Hépatite E : les raisons d’y penser

Ce n’est qu’en 1983 qu’une hépatite aiguë transmise par l’eau de boisson a été décrite, liée au virus de l’hépatite E (HEV). Ce virus appartient à la classe des Hepeviridae, comporte 8 génotypes pathogènes (dont 4 majeurs) chez l’homme mais un seul phénotype. Les génotypes 1 et 2 provoquent des épidémies d’origine hydrique dans les pays en voie de développement, parfois mortelles chez les femmes enceintes, tandis que les génotypes 3 et 4 détectés dans les pays occidentaux, plus rares, occasionnent des cas sporadiques, plus sévère chez les personnes âgées ou porteuses d’une maladie chronique.

Prévalence, symptômes et transmission


La majorité des personnes infectées par les génotypes 3 et 4 sont asymptomatiques et éliminent spontanément le virus. D’autres vont présenter une hépatique aiguë tandis que seuls les patients immunodéprimés développent la forme chronique (>3 mois). Les prévalences sont très différentes, peut-être en lien avec les tests utilisés : 25-36% en France contre 8-12% au Royaume-Uni.

Par ailleurs, les patients immunodéprimés peuvent avoir un test faussement négatif, ce qui implique de réaliser chez eux un test PCR. Si la transmission par l’eau de boisson est majoritaire dans les pays en voie de développement, dans nos contrées elle se fait essentiellement par la nourriture : porc (destruction par une cuisson au-delà de 70°C), sanglier, moules et fruits de mer, renne, lapin, et probablement fraises et salades.

La contamination est rarement interhumaine ou très rarement via les produits sanguins, contamination plus fréquente en Europe que dans les autres régions du monde. Une étude allemande a trouvé 0,11 % de positivité, les porteurs positifs étaient de grands consommateurs de viande porcine crue. Certains pays européens effectuent un dépistage systématique de la présence de HEV dans les produits sanguins.

La forme chronique de l’hépatite E a surtout été décrite chez des patients transplantés ou porteurs du VIH. A la question de savoir qui tester, et comment le Dr Thomas Horvatits (Hambourg-Eppendorf) conseille de le faire chez tout patient présentant un taux élevé de transaminases hépatiques ou une hépatite d’étiologie inconnue, particulièrement chez les patients immunodéprimés, par test PCR dans ce cas.

Traitement et suivi


Il semblerait que les patients immunocompétents ne devraient pas être traités sauf en cas d’insuffisance hépatique aiguë ou de forme aiguë sur hépatopathie chronique (ACLF). En revanche, les patients immunodéprimés devraient toujours être traités, soit en réduisant l’immunosuppression, soit avec de la ribavirine, voire avec de l’interféron pégylé.

Il semblerait également que l’hépatite E pourrait avoir des manifestations extra-hépatiques, avec notamment des syndromes de Guillain-Barré concomitants décrits, de même que des névralgies amyotrophiques, des cryoglobulinémies ou des glomérulonéphrites. Enfin, des questions se posent quant à l’infection possible de l’appareil génital masculin, basées sur le constat de la présence du HEV de génotype 3 dans l’éjaculat à une concentration 2 logs supérieure à celle du sérum.

Cependant ceci n’a pas été observé sur le singe infecté expérimentalement, ce qui pose la question de savoir si ces particules HEV sont un signe d’infection ou d’élimination.

Quoi qu’il en soit, la recherche se dirige actuellement vers la vaccination ; un vaccin est disponible en Chine et est testé actuellement aux Etats-Unis.

En résumé, l’infection par le HEV guérit habituellement spontanément, ne requérant que rarement un traitement. La source d’infection la plus fréquente dans nos pays est la viande de porc crue, voire les produits dérivés du sang. Une hépatite chronique, ie persistance de l’infection plus de 3 mois, est possible chez les patients immunodéprimés, principalement après transplantation ou en cas d’infection par le HIV. L’hépatite E peut être traitée avec succès avec de la ribavirine, et peut se doubler de manifestations extrahépatiques qu’il faut pouvoir reconnaître pour une prise en charge précoce.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Horvatits T. HEV : of increasing concern? UEG 2022. Abstract#IP420

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Vos réactions (2)

  • Hépatite E et grossesse

    Le 05 novembre 2022

    À cette excellente mise au point, il faut ajouter les femmes enceintes dans le groupe à risque de formes sévères. C'est un message à ne pas oublier chez la femme enceinte voyageuse vue en consultation avant un voyage en pays à risque, qui devra suivre scrupuleusement les conseils d'hygiène alimentaire.

    Dr P. Imbert

  • Manifestations extra hépatiques

    Le 08 novembre 2022

    Très bonne mise au point.
    Une remarque pour les manifestations extra hépatiques vous employez le terme "il semblerait" ; par expérience personnel des névralgies amyotrophiques ayant durée plusieurs mois très invalidantes, par contre guérison totale.
    Cordialement

    Dr B Prevost

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