
Soit la mort, soit cette greffe
David Bennett, 57 ans, est atteint d’insuffisance cardiaque
terminale. Alors qu’il avait dû être placé sous ECMO il y a six
semaines en raison de la dégradation de son état, plusieurs centres
de transplantation dont l’Université du Maryland avaient considéré
impossible son inscription sur la liste d’attente des patients en
attente de greffe ou le recours à un cœur artificiel. C’est alors
que les équipes de chercheurs et de cliniciens de l’hôpital de
Baltimore évoquent avec David Bennett et sa famille la possibilité
d’une xénotransplantation à titre compassionnel. Pendant plusieurs
heures, les détails de cette intervention sont expliqués au patient
et notamment les nombreuses incertitudes. « C’était soit la
mort, soit cette greffe. Je veux vivre. Je sais que c’est assez
hasardeux, mais c’était ma dernière option » a fini par
conclure le patient.
Modification génétique
Le cœur greffé à David Bennett est le fruit de longues années de recherche conduites par les équipes des Dr Griffith et Mohiuddin. La particularité du greffon est notamment d’avoir été génétiquement modifié, afin d’inhiber sa production de glycane, un sucre secrété par le porc à l’origine d’une réponse immunitaire importante chez l’humain et qui avait été identifié comme la cause du rejet cataclysmique dont avait été victime une jeune femme de 26 ans en 1993 (elle avait reçu une greffe de foie de cochon). La production de ces cœurs de porc modifiés a été réalisée par l’entreprise américaine Revicivor (qui appartient à United Therapeutics) en collaboration avec les équipes de l’Université du Maryland. Par ailleurs, après son prélèvement sur le porc, le cœur a été placé dans un appareil qui permet de perfuser en sang oxygéné le cœur battant et ce jusqu’au moment de l’implantation. Enfin, le patient reçoit en plus du traitement immunosuppresseur classique, un nouveau médicament, encore au stade expérimental, développé par Kiniksa Pharmaceuticals. Aujourd’hui, David Bennett se porte bien et a hâte de pouvoir sortir de son lit.Accélération de la recherche clinique
Cette intervention a été réalisée un peu plus de trois mois après celle conduite par le Pr Robert Montgomery à l’hôpital NYU de Langone de New-York qui avait consisté à un implanter un rein de porc chez un patient en état de mort cérébrale, dont la famille avait accepté la réalisation de cette expérimentation avant le débranchement des appareils le maintenant en vie. Pendant, les trois jours d’observation, aucun signe de rejet n’avait été constaté tandis que très rapidement, une fonction rénale normale a pu être rétablie avec des niveaux de créatinine satisfaisants. Si la prudence reste de mise, tant l’intervention de New-York que celle réalisée à Baltimore constituent des étapes majeures pour le développement de la xénotransplantation. Or, celle-ci est depuis longtemps considérée comme une réponse aux problèmes de pénurie de greffons auxquels se heurtent tous les pays qui connaissent une activité de transplantation soutenue. Aux États-Unis, par exemple 7 000 personnes meurent chaque année sur une liste d’attente faute de greffe. Dans ce cadre, au fur et à mesure des expérimentations (et plus encore après l’expérience douloureuse de « Baby Fae » qui, n'avait survécu que 20 jours après avoir reçu un cœur de babouin en 1984), il est apparu que les organes de cochon constituaient les candidats les plus prometteurs. Leurs atouts sont en effet nombreux : une physiologie extrêmement proche de la notre, une production industrielle parfaitement rodée et le fait que les porcs atteignent leur taille adulte en neuf mois, soit quinze fois plus vite que les primates.Aurélie Haroche