HAS et stimulation magnétique transcrânienne : un électrochoc pour les psychiatres
Paris, le jeudi 24 novembre 2022 – L’intérêt de la stimulation
magnétique transcrânienne répétée (rTMS) dans la prise en charge de
la dépression résistante de l’adulte est l’objet d’une controverse
ancienne qui agite les psychiatres du monde entier. Un grand nombre
de travaux ont été publiés sur le sujet qui ont eux-mêmes été
recensés dans plusieurs méta-analyses, ne permettant nullement
d’aboutir à un consensus.
Les discussions concernent tant la preuve du bénéfice de la
rTMS par rapport aux alternatives existantes que la population qui
pourrait en bénéficiaire. On retrouve ces mêmes interrogations au
sein de la communauté psychiatrique en France. Ainsi, la Haute
autorité de santé (HAS) rappelait dans un rapport publié en juin
dernier les résultats d’une enquête conduite en 2018 auprès de ces
praticiens qui faisait apparaître que 54 % des répondeurs avaient
évalué le niveau d’acceptabilité de cet acte de « faible à
modéré », tandis que 51 % estimaient que l’effet observable de
la rTMS semblait principalement « placebo ».
Des recommandations étrangères pragmatiques
Les recommandations internationales reflètent également cette
controverse. Ainsi, en Grande-Bretagne, le National Institute for
Health and Care Excellence a donné un avis favorable au recours à
la rTMS dans la dépression résistante tout en notant cependant
l’existence d’une « réponse variable entre les patients » et en
relevant une « difficulté à correctement estimer la taille
d’effet malgré le nombre important de patients dans les études
publiées ».
De la même manière, les instances belges, tout en émettant des
réserves à propos des faibles niveaux de preuve de l’efficacité de
cette méthode ont jugé qu’elle pourrait être considérée comme «
une option thérapeutique possible ». On notera par ailleurs
qu’en Australie, les dernières recommandations en date sont
favorables à l’utilisation de la rTMS « en phase aigüe de
dépression », mais un avis défavorable a été présenté quant à
« son utilisation prolongée en phase de consolidation à l’aide
de séances d’entretien ».
Pas d’effets statistiquement prouvés
C’est dans ce contexte que la HAS s’est à son tour penchée sur
cette indication thérapeutique de la rTMS dans la dépression
résistante. Ses conclusions qui se sont basées sur une «
recherche systématique de la littérature synthétique récente »
et sur des avis d’experts est en défaveur de cette
thérapeutique.
« Les données de la méta-analyse suggèrent qu’en phase
aigüe de dépression, la rTMS (protocole conventionnel) présente une
faible magnitude d’effet, sans traduction clinique significative
(…). Au total, dans l’indication de traitement de la dépression
résistante chez l’adulte, malgré un profil de sécurité rassurant,
les données retenues liées à la rTMS ne montrent pas un impact
clinique favorable (absence de valeur ajoutée clinique pertinente
par rapport à une procédure factice, absence de détermination de sa
place par rapport à la stratégie de référence existante
d’optimisation pharmacologique, alternative non acceptable à la
sismothérapie) » écrivaient au début de l’été les experts de la
HAS.
Des indications erronées
Cette conclusion a constitué un électrochoc (!) pour un grand
nombre de psychiatres qui sans voir la rTMS comme une méthode
miracle la considéraient néanmoins comme une alternative
thérapeutique pertinente et intéressante, dans un contexte où les
innovations restent rares. Telle est la position exprimée
aujourd’hui dans le Monde par cinq psychiatres David Szekely, chef
de service adjoint de psychiatrie, Centre hospitalier
Princesse-Grace (Monaco), Emmanuel Haffen, chef de service
psychiatrie, CHU de Besançon, Raphael Gaillard, chef de pôle
hospitalo- universitaire de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne
(Paris), Emmanuel Poulet, chef de service psychiatrie des urgences,
Hôpitaux civils de Lyon et Anne Sauvaget, professeure de
psychiatrie, CHU de Nantes.
Ces spécialistes contestent les méthodes d’évaluation de la
HAS : « Ainsi, concernant la place de la rTMS dans la prise en
charge de la dépression, les experts de la HAS ont fait fausse
route : dans la lettre de cadrage du 2 juin 2019, la HAS
prenait l’ECT comme thérapeutique de référence. Or, la population
qui relève de la rTMS est différente de celle relevant de l’ECT :
états dépressifs extrêmes au cours desquels les patients ne
s’alimentent plus, sont prostrés, et parfois très suicidaires, ou
dépressions très résistantes (après l’échec de quatre ou cinq
antidépresseurs), nécessitant obligatoirement une hospitalisation.
A l’inverse, la rTMS s’adresse principalement à des patients
déprimés moins sévèrement, traités souvent en ambulatoire, parfois
en activité professionnelle » rappellent-ils.
Certains spécialistes non consultés
Rappelant qu’« environ 150 centres rTMS se sont pourtant
structurés, en majorité dans des hôpitaux publics, pour répondre à
un besoin majeur de santé publique », ils regrettent que cet
avis risque de priver certains patients d’une alternative
thérapeutique efficace et bien tolérée.
« Un encadrement des conditions de recours et d’utilisation
de la rTMS est indispensable dans l’intérêt des patients. La
reconnaissance d’un acte thérapeutique spécifique permettant de
valoriser l’activité au niveau hospitalier, même sans remboursement
associé, aurait permis de contourner les craintes d’explosion des
coûts de santé tout en autorisant et encadrant le recours à la
rTMS. Les psychiatres hospitalo-universitaires et hospitaliers,
praticiens de la rTMS en France, ont été écartés des réflexions du
groupe d’expert de la HAS sur ce sujet. Ils sont disposés à trouver
ensemble une solution intelligente dans l’intérêt des patients et
des établissements hospitaliers pour valoriser les innovations dans
le domaine de la santé mentale, grande cause nationale qui ne
saurait être pensée en marge de la communauté scientifique
internationale » concluent-ils.
Plusieurs lectures de cet appel semblent possibles : nouvelle mise
en cause de la fiabilité des avis de la HAS, persistance d’une
ancienne controverse, volonté de certains psychiatres de protéger
leur activité ou absence de pragmatisme des autorités sanitaires
alors que la prise en charge des patients le requiert… Les
interprétations sont vastes.
Stimulation magnétique trans crânienne, retour d'expérience
Le 24 novembre 2022
Je vais opter pour l’anonymat si vous l’acceptez : médecin généraliste étiquetée dépressive depuis pas mal d’années (aujourd’hui plutôt diagnostiquée hypersensible), suivie en thérapie comportementale, je suis retraitée +/- en cumul emploi retraite (plutôt moins que plus). A la fin de l’année dernière après avoir cumulé divers emplois successifs plus décevants les uns que les autres j’ai appuyé sur le bouton stop et là, catastrophe, j’ai plongé dans un état mélancolique sans but devant moi. J’ai consulté un neurologue qui a diagnostiqué un burn-out et m’a proposé la R-TMS comme thérapie. J’ai demandé leurs avis à trois psychiatres et tous les trois m’ont conseillé de le faire d’autant que c’était sponsorisé par un éminent chef de service en psychiatrie. Me voilà partie pour 30 séances, heureusement l’appareil est tombé en panne ce qui m’a permis de prendre le recul nécessaire sur mes " progrès et mon état ". J’ai fait le point et décidé d’arrêter. Le seul effet positif : aller régulièrement dans un lieu où l’on s’occupait de moi. Mon témoignage ne suffit pas je sais bien, mais je voulais apporter de l’eau à ce moulin contre lequel se battait Don Quichotte … Je n’ai pas eu d’effet indésirable ou secondaire mais je peux dire maintenant que j’ai testé pour vous et je sais de quoi je parle.