifique » et prônant la pratique du
doute (soit la zététique) tentent d’agir. Ils décryptent les
informations, décortiquent les biais cognitifs qui peuvent déformer
nos perceptions, mettent en lumière les études et révèlent les
zones d’ombre. Ils rappellent la difficulté de médiatiser une
science nécessairement toujours objet d’incertitudes. Leurs canaux
sont multiples, de la vidéo youtube à la tribune journalistique, de
l’essai sociologique ou philosophique aux conférences. Nous avons
régulièrement évoqué leurs actions, qu’il s’agisse d’Emmanuelle
Ducros journaliste à l’Opinion offrant un éclairage sur les
pratiques agricoles, de l’Association française sur l’information
scientifique qui sur de multiples sujets tente de déconstruire
certains mythes, ou encore de Virginie Tournay qui à travers une
tribune en 2018 a appelé à une « reconquête » de la «
culture scientifique ».
Quand la raison est instrumentalisée par les
industriels et les libertariens
Aujourd’hui, les travaux de ces « rationalistes » sont
vivement attaqués par un livre (paru le 24 septembre aux éditions
La Découverte, 22 euros) signés par deux journalistes du
Monde, Stéphane Horel et Stéphane Foucart et le sociologue
de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS), Sylvain
Laurens. L’argument du livre est d’explorer « les nouvelles
frontières du lobbying ». Ils affirment en effet qu’un grand
nombre de ces « gardiens de la raison » sont soit sciemment,
soit inconsciemment, utilisés par des grands groupes industriels
pour servir leurs idées et continuer à promouvoir leurs
technologies (dont on comprend à demi-mot qu’elles sont
nécessairement majoritairement néfastes). « Il ne s’agit plus
seulement de commanditer des études à publier dans les revues
savantes pour influencer le décideur public tenté d’interdire un
produit. L’enjeu consiste maintenant à prendre position dans
l’espace de la médiation scientifique, dans ces lieux où l’on fait
la promotion de la science et de son esprit auprès des citoyens,
parfois avec l’aide des pouvoirs publics. Prendre position, mais
aussi possession. Les arguments de l’industrie étaient parés des
atours de la science, ils sont maintenant dissimulés derrière une
défense de la science comme bien commun. Chacun a entendu ces
affirmations dans le débat public : être contre les pesticides dans
leurs usages actuels, interroger certains usages des
biotechnologies, critiquer l’industrie du nucléaire, c’est être
“contre la science”, c’est verser dans l’“obscurantisme”. La
stratégie des marchands de pétrole, de plastique, de pesticides et
d’alcool consiste désormais à dire ce qu’est la “bonne” science. De
ce fait, nous n’assistons plus seulement à un dévoiement de
l’expertise scientifique, mais à un détournement plus profond des
logiques mêmes de fonctionnement d’un espace public reposant sur un
idéal de vérité » expliquent les trois auteurs (Bonnes
feuilles, publiées, ce qui n’étonnera pas, dans Le Monde). «
Les firmes s’emploient à faire passer leur matériau de lobbying
scientifique pour l’état de la science. (…) Elles ont aussi besoin
de disséminer leurs informations et de recruter des défenseurs,
parfois à leur insu. Cherchant sans cesse l’aval d’acteurs de
terrain, les stratèges de l’industrie ne s’encombrent d’aucun
scrupule, embarquant au passage la réputation et le prestige de
petites associations qui ont, pendant des décennies, défendu
l’éducation populaire à la science et la médiation scientifique
avec autant de patience que de conviction. Tel a été le destin de
l’Association française pour l’information scientifique (AFIS),
dont il sera longuement question dans ce livre. Cette héritière du
mouvement rationaliste proclame promouvoir la science et défendre
son intégrité. Elle a pourtant été la première importatrice du
climatoscepticisme et d’autres mensonges sponsorisés par de grands
groupes états uniens. Mais ceux qui relaient les messages des
firmes et de leurs consultants n’ont pas toujours conscience de ce
qu’ils font. Et c’est justement là l’une de ces nouvelles
stratégies furtives concoctées par le marketing digital »,
dénoncent encore les trois auteurs. Ces derniers vont plus loin en
affirmant que ces « défenseurs de la raison » et de la
science sont les apôtres ou les jouets inconscients de l’idéologie
libertarienne. « Beaucoup sont de bonne foi quand ils
répercutent et amplifient des éléments de langage concoctés par des
officines de relations publiques, sans percevoir qu’ils participent
à un projet politique dont la nature et la portée leur échappent.
Peu savent que l’argent de l’idéologie libertarienne contribue à sa
diffusion. Ce qui se joue dans les pages qui suivent ne concerne
pas seulement les controverses sociotechniques sur le glyphosate,
les OGM, le nucléaire ou les pesticides. Si enjeu il y a, c’est
bien celui de la réactualisation, autour de la science, de tout le
credo conservateur » concluent-ils leur introduction.
Un scandale sans preuves ?
Avant même sa parution, cet essai a été très vivement critiqué
par les personnes ciblées. La rédaction du JIM n’avait pas pu lire
au-delà de quelques extraits l’ouvrage en question. Néanmoins, les
réactions qu’il a déjà suscitées et les interventions des trois
auteurs offrent un éclairage intéressant. On pourra tout d’abord
remarquer que les trois auteurs choisissent de suggérer l’existence
d’une forme de conspirationnisme « libertarien », terme qui
ouvre la voie à quelques fantasmagories sectaires. Surtout, les
preuves apportées par les trois auteurs manqueraient de robustesse.
« Il y a peut-être du vrai dans les liens d’intérêt
quasi-mafieux que les journalistes nous dépeignent ; les petites
histoires laborieusement égrenées au long de ces 372 pages sont
peut-être les indices d’une corruption généralisée du milieu
rationaliste (soit par appât du gain, soit par la faute d’une
stupidité instrumentalisée par les think tank) (…). Mais alors on
souhaiterait que nos trois héros travaillent à en faire la
démonstration, c’est leur job, il est important. Le sujet ne peut
pas être laissé à des nuls ou à des militants malhonnêtes, qui
seraient, pour le coup, les vrais idiots utiles des vrais
corrupteurs & corrompus. Je n’ai pas les connaissances
nécessaires pour évaluer la pertinence de toutes les attaques
contenues dans ces pages. Il ne me revient pas de porter un
jugement sur l’ensemble du livre. Mais sur certains aspects, le
texte se distingue tellement peu des élucubrations complotistes
dirigées contre notre travail quotidiennement depuis 5 ans, qu’il
sera sans nul doute salué par les plus virulents de nos
détracteurs, heureux de voir couché sur papier leurs obsessions
(comme l’astroturfing ou l’accusation d’appartenir à un bord
politique abhorré), et peu regardants sur l’absence de substance
permettant de sortir de la lecture avec des informations
pertinentes » dénonce ainsi Thomas Durand, qui participe à la
chaîne de vulgarisation La Tronche en
biais sur le blog La Menace Théoriste.
La lutte anti sceptique laisse sceptique
« Dans un mélange de « cherry-picking » (sélections
biaisées), de témoignages invérifiables, d’affirmations fausses,
d’extrapolations hors contexte et d’insinuations, les auteurs
tentent de disqualifier toutes ces personnes et entités en les
accusant, au choix, de prôner le "climato-scepticisme", de
promouvoir une "sociologie viriliste" (sic), de mener une "croisade
antigenre au nom de Darwin"… Leurs actions se concrétiseraient par
"la trollisation de l’espace public". Le tout, bien entendu, au
service de lobbies industriels et, dans la lignée des mensonges des
industriels du tabac, dans un "projet politique volontiers financé
par l’argent des industriels libertariens, et qui porte la marque
de leur idéologie anti-environnementaliste et antiféministe" (4e de
couverture) afin d’"étouffer tout mouvement social qui tenterait
d’employer les armes de la science pour argumenter". Pour se faire
une opinion fondée, le lecteur vraiment intéressé par la raison, le
rationalisme, la science et les controverses que suscitent ses
applications, se reportera avec profit aux textes originaux des
personnes citées, et aux publications de l’Afis en particulier (en
accès libre sur notre site Internet afis.org). Dans ces dernières, il
découvrira une réalité, une démarche, aux antipodes des propos
tenus par les auteurs de ce livre dont l’objectif semble plus de
décrédibiliser et salir pour disqualifier dans le débat que de
contester avec des arguments réels les propos auxquels ils
s’opposent » rétorque de son côté l’AFIS. Cette dernière est
notamment présentée par les journalistes du Monde comme «
l’épicentre de [la] propagation [du climato-scepticisme] en
France ». « Des pages entières du livre sont consacrées à
tenter de le prouver, en se focalisant en particulier sur un
article de Charles Muller de janvier 2008 et en omettant
soigneusement de citer les prises de position de l’Afis elle-même,
dans ses introductions aux dossiers consacrés à ce sujet et dans
ses éditoriaux (l’association réaffirme et explique pourtant
régulièrement le consensus scientifique sur le sujet). Selon les
auteurs du livre, le rôle d’épicentre serait ainsi prouvé : "Une
recherche dans l’outil “Google Trends” permet de mesurer
l’intensité des recherches effectuées sur le moteur de recherche de
Google, et les résultats pour “climato sceptique” sont éloquents :
aucune requête sur ce mot-clé n’est enregistrée avant janvier 2008.
Le terme est absent des conversations et des esprits. Il n’existe
pas. L’intérêt ne surgit qu’après la publication du texte de
Charles Muller/Champetier dans la revue de l’Afis". Une simple
vérification montre que même cette corrélation est inventée : la
recherche avec le terme "climato-sceptique" suggéré par les auteurs
du livre montre un début de trafic mesuré par Google Trends à
partir de novembre 2009, presque deux ans après la publication de
l’article incriminé » corrige l’AFIS.
Vous avez dit désinformation et agressivité ?
Avec ces exemples de déformation et d’extrapolation, voire
d’erreurs, qui sont également épinglées par Virginie Tournay et le
professeur au laboratoire de Sciences Cognitives et
Psycholinguistique à l’École normale supérieure Franck Ramus, on
peut se permettre quelques observations tant sur la méthode que sur
le fond général.
Sur la méthode, dans une interview accordée à France inter
(dans l’émission L’Instant M ce 24 septembre), Stéphane Foucart et
Stéphane Horel sont revenus sur l’existence de Science Media
Centers (tels qu’ils existent dans de nombreux pays et
notamment en Grande-Bretagne) qui seraient selon eux au service de
l’industrie et qui favoriseraient le journalisme « paresseux
», se contentant de recopier des communiqués et citations préparés
d’avance. Bien sûr, les deux journalistes du Monde ne
peuvent être accusés de telles facilités. Cependant, on espère
d’une part que sont de la même façon accusés d’indolence ceux qui
choisissent de recopier les communiqués et citations préparés
d’avance par des associations de consommateur ou écologistes.
Surtout, on aimerait savoir quel regard sévère ils porteraient sur
des journalistes dont les vérifications conduisent à de nombreuses
approximations et erreurs. « Les auteurs combinent des
affirmations factuellement fausses par défaut des vérifications les
plus élémentaires, et des insinuations sans aucun fondement, sans
aucune source, et sans aucune demande d'information. Il est
désolant que ces auteurs ne se montrent pas capables de consulter
une page web et d'y recopier l'affiliation ou la fonction d'un
chercheur. Il est désolant qu'ils publient des spéculations comme
des faits avérés, sans prendre la peine de lire ce qu'un chercheur
écrit et d'écouter ce qu'il dit pour pouvoir le citer fidèlement,
et de l'interroger directement si le moindre doute subsiste sur sa
pensée. De tels procédés ne font honneur ni au journalisme, ni à la
sociologie. Si la qualité du reste du livre est à l’avenant des
quelques passages me concernant, il ne mérite assurément pas d’être
lu » écrit par exemple Franck Ramus.
Virginie Tournay rapporte pour sa part comment ses réflexions
autour de la nécessité de répondre à la crise de l’expertise en
France, qui s’intéressent au rôle que pourrait jouer un « centre
médiateur » ont été déformées dans un récent article de
Stéphane Horel et Stéphane Foucart. « Mes travaux de sciences
sociales portent sur la circulation des données de la recherche
scientifique dans l’espace public (…). L’expérience collective
douloureuse de la pandémie a bien montré la nécessité de développer
des travaux portant sur la diffusion de l’information liée à « la
science en train de se faire ». C’est une nécessité civique compte
tenu de la cacophonie actuelle des expertises. (…) Mes travaux
n’ont rien à voir avec le titre alarmiste « L’information
scientifique sous tutelle d’une agence de communication », ni ne
visent à reproduire en France l’exemple britannique (En outre, les
auteurs oublient aussi de préciser qu’il y a différents types de
SMC dans le monde entier). Il ne s’agit pas de mettre une
information « sous tutelle » ni de créer une « agence de
communication » ex-nihilo, mais de favoriser un travail coopératif
entre les acteurs producteurs et médiateur (…) L’indépendance des
journalistes est un aspect clef (il s’agit de faciliter l’accès à
des ressources et non pas de toucher à la liberté d’expression de
la presse comme cela est explicitement précisé dans un de mes
articles (…) Je n’ai jamais envisagé un quelconque financement par
l’industrie (indépendance économique), ni une structure au service
d’intérêts financiers ! ». Enfin, on observera comment ceux qui
sur France Inter par exemple s’insurgent contre «
l’agressivité » de ceux qu’ils nomment les « trolls »
n’hésite pas pour leur part à user d’argument si non agressif tout
au moins particulièrement méprisant. « Le chapitre 5 ” La
trollisation de l’espace public” livre des portraits saisissants de
mépris de Bunker D, Matadon, Mathieu « MJE » Rebeaud, Anthony
Guihur (différents scientifiques œuvrant sur Twitter, ndrl)… Les
jugements minables sur leur personne s’y succèdent, et on se
demande bien quel but informatif est recherché dans ces pages d’une
intense médiocrité. "Ses yeux roulent comme des billes sombres dans
le visage pâle de quelqu’un qui se couche tard et se lève tard".
(…) "Anthony Guihur parle bien. Mathieu Rebeaud gribouille dans un
carnet à spirale où une ligne rouge divise la page en deux".
Parfois on se demande ce que c’est que le “journalisme
d’insinuation”. Les auteurs en fournissent de nombreux exemples
», épingle Thomas Durand.
Être de droite c’est mal : ça tombe bien, ils ne le
sont sans doute pas !
Sur le fond, on nous permettra une allusion personnelle : il
ne faut jamais être allé à une réunion de l’AFIS pour croire
qu’elle puisse recevoir de somptueuses subventions de groupes
industriels ou libertariens richissimes (ou alors je me suis
toujours éclipsée au moment où les flutes à champagne remplaçaient
les verres en plastique de jus d’orange…). Ceux qui par ailleurs
ont paresseusement assisté aux débats qui existent régulièrement
dans la sphère de la zététique ou qui ont pu entendre leurs
réflexions générales sur la société se montreront probablement un
brin étonnés de les voir accusés de défendre des idéologies
capitalistes ou de droite (sans compter le fait qu’être
capitaliste, voire même de droite ne devrait pas nécessairement
être considéré comme un motif d’exclusion d’office… tout comme
vouloir espérer que tous les industriels ne sont pas d’horribles
manipulateurs). Au-delà de la boutade, on peut s’interroger sur
l’absence d’autocritique de ceux qui refusent de reconnaître que si
des biais idéologiques existent nécessairement, ils ne peuvent en
être exempts. « Les cibles de ce brûlot sont désignées comme des
“défenseurs de la science autoproclamés” ce qui me pousse à
m’interroger sur qui pourrait bien embrasser cette vocation
autrement que de sa propre autorité. Les auteurs pensent-ils être
mandatés, eux, détenir un droit supérieur à défendre la science
? » s’interroge ironiquement Thomas Durand. En tout état de
cause le livre n’est pas censé être le lieu de l’affrontement des
arguments scientifiques (Stéphane Foucart peut se prêter
régulièrement à cet exercice, souvent avec talent). Cependant, les
auteurs n’hésitent pas à donner comme exemple de l’influence des
rationalistes corrompus (encore une fois peut-être à leur insu)
l’exemple du numéro d’Envoyé Spécial consacré au glyphosate. Ainsi,
assument-ils de considérer qu’un reportage ayant offert un
important temps d’antenne à un chercheur dont les erreurs ont été
dénoncées par la quasi-totalité de la sphère scientifique et qui a
donc été inévitablement été largement critiqué (y compris par le
CSA) puisse être utilisé comme exemple de l’activisme des
rationalistes dévoyés ? N’y-a-t-il aucun moment où même si la thèse
que l’on va exposer peut conduire à exonérer une industrie, parce
qu’elle est fondée sur des faisceaux plus que solides, doit être
exempte de tout soupçon de corruption ?
Qui connaît les gardiens de la raison ?
Enfin, les auteurs expliquent la raison de ce nouveau livre
par une forme d’urgence, l’existence d’un danger. Pourtant, comment
ne pas voir que l’argent dépensé et le lobbying mis en œuvre par
les industriels, voire par les libertariens, utilisant des gardiens
dévoyés de la science certains à leur insu, d’autres avec leur
complaisance, sont de vains efforts ? Il n’y a en France plus
aucune velléité politique réelle d’envisager une possible
autorisation des OGM (même quand le recours par exemple au riz doré
est défendu par plus que des rationalistes isolés mais par de très
nombreux scientifiques dont des Prix Nobel) la conviction que
l’objectif à atteindre est une élimination des pesticides est
partagée par le plus grand nombre au sein des plus hautes instances
comme parmi les citoyens, les industriels souffrent d’une image
fortement dépréciée au sein de la société. Et cela n’est guère
surprenant. Car les relais de ces gardiens de la raison, en dépit
de leurs riches et machiavéliques soutiens, sont bien faibles
comparés à ceux qui véhiculent la bonne parole et donc la bonne
science (à défaut de la vérité scientifique si incertaine).
Que sont des vulgarisateurs sur Youtube, une association sans
champagne et des chercheurs isolés et peu entendus face aux
journalistes œuvrant dans la plus grande et plus respectée
rédaction de France… qui plus est soutenue par des industriels
richissimes. « Je n’ai pu m’empêcher de trouver cocasse que
l’occupant de la chaire de « sociologie des élites européennes » de
l’EHESS s’allie à deux salariés du journal par excellence des
élites françaises – dont les principaux actionnaires sont deux
industriels milliardaires et un banquier d’affaires millionnaire –
pour tenter de jeter le discrédit sur quantité de militants
rationalistes qui sont pour la plupart bénévoles et médiatiquement
marginaux. Mais peut-être est-ce finalement bon signe que le combat
désintéressé au service de la raison rende la bourgeoisie verte de
rage » écrit ainsi ironiquement le journaliste Laurent
Dauré.
Post Scriptum : Je ne suis probablement pas journaliste au
sens où les puristes l’entendraient et je ne leur dénie nullement
le droit de défendre un idéal de cette profession. J’essaye avec
les moyens dont je dispose, souvent mon seul esprit critique, de
relater des faits et de les éclairer. J’écris des articles sur un
site dont le financement repose en partie sur une industrie. C’est
une industrie qui a ses défauts mais aussi ses qualités, notamment
parce que sans elle, en tout cas jusqu’à aujourd’hui en France, la
production de médicaments et de vaccins n’existerait pas. Je
connais la démarche scientifique qui repose sur le doute. Je
n’ignore pas qu’elle puisse être détournée. Mais se réclamer
d’elle, même quand cela conduit, douloureuse conséquence, à
défendre des positions qui pourraient être favorables à
l’industrie, me semble un gage forcément positif. Si j’ai défendu
ici la démarche scientifique en évoquant les critiques adressées à
certains industriels c’est parce que naïvement je voulais espérer
qu’elle pourrait permettre de déconstruire certaines critiques (et
peurs) non fondées. Je sais que nécessairement ma parole ne peut
être prise en compte. Elle n’en est que plus libre.
Je suis assez d’accord sur la critique de ce type de journalisme où l’investigation se fait toujours dans le même sens, ce qui réduit dangereusement le débat. Néanmoins ce type de livre est important car il éclaire parfois des mécanismes non visibles de façon assez pertinente ; c’était en tout cas mon sentiment après la lecture d’un ouvrage de Horel intitulé Lobbytomie.
Je n’ai pas lu ce nouvel ouvrage mais j’imagine assez vite que leur système d’investigation puisse assez rapidement tourner à la manipulation et se retourner contre eux. Merci pour votre éclairage et les droits de réponse.
Dr P.Eck
Belle réflexion
Le 26 septembre 2020
Une présentation pas toujours claire. Dommage.
Pierre Heinis
Fouillé, trop fouillé
Le 26 septembre 2020
Article fouillé, trop fouillé ? Pour qui n'est pas familier du contexte français, l'ensemble du message est finalement assez "brouillé". Un peu plus de synthèse ne ferait pas de mal.