
Paris, le jeudi 1er juin 2023 – Plusieurs syndicats ont décidé de soutenir publiquement les appels à désobéir au règlement arbitral et à appliquer une tarification supérieure aux 26,50 euros.
Cinq semaines après la divulgation du règlement arbitral, les médecins libéraux ont encore les 26,50 euros en travers de la gorge. Après plusieurs mois de combat pour obtenir une revalorisation du C à 30 voire à 50 euros, c’est avec une grande déception que les syndicats ont découvert que le tarif de la consultation de base n’avait été valorisé que de 1,50 euros, de quoi seulement compenser l’inflation. Si la plupart des médecins ont décidé de faire bon an mal an et d’attendre la reprise des négociations conventionnelles, certains ont décidé de tout simplement violer le règlement arbitral en facturant unilatéralement à leurs patients 30 ou 50 euros la consultation.
Une action lancée individuellement par quelques médecins membres de la FMF, mais que les syndicats ne souhaitaient pas au départ soutenir, comme nous l’indiquions dans un précédent article début mai. Face à la colère grandissante des praticiens, il semble cependant que les syndicats aient changé d’avis. Dans un communiqué publié mardi, la FMF annonce officiellement soutenir « les médecins qui considèrent qu’une consultation ne devrait pas être rémunérée à moins de 30 euros ». « Ce n’est pas nous qui avons lancé le mouvement, il l’a été depuis un moment déjà par beaucoup de médecins de terrain ; il est aujourd’hui difficile de savoir combien ont sauté le pas mais il y en a de plus en plus ça c’est sur et sur le terrain les gens se parlent » explique le Dr Corinne le Sauder, présidente de la FMF.
Attention aux dépassements d’honoraires systématiques
Cette fronde tarifaire a pris de l’ampleur ce mardi avec l’organisation sur trois sites de la région Grand Est (Reims, Nancy, Strasbourg) d’une réunion intersyndicale rassemblant des représentants de la FMF, de la SML, de l’UFML et de la CSMF. L’objectif de la réunion était d’organiser cette fronde tarifaire « pas en le faisant à la sauvage mais en respectant le cadre légal » explique le Dr Djilali Saiche, président de la FMF Grand Est. La tactique de ces médecins frondeurs est en effet de réaliser des dépassements d’honoraires, cotés DE, qui peuvent en théorie être appliqués par les praticiens en secteur I « avec tact et mesure » en cas d’ « exigence particulière du malade ». La logique des frondeurs est la suivante : puisque l’Assurance Maladie considère qu’une consultation de base dure 10 à 15 minutes, toute consultation plus longue pourra faire l’objet d’un dépassement d’honoraire.
Réaliser des dépassements d’honoraires systématiques est évidemment considéré comme abusif et expose le médecin à des sanctions de l’Assurance Maladie, pouvant aller jusqu’à deux fois le montant des dépassements facturés et même, en cas de récidive, à la suspension de la participation de la CNAM au paiement des cotisations sociales. Si les syndicats sont tous d’accord pour venir en aide aux médecins qui seraient poursuivis pour avoir procédé à une tarification « sauvage », ils sont plus circonspects à l’idée d’appeler les médecins à sauter le pas. Le syndicat MG France n’a ainsi pas participé à l’intersyndicale de ce mardi. A l’inverse, le SML, la FMF et la CSMF seraient en pourparlers pour lancer un mouvement national de fronde tarifaire, sur le modèle du projet en cours dans le Grand Est. Sur son site, la CSMF a déjà publié un « mode d’emploi » du dépassement d’honoraire et du « hors nomenclature », tout en avertissant ses membres de ne pas procéder à des dépassements systématiques.
Tous unis contre la loi Valletoux ?
Même parmi ces syndicats « frondeurs », les dissensions subsistent et notamment sur le point de savoir si les médecins doivent facturer 30 ou 50 euros. « Le C à 30 corrige à peine l’inflation. C’est pourquoi, au SML, nous voulons 50 euros et sortir de la logique des forfaits » plaide le Dr Sophie Bauer, présidente de l'organisation soutenue en cela par l’UFML et l’association Médecins pour demain. La CSMF continue pour sa part de plaider pour quatre niveaux de tarification : 30 euros pour la consultation de base et 60, 75 et 105 euros pour les consultations les plus complexes. Quant à l’UFML et son président le Dr Jérôme Marty, il continue ses appels pour un déconventionnement massif, assurant que plus de 2 100 médecins ont déjà rejoint le mouvement, sans convaincre les autres syndicats.
La bataille de la tarification n’est pas la seule menée par les syndicats, qui sont également très inquiets de l’examen prochain à l’Assemblée Nationale de la proposition de loi de Frédéric Valletoux. Une loi qui prévoit de rendre obligatoire les CPTS et la participation à la permanence des soins, mais qui pourrait être amendée de propositions visant à limiter la liberté d’installation. L’association Médecins pour demain a d’ores et déjà appelé à faire grève et à fermer les cabinets le 9 juin prochain pour protester contre cette réforme, un appel que les syndicats hésitent encore à soutenir. La loi Valletoux doit être examinée le 12 juin. C’est justement le jour choisi par l’intersyndicale dans le Grand Est pour lancer son mouvement régional de fronde tarifaire. Un mouvement qui pourrait donc rapidement devenir national.
Nicolas Barbet