Grand flou autour de l’exonération des cotisations CARMF pour les médecins retraités

Paris, le lundi 14 novembre 2022 – Le gouvernement a limité l’exonération de cotisations pour les médecins retraités à la seule année 2023, tandis que le Sénat veut l’étendre aux autres professions médicales.

En déposant le 10 octobre dernier son amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, le député LR Philippe Juvin, chef du service des urgences à l’hôpital européen Georges Pompidou, ne se doutait sans doute pas que la situation se complexifierait aussi rapidement.

Son amendement était pourtant relativement simple au départ puisqu’il visait à exonérer de cotisations Carmf les médecins en situation de cumul emploi-retraite afin de poursuivre deux objectifs : d’abord mettre fin à une injustice, puisque ces praticiens cotisent « à vide », leurs contributions ne leur offrant aucun nouveaux droits à la retraite ; ensuite et surtout participer à la lutte contre la désertification médicale, en incitant les médecins à poursuivre leur activité le plus longtemps possible.

Le Pr Juvin l’a rappelé au moment de défendre son amendement : 10 % des médecins (soit plus de 12 400 praticiens) sont en cumul emploi-retraite et il est donc primordial, si on ne veut pas aggraver encore les difficultés d’accès aux soins, qu’ils poursuivent leur activité.

Le gouvernement limite l’exonération…


Adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, l’amendement avait même été adoubé par le Président de la République en personne, qui défendait le 26 octobre dernier une « mesure très simple » justifiée encore une fois par la démographie médicale et le vieillissement des médecins généralistes.

L’amendement a donc été repris par le gouvernement et c’est justement là que les choses ont commencé à se compliquer. En effet, dans la version de l’exécutif, adopté par l’Assemblée Nationale le 20 octobre par la voie de l’article 49.3 de la Constitution, l’exonération de cotisations Carmf pour les médecins retraités est limitée à la seule année 2023. Surtout, l’amendement prévoit désormais que le dispositif d’exonération sera limité aux seuls médecins déclarant un revenu inférieur à un certain seuil qui devra être fixé ultérieurement par décret.

…et les sénateurs l’étendent


Le PLFSS est ensuite arrivé devant les sénateurs qui ont décidé d’y ajouter leur grain de sel. Tout en validant le projet d’exonération de cotisations, les sénateurs ont en effet étendu le dispositif à tous les professionnels de santé en cumul emploi-retraite. Un amendement voté contre l’avis du gouvernement, qui rappelle que si 47 % des médecins ont plus de 55 ans, « la question de la démographie des autres professions de santé se pose de façon moins prégnante ».

Surtout, l’exécutif a rappelé qu’une exonération de cotisations retraite pour l’ensemble des professionnels de santé en situation de cumul emploi-retraite deviendrait difficile à supporter d’un point de vue budgétaire.

Un argument qui fait écho à la lettre adressée au gouvernement le 21 octobre dernier par le Dr Thierry Lardenois, président de la Carmf. Dans cette missive, il s’inquiète des conséquences d’une telle exonération, alors que les cotisations payées par les médecins retraités constituent 7,3 % des recettes de la caisse. Au total, en cumulant régime de base, régime complémentaire et ASV, cette réforme pourrait conduire à un manque à gagner de 200 millions d’euros.

Le Dr Lardenois demande à l’Etat de compenser cette perte de ressources, sans quoi la hausse de 5 % du point de retraite complémentaire promise pour le 1er janvier 2023 ne pourra pas être mise en œuvre.

Ces inquiétudes budgétaires ont notamment été relayées par l’opposition de gauche au Sénat, hostile à toute exonération de cotisations retraites, y compris pour les seuls médecins. « Pourquoi ne pas ouvrir des droits supplémentaires pour les cotisations versées après la retraite ? » a suggéré le sénateur PS Bernard Jomier, tentant ainsi de ménager la chèvre et le chou, alors qu’il craint qu’une telle exonération « n’entraine une mécanique vraiment folle » et n’incite les médecins à prendre leur retraite plus tôt.

Le plus grand flou règne donc désormais sur cette proposition, relativement simple au départ, du Pr Juvin et les médecins retraités ne savent toujours pas quel sera leur sort pour les années à venir.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (3)

  • Pareil dans le public

    Le 14 novembre 2022

    Ancien du service public, le cumul emploi-retraite est possible. Mais les cotisations sont déduites, sans que cela ne rapporte par la suite.
    Verra-t-on le même problème qu'en privé ?

    Pr André Muller

  • Précision, au Pr Muller

    Le 14 novembre 2022

    Je ne comprends pas votre question. Voulez vous dire verra-t-on la même solution s'appliquer dans le public si elle est adoptée dans le privé ?

    Dr P Castaing

  • Simplement compliqué ou ... ?

    Le 14 novembre 2022

    Une seule modification dans un système complexe et tout s'écroule, l'article résume bien la chose.
    Le principe que tout travailleur en France doit payer une cotisation paraît légitime.
    Le résultat que tout travailleur retraité cotise à fonds perdus me paraît parfaitement scandaleux.
    Le pragmatisme veut que ces 10 % de médecins retraités maintiennent une activité le plus longtemps possible, et si l'obstacle est la CARMF c'est au gouvernement de payer ces cotisations CARMF... pour ne pas toucher au reste du système et que la machine tourne.
    Le prix ? 200 millions (que le gouvernement pourrait négocier avec la CARMF, mais cela reste un avis personnel) cela fait 16 130 € par médecin, des professionnels expérimentés, bien intégrés dans leur environnement, zéro coût de formation, zéro délai pour être opérationnels immédiatement ; c'est aussi le prix de 16 journées d'intérim par exemple... Notre ministre vient de sortir en urgence 400 millions pour "la pédiatrie", sans garantie de retour ; pour la moitié il a une valeur sûre en médecine générale.
    Inconvénient : ce sont des libéraux, que les fonctionnaires aussi bien que les politiques n'aiment pas, même quand ils travaillent ! Mais là ce n'est plus du pragmatisme mais de la politique de bas étage.

    Dr F Chassaing

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