
Deauville, le 28 juin 2023 – Qu’ont en commun un établissement de santé à la recherche de nouveaux praticiens et infirmiers, la présentation d’un NFT et un film percutant baptisé « Perturbations » ? Il s’agit de trois campagnes de sensibilisation, dont la pertinence, tant sur la forme que sur le fond, a été saluée lors du Festival de la Communication qui s’est tenu à Deauville les 30 et les 31 mars dernier. Un grand nombre d’acteurs engagés dans la transmission de l’information en santé, qu’ils soient journalistes, industriels, professionnels de santé ou proches d’associations de patients, ont pendant ces deux jours pu découvrir plus d’une centaine de campagnes destinées à des publics divers et portés par différents types de support.
Entendre un message, ce n’est pas l’appliquer
Comme tous les ans, les participants au Festival de la Communication rivalisaient d’enthousiasme et de dynamisme (à l’image sans doute de sa présidente Dominique Noël). Cependant, différentes communications ont semblé converger vers une même constatation : la transmission d’une information de qualité est un défi de plus en plus ardu. La multiplication des canaux de diffusion peut parfois donner le faux sentiment d’une plus grande visibilité des messages. De la même manière, les différents outils statistiques utilisés pour mesurer « l’impact » d’une campagne d’information se révèlent parfois trompeurs ou en tout cas ne parviennent pas à réellement évaluer les conséquences sur les comportements. A cet égard, la communication des équipes de Pierre Fabre aura offert un beau moment de vérité : oui les messages concernant la prévention des méfaits du soleil sont largement connus de la société, et la diffusion des campagnes est de plus en plus large. Pourtant, on compte presque toujours autant d’enfants exposés au soleil et de crèmes solaires mal utilisées… De la même manière, les écueils auxquels se heurte l’art de la communication auront été mis en évidence à travers l’évocation de la façon dont le dérèglement climatique semble à la fois partout et nulle part. Si le sujet paraît aujourd’hui omniprésent, en réalité, c’est une « communication » parfois factice et en l’absence des experts qui se met en place : ainsi Cédric Chabal (directeur associé Smart Data Power & Smart Data Health) a signalé comment seulement 5 % des tweets dédiés aux conséquences des changements climatiques sur la santé ont été faits par des… acteurs de santé.
Fameuses data
Face à cet art très difficile de la communication en santé, la vague (ou plutôt le tsunami) des datas complexifie encore la donne. Comment faire pour que toutes les informations disponibles puissent être traitées non seulement en parfaite conformité avec les règles de confidentialité mais aussi de manière pertinente et utile ? Sur ce point, Gladys Villey, directrice du département d’aide à la personne de la Mutualité belge Partenamut a proposé un exposé montrant comment les « data » pouvaient être mises au service de la création de parcours santé personnalisés.
Nuances et instantanéité ne font pas bon ménage
Qu’il s’agisse du rôle joué par les datas ou de la constatation de la difficulté de transmettre des messages performateurs, on mesure combien les enseignements récurrents des plus grands spécialistes de la communication (les journalistes) sont indispensables. Ils ont ainsi été rappelés par le Docteur Damien Mascret (France 2) signalant combien la complexité de l’information santé se prête mal à l’instantanéité des médias actuels, tandis que le Docteur Gérard Kierzeck (TF1) renchérissait en faisant l’éloge de la nuance… et en considérant les réseaux sociaux comme des « zones de non droit ».
Suivre The Voice
Mais le Festival ne serait pas le Festival de la Communication s’il n’était qu’un lieu pour énumérer les obstacles. Résolument positif, il a encore une fois donné plusieurs exemples de « communication » originale et parfaitement réussie, tel l’apprentissage par le « show », façon « The Voice », des signes neurologiques par le Professeur Emmanuelle Flamand-Roze. Surtout, la longue liste des lauréats a encore révélé de multiples messages percutants, tant sur le fond que sur la forme. Ainsi, le Grand Prix du Festival a été décerné à la campagne promue par France Adot & Galeon réalisée par l’agence Addiction, dédiée au don d’organe et baptisée de façon intrigante « Le premier NFT qui donne la vie ». L’idée est pour pallier le manque critique de dialogues ouverts au sein de la société à propos du prélèvement de ses organes de partager des NFT sur ce sujet ! Avec ce premier prix, le Festival montre bien le niveau global d’exigence, signalé également par le fait que toutes les catégories ne comptaient pas nécessairement de prix Or ou trois différents prix. D’ailleurs, l’un des membres du jury, Olivier Robichon, directeur de la rédaction du groupe Prescription Santé a bien signalé combien l’exercice devenait de plus en plus ardu et pointilleux pour les « candidats » : en effet l’œil exercé des jurys ne laisse plus aucune place au doute ou à l’amateurisme.
Défi
Pas l’ombre d’un doute et d’amateurisme avec le film « Perturbations », prix Or dans la catégorie Communication de sensibilisation Santé publique / Organisation privée. Ce court métrage poignant porté par Novo Nordisk et Breaking web a été écrit par Jérôme Genevray et Camille Hédouin en collaboration avec des professionnels de santé et des patients experts. Il illustre parfaitement la façon dont les préjugés dont sont victimes les personnes souffrant d’obésité représentent pour eux une double peine. Dans ce palmarès, témoignant toujours de l’importance de proposer à la fois des formats inédits et des messages performateurs, on retiendra le compte Tik Tok Hopi Tok de l’Hôpital Fondation Rothschild (Prix Or, communication institutionnelle), qui permet de communiquer sans filtre (qui aurait pu imaginer Rothschild sur Tik Tok !) sur le quotidien des équipes et de recruter de nouveaux professionnels. Ainsi, qu’il s’agisse de la communication médicale envers les professionnels de santé (« Qui nous soignera quand les professionnels de santé ne seront plus là » de l’association SPS) ou encore de celle au profit d’associations de patients (« Connaître ma maladie c’est reprendre le pouvoir sur ma vie », par Novartis et Edelman), le Festival a pu mettre à l’honneur le meilleur de la communication en santé, dans un défi sans cesse à réinventer.
Aurélie Haroche