Chez le sujet âgé atteint d’une démence, le déclin cognitif est
fréquemment accompagné de troubles affectant notamment l’humeur,
les comportements, le sommeil et les activités de la vie
quotidienne. Le risque inhérent à ces perturbations de gravité
croissante est la perte progressive de l’autonomie qui aboutit au
placement en institution. Les possibilités thérapeutiques sont très
limitées à l’heure actuelle, tout au plus symptomatiques.
De ce fait, il est logique de diversifier les approches du
problème. Les variations circadiennes du pacemaker cérébral,
localisé dans les noyaux suprachiasmatiques hypothalamiques,
peuvent d’ailleurs contribuer aux désordres précédemment évoqués.
Le système circadien qui rythme le temps au sein de l’organisme est
très sensible à la lumière environnementale, tout autant qu’à la
mélatonine.
Son fonctionnement peut d’ailleurs être compromis par la perte de la synchronisation entre ces paramètres physiques et biologiques. En cas de démence, la synchronisation peut être profondément altérée par la diminution de l’exposition à la lumière et la baisse de la production de mélatonine. De fait, l’exposition intermittente à une lumière vive peut améliorer les troubles touchant les comportements et le sommeil.
Quel pourrait être l’impact à long terme d’une stimulation du système circadien par la combinaison de la lumière du jour et la prise de mélatonine ? Un essai randomisé multicentrique, mené à double insu, chez des sujets âgés résidant aux Pays-Bas permet de répondre à cette question. Au total, 189 sujets âgés, dont 90 % de sexe féminin (85,5+/-5,5 ans) tous institutionnalisés ont été inclus dans cette étude, entre 1999 et 2004. Il existait une démence dans 87 % des cas. La durée maximale de l’essai a été de 3,5 années (moyenne, 15+/12 mois).
Dans un groupe, l’exposition à la lumière du jour (+/- 1000 lux)
a été combinée à la prise vespérale de mélatonine (versus +/-300
lux et placebo dans l’autre groupe). Des échelles standardisées et
validées ont été utilisées pour évaluer les troubles cognitifs et
non cognitifs, tout autant que les limitations dans la réalisation
des activités quotidiennes.
L’exposition à la lumière a permis de diminuer :
1) la détérioration cognitive de 0,9 points (5 %), évaluée par le
MMSE (Mini-Mental State Examination) ; 2) les symptômes dépressifs
de 1,5 points (19 %), évalués au moyen de la Cornell Scale for
Depression in Dementia ;
3) les limitations fonctionnelles de 1,8 points/an (53 %) au moyen
de l’échelle permettant d’apprécier les activités de la vie
quotidienne.
La prise de mélatonine, pour sa part, a permis de :
1) diminuer le temps d’endormissement de 8,2 minutes (19 %) ;
2) d’augmenter la durée du sommeil de 27 minutes. Cependant, ces
avantages ont été obtenus au prix d’effets indésirables, quoique
modestes, sur l’affect.
La combinaison de la lumière et de la mélatonine a eu des effets
positifs sur :
1) les comportements agressifs (-3,9 points soit - 9 % sur l’index
d’agitation) ;
2) sur l’efficience du sommeil (+ 3,5 %) ;
3) les phases d’agitation et de réveils nocturnes et l’insomnie
(soit 1 minute/heure chaque année, 9 %).
La lumière semble avoir un effet modeste, quoique significatif, sur certains troubles cognitifs et non cognitifs chez le sujet âgé atteint d’une démence. L’association lumière et mélatonine semble bien être la combinaison la plus efficace et la mieux tolérée, dans la mesure où les effets indésirables de la mélatonine seraient contrôlés ou atténués par la lumière.
Dr Giovanni Alzato