
L’espoir de remplacer ses prothèses par des mains
La vie de Laura a sombré dans un monde totalement différent quand, étudiante à Lausanne en 2007, elle est victime d’un choc septique d’origine gynécologique qui entraîne l’amputation de ses deux avant-bras et de ses deux jambes (en dessous du genou). Peu à peu, Laura réapprend à vivre grâce à des prothèses, mais elle s’intéresse également parallèlement à la greffe de bras. Elle prend contact avec le professeur Lantieri à l’Hôpital européen Georges Pompidou (considérant l’équipe de Lyon, dirigée alors par le professeur Dubernard, mort cet été, trop éloignée de son domicile).Une simple lettre
Les premières démarches administratives afin d’inscrire Laura
sont positives : l’Agence de biomédecine donne son accord à son
inscription sur la liste des greffes. Mais dans les faits,
l’information n’est pas transmise : selon le professeur Laurent
Lantieri, les infirmières chargées de l’accompagnement des familles
des patients susceptibles d’être prélevés n’ont pas reçu de
précisions concernant cette greffe spécifique. Ainsi, pendant
quatre ans, Laura ne recevra jamais aucun appel. Et au bout de
quatre ans, elle reçoit une simple lettre de l’Agence de
biomédecine lui indiquant son retrait « provisoire » de la
liste d’attente. Le choc de la sentence et de la façon dont elle a
été énoncée sont atténués par les contacts que la jeune femme a
noués depuis quelques temps avec une équipe américaine. Grâce au
professeur Laurent Lantieri, elle a en effet rencontré à plusieurs
reprises le professeur Scott Levin, qui en 2015 a été le premier à
réaliser, à Philadelphie, une double greffe des mains chez un petit
garçon.
Une intervention était (théoriquement) possible en France
Une fois encore, une simple lettre
A ces incohérences dans le discours de l’Assurance maladie, se sont ajoutées des failles de forme importantes. L’avocate de Laura Nataf, Maître Valérie Sellam-Benisty signale dans le Parisien : « Le courrier de refus envoyé à Laura ne comportait même pas d’avis médical circonstancié, n’était pas envoyé en courrier recommandé et n’indiquait pas les voies de recours possibles ». Ces différents arguments semblent avoir construit la conviction des juges administratifs qui en juillet ont donc annulé la décision de refus de prise en charge et enjoint l’Assurance maladie de rembourser 664 000 euros à Laura Nataf (pour des coûts d’hospitalisation qui ont approché les 900 000 euros). Aujourd’hui, selon le Parisien, l’Assurance maladie aurait fait appel.Un frein à l’innovation
Outre le caractère particulièrement tatillon de l’Assurance maladie et la difficilement acceptable lenteur de la justice, cette affaire met une nouvelle fois en lumière combien les aspects réglementaires peuvent freiner l’innovation clinique dans notre pays. Ainsi, Laura n’a pas été la seule patiente ayant approché le professeur Lantieri à avoir connu les mêmes épreuves (signification de refus de l’Agence de biomédecine et intervention finalement américaine). À Lyon, si la prolongation de son PHRC a permis à l’équipe du professeur Dubernard de réaliser deux interventions supplémentaires entre 2011 et 2016 le chirurgien n’avait pu que regretter le ralentissement de cette activité, laissant d’autres pays « dépasser » la France pourtant pionnière. Aujourd’hui, la possibilité ouverte par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 d’organiser la réalisation de greffe de mains en dehors de tout protocole de recherche, après avis de l’Agence régionale de Santé a permis d’apporter une certaine souplesse. En janvier, un Islandais blessé grièvement en intervenant sur une ligne à haute tension en 1998 et ayant perdu ses deux bras dans l’accident a été opéré avec succès par l’équipe du professeur Dubernard.Aurélie Haroche