Infection chez le patient diabétique, éviter les fluoroquinolones si possible…

Les fluoroquinolones sont des antibiotiques qui ont connu leur heure de gloire au moment de leur mise sur le marché. Leur efficacité était à la hauteur des espérances dans le traitement de nombreuses infections courantes, mais les données de pharmacovigilance ont rapidement attiré l’attention sur certains effets indésirables potentiellement sérieux notamment d’ordre rhumatologique ou métabolique. Certains représentants de cette classe pharmacologique ont même été retirés du marché en France comme aux Etats-Unis. Il n’en reste pas moins que, dans ce dernier pays, les fluoroquinolones sont encore largement utilisées, au travers d’environ 30 millions d'ordonnances annuelles, en dépit des mises en garde de la la Food and Drug Administration. L’antibiorésistance croissante des bactéries n’est pas étrangère à cette situation qui a tout lieu de s’installer dans la durée, tout en faisant obstacle à l’utilisation des antibiotiques mieux tolérés, en l’occurrence les dérivés de la pénicilline.

Le risque d’hypoglycémie a été à l’origine de retraits du marché de certaines fluoroquinolones, notamment de la gatifloxacine dès 2008.

Une étude de cohorte rétrospective du type cas-témoins, constituée entre janvier 2000 et septembre 2015 permet de faire le point sur ce risque et, dans une certaine mesure de la quantifier. Ont été inclus 119 112 diabétiques et 917 867 non diabétiques exposés à une fluoroquinolone ou à antibiotique d’une autre classe pharmacologique, administrés per os. Les groupes comparés ont été appariés selon la méthode du score de propension. Les données ont été traitées au moyen d’une analyse par régression logistique conditionnelle avec ajustements en fonction des facteurs de confusion potentiels. 

Confirmation du risque d’hypoglycémie grave dans une étude cas témoins

C’est ainsi qu’a été mise en évidence une association significative entre l’exposition aux fluoroquinolones et le risque d’hypoglycémie grave. Au sein de la cohorte entière, comparativement aux autres antibiotiques, l’odds ratio (OR) a été estimé à 1,28 (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,04-1,57). Chez les diabétiques, la valeur correspondante a été de 1,30 (IC 95 % : 1,05-1,62), alors que, chez les non diabétiques, le risque est apparu non significatif avec un OR estimé à 1,06 (IC 95 % : 0,53-2,13).

Cette étude transversale du type cas-témoins semble bien confirmer le risque d’hypoglycémie grave chez les patients diabétiques exposés aux fluoroquinolones. Cet évènement indésirable ne surviendrait qu’en cas de diabète, ce qui met sur la piste d’interactions entre ces antibiotiques et certains antidiabétiques notamment oraux, par exemple les sulfonylurées, une hypothèse qui reste cependant à confirmer, d’autres mécanismes étant possibles. Quoi qu’il en soit, face à une infection chez un patient diabétique, il vaut mieux éviter en première intention les fluoroquinolones, ce choix étant à l’évidence conditionné par la sensibilité des bactéries en cause.

Dr Joseph Miller

Références
Ellis DE et coll. : Comparative risk of serious hypoglycemia among persons dispensed a fluoroquinolone versus a non-fluoroquinolone antibiotic. Diabetes Res Clin Pract. 2022 ;185:109225. doi: 10.1016/j.diabres.2022.109225

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (2)

  • Il suffit

    Le 15 mars 2023

    De lire le Vidal pour se rendre compte que ces molécules sont à risques multiples.
    Tellement prisées par les urologues.
    Sachons raison garder.


    Pr émérite André Muller

  • Entre deux risques, choisir le moindre

    Le 21 mars 2023

    Les fluoroquinolones ne doivent certes être utilisées qu'avec la plus grande parcimonie et beaucoup de prudence.
    Mais si les sulfonylurées sont la cause très probable des accidents, voilà une bonne raison de planter le dernier clou dans le cercueil de cette classe dont on devrait songer à définitivement débarrasser la pharmacopée.

    Dr Pierre Rimbaud

Réagir à cet article