Fractures ostéoporotiques en France, un coût élevé et peu de prévention

L’impact économique actuel des fractures ostéoporotiques graves en France est mal connu. En 2010, leur nombre en Europe pour cette seule année été évalué par l’IOF (International Osteoporosis Foundation) à 380 000, mais selon d’autres estimations, il atteindrait le demi-million. En France, d’après la base de données nationales de l’Assurance maladie, l’incidence de ces fractures graves nécessitant une hospitalisation serait de 83 000/an et le taux d’incidence annuel atteindrait ~3,6 cas/1 000 dans la population des sujets de plus de 50 ans.

Les coûts directs totaux qui leur sont imputables ont été estimés en France pour l’année 2017 à 3 748 millions d'euros. Ils varient d’un site fracturaire à l’autre, la hanche et les vertèbres étant de loin les sites les plus lourds de conséquences économiques. L’étude ICURO (International Costs and Utilities Related Osteoporotic Fractures Study) a permis de chiffrer le coût moyen annuel des fractures de hanche à 15 951 €, versus 9707 € quant aux fractures-tassements vertébrales, mais d’autres études ont conduit à des estimations quelque peu différentes. Il y a donc une large place pour d’autres approches plus exhaustives et moins biaisées, menées dans le monde réel, et la base de données de l’assurance maladie française s’avère précieuse à cet égard.

C’est au sein de cette dernière que l’étude FRACTOS a puisé ses données portant sur tous les patients d’âge ≥50 ans hospitalisés pour une fracture ostéoporotique sévère entre 2009 et 2014. Seuls les coûts directs induits par ces fractures ont été pris en compte au travers des dépenses affectées à ce poste par l’assurance maladie, une analyse multivariée par régression logistique permettant d’identifier les variables associées à ces dernières.

Au total, 356 895 patients ont été inclus dans l’étude et suivis à long terme (suivi médian = 39,1 mois). Dans l'année qui a suivi la fracture ostéoporotique inaugurale, 36 622 patients (10,5 %) ont été réhospitalisés pour un motif relevant de cette dernière. Seuls 18 474 patients (5,3 %) ont bénéficié d’une ostéodensitométrie et un traitement anti-ostéoporotique n’a été instauré qu’une fois sur six (n= 58 220 ; 16 ,7 %).

Coût annuel moyen dans l’année suivant la fracture : 18 040 €


Le coût total annuel individuel dans l'année suivant la fracture a été estimé en moyenne à 18 040 € (8 598 € pour les fractures de côtes multiples versus 21 085 € pour les fractures de la hanche), dont 17 905 € pour les coûts directement liés à la fracture. Le coût de la prise en charge de l'ostéoporose, pour sa part, n’a pas dépassé 135 € lors de cette première année

Au cours des quatre années suivantes, les coûts annuels moyens individuels ont atteint 806 €, principalement attribuables au traitement de nouvelles fractures, de fait largement supérieurs à ceux du traitement anti-ostéoporotique, soit 99 €. Le coût annuel total des soins a atteint 1 260 millions d'euros pour la seule année 2014.

Plusieurs variables ont alourdi l’addition, qu’il s’agisse de l’âge avancé, du sexe masculin, du site de la fracture, des antécédents de fracture ostéoporotique ou encore du nombre de nouvelles fractures.

Cette étude menée dans le monde réel met en exergue le coût élevé des fractures ostéoporotique graves chez les sujets qui ont dépassé l’âge de 50 ans. La prise en charge initiale pèse lourd, mais les fractures récidivantes ont également un impact économique élevé. Le traitement préventif n’est entrepris que dans moins de 20 % des cas, le recours à l’ostéodensitométrie demeurant exceptionnel. Il est donc possible d’alléger ce fardeau économique en privilégiant la prévention qui passe par une prise en charge de l’ostéoporose révélée par ces fractures graves.

Les moyens thérapeutiques existent et il convient de les utiliser à bon escient en s’aidant au besoin de la mesure de la densité minérale osseuse pour apprécier la sévérité de la déminéralisation. C’est au demeurant l’un des messages les plus importants de cette étude.

Dr Philippe Tellier

Référence
Thomas T et coll. The Economic Burden of Severe Osteoporotic Fractures in the French Healthcare Database: The FRACTOS Study. J Bone Miner Res 2022 : publication avancée en ligne le 6 octobre. doi: 10.1002/jbmr.4720.

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Vos réactions (2)

  • Quelle prévention ?

    Le 07 novembre 2022

    Le constat est simple : mieux vaut prévenir que guérir... oui mais :
    - Quels patients et à quel âge ?
    - Quelle prévention et pendant combien de temps ?
    - Et comment dépister et suivre ?
    Il manque encore l'étude montrant une stratégie de dépistage+suivi+prévention comparant le devenir à 10 ans, avec ou sans cette stratégie.

    Dr F Chassaing

  • Niveaux de prévention

    Le 09 novembre 2022

    Trois niveaux de prévention possible :
    - Primaire : activité physique de base pour personne à risque sport plaisir
    - Secondaire : ostéodensitométrie pour suivi (à définir au cas par cas dans le temps) et activité physique en résistance + sport plaisir
    - Tertiaire : pratique physique plus intense, 3 x par semaine minimum en résistance le plus souvent possible & ostéodensitométrie.
    Voici un protocole simple qui peut être d'une efficacité redoutable et en plus peu onéreux.

    M S Mecif, enseignant en Activité Physique Adaptée Santé, ergonome).

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