Faut-il encadrer la naturopathie ?

Paris, le mercredi 18 janvier 2023 - Faut-il réglementer la naturopathie ? Les débats sur cette discipline très contestée ressurgissent, alors que deux personnes, se revendiquant « naturopathes », ont été mises en examen la semaine dernière soupçonnées d’être impliquées dans le décès de plusieurs personnes. Aussi, de nombreux professionnels appellent à un meilleur encadrement de la pratique.

Eric Gandon, se présentant comme « naturopathe », et son fils, ont été mis en examen le 13 janvier dernier, à la suite de plusieurs morts survenues après des « cures hydriques » organisées par les deux hommes. Un fait divers qui relance le débat sur la naturopathie, considérée comme une pseudomédecine, et fréquemment épinglée par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Probablement conscient dans ce contexte de la nécessité de soigner l’image de sa discipline, Jérôme Poiraud, naturopathe et président de l’Organisation de la médecine naturelle et de l’éducation sanitaire (Omnes), appelle l’État à encadrer la profession pour « faire le ménage » et écarter les charlatans.

« N’importe qui peut se déclarer naturopathe »

En France, la naturopathie n’est pas une profession réglementée. Si certains considèrent qu’un encadrement législatif ne devrait pas être nécessaire pour une discipline pseudoscientifique, Jérôme Poiraud rétorque que l’État a pourtant réglementé l’ostéopathie en 2012. « Aujourd’hui, n’importe qui peut se déclarer naturopathe, simplement après avoir ouvert un livre. Forcément, cela ouvre la voie à des dérives ».

L’Omnes délivre des agréments à des écoles de naturopathie et propose des formations continues, afin que l’exercice de la profession « ne se fasse pas sans connaissances [médicales] ni bases légales », ajoute son président. « On ne parle d’ailleurs pas de médecine alternative ni même de médecine douce, mais d’approche complémentaire ou non conventionnelle ».

Même son de cloche du côté du Syndicat des professionnels de la naturopathie (SPN), qui a également invité l’État à réglementer la profession dans un communiqué publié le 13 janvier. « Il y a du ménage à faire, c’est évident. Nous avons déjà alerté sur des organismes de formation qui ne sont pas assez exemplaires sur l’éthique de notre métier », a indiqué Alexandra Attalauziti, présidente du SPN. « Nous voulons réguler, organiser, écrémer, c’est une urgence. Nous devons travailler de concert avec les autorités compétentes pour que la naturopathie soit reconnue comme une pratique de la prévention, complémentaire à notre médecine ».

Mais plusieurs voix s’élèvent contre toute réglementation, émanant notamment de syndicats de médecins.

« Je ne vois pas comment évaluer le sérieux dans un secteur qui n’accepte pas le principe de la preuve scientifique »

Jérôme Marty, président de l’UFML-Syndicat (Union française pour une médecine libre), est fermement opposé à tout encadrement de la naturopathie, affirmant qu’« il n’y a pas lieu de réglementer une profession qui n’en est pas une ». Et d’ajouter : « que ces personnes qui exercent une activité commerciale investissent le champ du bien-être, on ne peut l’empêcher. Mais la priorité est de contrer les tentatives d’immixtion dans le domaine de la santé ».

Le médecin estime que la réglementation ne permettrait pas, dans tous les cas, d’écarter les charlatans : « je ne vois pas comment évaluer le sérieux dans un secteur qui n’accepte pas le principe de la preuve scientifique ». « Pour nous, la priorité est que l’État se mobilise contre la confusion. Il faudrait commencer par interdire légalement toute utilisation du mot soin ou santé par ceux qui ne sont pas des professionnels reconnus », ajoute Jérôme Marty.

L’année dernière, plusieurs médecins et syndicats s’étaient d’ailleurs mobilisés pour limiter l’accès du portail Doctolib afin d’exclure la présence de naturopathes, dont beaucoup se revendiquaient des méthodes extrêmement contestées d’Irène Grosjean et de Thierry Casasnovas. Le site avait accepté, de répondre à ces demandes.

Côté pouvoirs publics, la secrétaire d’État à la Citoyenneté Sonia Backès a indiqué, après l’annonce de la mise en examen d’Eric Gandon, qu’il était « indispensable que les Français soient mieux informés sur les risques importants […] pour leur santé lorsqu’ils participent à ce genre de stages encadrés par des charlatans ». La secrétaire d’État a ajouté que des assises seront organisées au printemps prochain pour donner à l’État « les moyens de lutter contre ces nouvelles formes de dérives sectaires ».

Raphaël Lichten

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Vos réactions (11)

  • Encadrer c'est cautionner

    Le 20 janvier 2023

    La "naturopathie" ne doit faire l'objet que d'une seule réglementation : l'interdiction.
    Les professionnels de santé diplômés peuvent fort bien (et doivent même) mettre en œuvre d'innombrables traitements non médicamenteux s'ils sont validés par les institutions savantes et sanitaires.
    On n'a pas plus besoin de naturopathes que d'astrologues, et toute prétention à soigner sans diplôme d'Etat doit être sévèrement condamnée.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Naturopathes et autres charlatans

    Le 22 janvier 2023

    Il est impossible de se débarrasser de tous ces marchands d’illusions que sont naturopathes, chiropracteurs, ostéopathes, homéopathes et toute la clique des bidulepathes. D’autant plus que ça ne coûte rien à l’état et que la crédulité progresse chaque jour, appuyée par les réseaux dits sociaux. On n’a jamais eu autant de connaissances scientifiques dans l'histoire de l'homme mais la force des croyances est la même.

    Dr P Martinolle

  • Il faut purement et simplement interdire...

    Le 22 janvier 2023

    ... ces "dérapeuthes".
    Le statut de thérapeute doit être réservé à des gens qui ont fait des études reconnues. En sachant qu'il y a encore des universités qui enseignent l'homéopathie, la mésotherapie... il y a du ménage à faire.

    Pr André Muller

  • Naturopathie

    Le 22 janvier 2023

    Entièrement d'accord avec le Dr Rimbaud !
    Nous avons déjà du mal à faire de la science ! La médecine basée sur la preuve peine à la tâche. Et il faudrait dépenser de l'énergie pour "encadrer" des charlatans (scandaleux).

    Dr J.M. Servais, Belgique

  • Encadrer tous les thérapeutes

    Le 24 janvier 2023

    En ce cas, il faut encadrer toutes les professions de soin, car les dérives sont loin de ne concerner que les personnes qui n'ont pas de diplôme reconnu.
    Quand on voit qu'un certain médecin certifié conforme est laissé autorisé à pratiquer par l'Ordre alors qu'il a commis quelques abus sexuels à répétition, ça pose quand même question quant à la volonté de régulation du corps médical par lui-même, plus prompt à s'attaquer à des soit-disant "dérapeutes", auxquels certains s'adressent, peut-être parce que la médecine telle qu'elle se pratique actuellement, avec tous ses progrès scientifiques, ne leur apporte pas le soulagement à leurs souffrances réelles (quand on obtient un rendez-vous à temps).

    L Saint-Martin, IDE

  • Hors sujet @ L Saint Martin

    Le 27 janvier 2023

    C'est un autre problème, il faut poursuivre les délinquants sexuels, qu'ils soient médecins ou qu'ils aient une autre profession (d'ailleurs, même s'il sont médiatisés en ce moment, les gynéco n'ont pas l'exclusivité des poursuites dans ce sujet, il y a aussi des exemples d'abus sexuels chez les ostéopathes, les infirmiers, etc).
    C'est un autre sujet de parler des charlatans qui abusent de la détresse des gens pour faire leur business, et le fait que la médecine "telle qu'on la pratique aujourd'hui" ne répond pas à toutes les souffrances n'est pas une excuse pour en profiter et prendre quelques billets au passage.

    Dr E Orvain

  • Vous avez dit naturopathie

    Le 28 janvier 2023

    @ L Saint-Martin, IDE.
    Si vous avez confiance dans la naturopathie et si vous la soutenez face à la médecine, libre à vous de la promouvoir d'aller consulter les naturopathes et "pathes" de toutes sortes et petit conseil... Quittez votre métier d'IDE si vous préférez la naturopathie et doutez de la science médicale.
    PS : Juger le comportement des médecins à partir d'un cas très particulier est irrecevable.

    Dr C Salmon

  • Pourquoi se poser la question

    Le 28 janvier 2023

    La naturopathie n'a pas à être encadrée ni même reconnue comme une pratique médicale, elle n'en n'est tout simplement pas une !

    Dr C Salmon

  • Hors sujet bis

    Le 28 janvier 2023

    C'est facile de décréter un hors sujet quand on n'a pas envie de voir un sujet discuté.
    Ce dont je parle et je maintiens, c'est l'absence de volonté de régulation au sein d'un monde médical prompt à vouloir réguler partout autour (il suffit de voir les réactions de certains face aux IPA, qui sont fondées d'abord sur des préjugés quand il ne s'agit pas d'une ignorance plus ou moins complète du contexte légal et de formation exigée). Quand les pairs laissent de tels potentiels de nuisance en place, il s'agit d'une non-volonté d'agir.
    Après libre aussi au monde médical de ne surtout pas se poser de questions sur la demande voire la fuite vers d'autres façons de soigner non reconnues.
    Ce que je sais c'est que par ici, un groupe constitué d'orthophonistes, médecins, naturopathe, veulent créer une maison de santé avec différentes façons de soigner. Avec l'appui de la population locale et même d'élus.
    Quand de toutes façons il n'y a plus d'offre, et bien les citoyens accueillent celle qui vient avec joie. Et je ne m'inquiète pas sur le fait qu'eux-mêmes feront le tri des personnes qui s'occupent correctement d'elles et de celles qui ne font pas bien le job, qu'il s'agisse de soignants conventionnés et reconnus ou d'autres "derapeutes".

    L Saint-Martin, IDE

  • Interdire

    Le 29 janvier 2023

    Je suis d'accord avec mes confrères (pour une fois ?) : devant le déferlement d'illuminés crédules et d'escrocs, il ne reste qu'à interdire.

    Dr Y Benchimol

  • Naturopathie et naturo-prévention

    Le 04 février 2023

    Distinguer traitement et prévention. Vivre proche de la nature a été proposé par 2 frères médecins les Docteurs Durville à l'origine de l'ile des naturistes sur la Seine (physiopolis) et de l'ile du Levant (héliopolis).
    C'étaient des modes de vie pendant les vacances avec sports, exposition au soleil, sans tabac mais jamais proposé comme une thérapie (naturo thérapie à exclure sans hésiter). Mais ne pas exclure la vie proche de la nature comme un des moyens de prévention.

    Dr Henri Rochefort, membre de l'Académie de Médecine

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