Grève historique des médecins libéraux

Paris, le jeudi 1er décembre 2022 – Les médecins libéraux sont appelés à fermer leur cabinet ce jeudi pour exiger une hausse du tarif de la consultation.

« Un mouvement historique », un « coup de semonce », voire « la dernière chance de sauver la médecine de terrain » : les syndicats de médecins libéraux n’ont pas de mots assez forts pour qualifier la grève qui touche ces jeudi et vendredi la médecine de ville. Si le mouvement a été initié par le collectif informel créé sur Internet des « Médecins pour demain » (qui réunirait déjà 15 000 praticiens), il a depuis été repris par la quasi-totalité des principaux syndicats de médecins libéraux (UFML, FMF, SML, Isni, Jeunes médecins, SNUPH, MG France…).

Difficile de connaitre avec précision l’ampleur du mouvement, probablement inédite, les chiffres variant selon les syndicats et les régions. L’Union Française pour une médecine libre (UFML) évoque entre 60 et 80 % de grévistes, mais le SNUPH estime que 100 % des libéraux de Garonne sont en grève, tandis que la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) recense 80 % de cabinets fermés dans la Mayenne ce jeudi et 70 % vendredi. Des rassemblements devant le ministère de la Santé à Paris et devant les sièges des agences régionales de santé (ARS) sont également prévus cet après-midi.

Une revendication phare : fixer le tarif de la consultation à 50 euros


Dégradation des conditions de travail, surcharge administrative, affaiblissement du rôle du médecin traitant, menaces sur la liberté d’installation…les motifs de colère des praticiens libéraux sont nombreux. Mais le principal cri de ralliement des grévistes reste la hausse du tarif de la consultation de base, la plupart des syndicats demandant qu’il soit doublée pour être portée à 50 euros. « Cinquante euros, cela peut paraitre complètement fou, mais c’est un point sur l’horizon pour s’approcher de la moyenne européenne » qui est actuellement de 45 euros, explique le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML.

Les médecins libéraux l’assurent, l’objectif de cette hausse du C n’est pas tant de les enrichir que de leur permettre d’avoir les moyens d’exercer correctement leur métier. « Avoir une consultation au tarif européen permettrait d’avoir des collaborateurs pour augmenter le temps médical » plaide le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la Fédération des Médecins de France (FMF). « Avec 50 euros, les médecins s’engageront à prendre plus de patients sans médecin traitant et à faire plus de prévention » abonde dans le même sens le Dr William Joubert, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux (SML).

Un nécessaire choc d’attractivité


Une augmentation substantielle du tarif de la consultation constituerait également un « choc d’attractivité » selon les termes du Dr Marty, alors que le secteur libéral attire de moins en moins les jeunes médecins et que la désertification médicale gagne du terrain.

Un sondage réalisé par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) d’Ile-de-France et dont les résultats ont été rendus publics ce mercredi conforte cette analyse. 74 % des médecins franciliens diplômés depuis 2010 y affirment ne pas vouloir s’installer en libéral, dont 30 % à cause des conditions économiques. 57 % estiment que la hausse du tarif opposable permettrait de favoriser l’installation et 84 % préfèrent voir le C fixé à 50 euros plutôt que d’obtenir une aide à l’installation ou des forfaits sur objectifs.

L’objectif des grévistes est notamment de peser sur les négociations conventionnelles entre les syndicats et l’Assurance maladie, qui ont démarré il y a un mois et qui doivent aboutir en mars à une nouvelle convention médicale. Mais s’ils ne sont pas opposés en principe à une hausse (modérée sans doute) du tarif de la consultation, le directeur de la CNAM Thomas Fatôme et le ministre de la santé François Braun ont tous les deux jugés irréalistes de porter le tarif de la consultation à 50 euros.

La grève de ce jeudi est l’aboutissement d’un mouvement de protestation des libéraux qui dure depuis plusieurs semaines, appelé « vendredis de la colère », mais les syndicats libéraux assurent qu’ils n’en resteront pas là. « Si le gouvernement ne nous entend pas, nous sommes prêts à aller sur une grève de la PDS-A, voire à fermer nos cabinets entre Noel et le jour de l’an » assure le Dr Luc Duquesnel, président de la CSMF Mayenne.

Rappelons que ce jeudi marque également le début de la grève des biologistes médicaux, en réaction au coupes budgétaires inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et qu’une grève des astreintes et des gardes se prépare du côté des internes. Le mois de décembre risque d’être difficile sur le plan social pour le ministre de la Santé.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (13)

  • L'hosto en soutien ?

    Le 01 décembre 2022

    Il serait bien que l'hôpital débraie aussi en soutien et on a aussi de sales conditions de travail a l'hôpital : ça mériterait de s’énerver avec les libéraux.

    Dr J Berthaud

  • Convention

    Le 01 décembre 2022

    Bravo enfin vous vous réveillez !
    La médecine française perd totalement en attractivité : 70 % de femmes en première année, afflux de médecins étrangers, étranglement des entrées en 2eme année et 7eme année par des concours inhumains, dévalorisation des actes et des tarifs, augmentation de l’activité et baisse de la qualité débouchant sur des burn-out et un danger potentiel de prise en charge, manque de place dans les blocs opératoires, gestion hospitalière totalement détachée de la réalité du terrain, restriction tarifaire et des remboursements des mutuelles par des inventions totalement injustes de type optam qui n’enrichissent que les mutuelles et empêchent les médecins libéraux d’investir dans leur cabinet pour améliorer la qualité des soins etc etc.
    Tout médecin en France en 2023 doit pouvoir se payer une infirmière et une secrétaire au minimum et des locaux décents !
    50 euros ? De la rigolade ! Au minimum 70 euros !

    Dr B Burcheri

  • L'hosto en soutien, vraiment ?

    Le 02 décembre 2022

    Dans le barnum revendicatif, la conséquence de la grève évoquée ne peut être que l'acutisation (si besoin était) de l'afflux hospitalier... ou une baisse très improbable de la demande, le dernier recours en premier secours.
    Il faut avoir la mémoire courte pour oublier que "débrayages" et "grèves–sparadrap" hospitalières se résument au folklore des banderoles, sans le moindre impact pratique sur le soin ou les revendications légitimes, réquisition oblige.
    Comment être crédible en annonçant "le bord du gouffre" depuis des années… sans être tombé dedans depuis ?
    A quand un gros titre "Grève historique des médecins hospitaliers"? : Juste avant le Chaos.
    Le soutien des soigné(e)s devient très relatif quand ils sont directement impactés. Et je ne parle pas de la pédiatrie (redécouverte saisonnière), de l’obstétrique. Quel hospitalier n'a pas eu de passage pour certificats, arrêt, test ?
    Force est de constater que soignants et raffineurs, énergéticiens, transporteurs divers, n'ont pas les mêmes leviers de pression à revendications financières identiques. N'en déplaise. La prolongation du mouvement des biologistes libéraux impactera "papy-mamy" à Noël, tout comme le suivi de la pandémie en cours.
    La mise en œuvre courageuse de mesures fortes reste sujette à tergiversations démagogiques / corporatistes :
    • A quand la suppression pure et simple de l'intérim médical ?
    • A quand une régulation des installations médicales en zones "surdotées" ?
    • A quand une liste de garde médicale en ville "comme avant" ?
    • A quand le pointage des intervenants hospitaliers médicaux ou non, avant de causer de temps de travail ?
    • A quand le retour du masque obligatoire dans les transports ?
    Reste à adopter une attitude "positive" M Braun en :
    • Indiquant que "Ça ira mieux dans 6 mois". (RTL 20/11/2022)
    • Préparant bientôt (7/12/2022) des "Assises de la pédiatrie"… au printemps, en mode comité Théodule.
    • Rappelant que "tri" et dégradation des soins… ne sont à évoquer qu’entre professionnel(les)… pour ne pas inquiéter la population (1/12/2022) qui est assez écervelée pour ne pas les constater par elle-même à ses dépens.
    • Se satisfaisant (HAS) de la majoration des déclarations 2021 (+73 %) des Évènements Indésirables Graves associés à des soins : "l’erreur apprenante" dixit
    • Écoutant Mr Véran, peu pressé de rentrer à Grenoble.
    Courage, fuyons !

    Dr JP Bonnet - PH

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