
L'International Society for the Study of Hypertension in
Pregnancy (ISSHP) définit la prééclampsie comme une
hypertension (HTA) gestationnelle accompagnée par un ou plusieurs
des signes suivants apparus après 20 semaines de gestation : (1)
protéinurie, (2) dysfonction organique maternelle neurologique
(éclampsie, cécité, AVC, clonus, céphalées, scotome visuel
persistant), pulmonaire, hématologique (plaquettes <150000/µL,
coagulation intravasculaire disséminée CIVD, hémolyse), rénale
(insuffisance rénale aiguë) ou hépatique (transaminases
>40UI/L), (3) dysfonction utéroplacentaire (rupture placentaire,
atteinte de la balance angiogénique, retard de croissance fœtale,
doppler de l’artère ombilicale anormal, mort intra-utérine).
Dans le cadre de cette redéfinition l’EASL (European
Association for the Study of the Liver) a rédigé de nouvelles
recommandations quant au HELLP syndrome, qui associe : LDH >600
UI/L, transaminases >70 UI/L et plaquettes <100000/µL. Ce
syndrome grave (taux de mortalité de 1 %) concerne 10 à 20 % des
femmes avec prééclampsie, et peut se compliquer d’insuffisance
rénale, d’hématome hépatique, d’œdème pulmonaire, d’hémorragie
cérébrale ou de CIVD tandis que le fœtus est à risque de retard de
croissance, de naissance prématurité ou de mortinatalité.
Prophylaxie par aspirine
La question de la prophylaxie de la récidive du HELLP syndrome
(25 % des cas) se pose mais l’EASL a constaté qu’aucune étude sur
ce thème n’est disponible.
Ainsi, les recommandations de prévention ne peuvent être
formulées que par extrapolation de celles de la prééclampsie du
projet ASPRE qui avait montré que l’aspirine à faible dose réduit
de 82 % le risque de prééclampsie à 34 semaines, de 62 % le risque
à 37 semaines et de 5 % ensuite. L’EASL propose donc la prise de
150mg/jour d’aspirine dès la 11ème-14ème semaine jusqu’à la 36ème
semaine, ou dès qu’un diagnostic d’embolie pulmonaire ou de HELPP
syndrome est posé (recommandation de niveau 1 et de grade
élevé).
L’aspirine n’est cependant pas indiquée en cas d’allergie ou
d’asthme sévère, et il n’y a pas d’intérêt à la débuter après la
20ème semaine (recommandation de niveau 5 et de grade
faible).
Antihypertenseurs et sulfate de magnésium
L’intérêt des traitements antihypertenseurs et par sulfate de
magnésium pour réduire la sévérité de la maladie et sa
morbi-mortalité a été examiné. L’étude CHIPS a montré que plus le
contrôle tensionnel est intensif, plus le risque d’HTA sévère, de
thrombocytopénie ou d’élévation des enzymes hépatiques est réduit.
Si dans cette étude aucune molécule antihypertensive n’a montré de
supériorité en cas d’HTA non sévère, une autre a montré une
meilleure efficacité du labétolol IV et de la nifédipine po versus
hydralazine IV en cas d’HTA sévère.
Le sulfate de magnésium, réduit le risque d’éclampsie de 58 %
et celui de paralysie cérébrale de 32 % (dose de charge de 4g puis
5g/4 h IM ou 1g/h IV). Ces données ont conduit l’EASL à recommander
en cas de HELPP syndrome et HTA non sévère de débuter un traitement
par labétalol po, nifédipine ou méthyl dopa (recommandation de
niveau 1 et grade élevé). En cas d’HTA sévère (PA systolique
>160mmHg ou diastolique >110mmHg), le traitement
antihypertenseur doit être initié sans délai, sous monitorage
(recommandation de niveau 2 et de grade élevé).
Enfin, le sulfate de magnésium devrait être administré en cas
de HELPP syndrome accompagné d’HTA sévère ou de symptômes sévères
afin de prévenir les convulsions (recommandation de niveau 1 et de
grade élevé), et également à visée de neuroprotection d’une
prééclampsie si un accouchement est nécessaire avant la 34ème
semaine de gestation (recommandation de niveau 2 et de grade
élevé).
Place de l’imagerie hépatique
L’intérêt de l’imagerie hépatique en cas de HELPP syndrome ou
d’augmentation des transaminases a été abordé, dans un objectif de
diagnostic différentiel, de réduction des complications
maternelles, fœtales et néonatales. Seules des études
rétrospectives ou des études de cas sont disponibles, qui montrent
une prévalence des hématomes intrahépatiques de 39 % et l’incidence
de leur rupture de 12 %.
Les ruptures capsulaires se produisent dans 0,5 à 2 % des cas
avec une mortalité maternelle et fœtale de 17 % et 38 %
respectivement. Les principaux signes d’alerte sont des douleurs
abdominales et/ou épigastriques, une anémie et des douleurs à
l’épaule droite. Une autre étude a montré la détection
d’hémorragies ou hématomes hépatiques par imagerie dans 77 % des
cas de thrombocytopénie <20 000/µL. L’EASL conclut sur la
nécessité d’une échographie abdominale en cas de prééclampsie
sévère ou de HELPP syndrome avec symptômes suggestifs d’un hématome
hépatique (niveau 4 de recommandation et grade élevé).
Accouchement prématuré quel que soit l’âge gestationnel ?
Enfin, à la question de savoir si déclencher un accouchement
prématuré en cas de HELPP syndrome, quel que soit l’âge
gestationnel, améliore le pronostic maternel et fœtal/néonatal,
l’EASL répond positivement dès lors qu’il existe une coagulopathie
et une HTA sévère car le pronostic est alors aggravé en cas
d’attitude expectative (recommandation de niveau 2 et de grade
élevé). En cas de signes d’insuffisance hépatique nécessitant une
transplantation, il faut référer immédiatement la patiente à un
centre habilité (recommandation de niveau 5 et de grade
élevé).
Dr Dominique-Jean Bouilliez