Intérim médical : une semaine avant le « big bang »

Paris, le lundi 27 mars 2023 – Plus d’une centaine de services hospitaliers sont menacés de fermeture, à une semaine de l’entrée en vigueur du plafonnement de la rémunération des intérimaires.

Ce lundi, le ministre de la Santé François Braun se rendra au centre hospitalier d’Alençon en Normandie avec une mission difficile : tenter de rassurer les soignants et la direction sur les conséquences du prochain plafonnement de la rémunération des intérimaires. Dans une semaine en effet, le 3 avril prochain, entrera en vigueur l’article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021 qui oblige le comptable public de l’hôpital à rejeter toute rémunération d’un médecin intérimaire qui dépasse le plafond règlementaire fixé en 2018 de 1170 euros brut (environ 970 euros net) pour une garde de 24 heures. Plus question donc pour les hôpitaux de contourner ce plafond en offrant aux médecins intérimaires des rémunérations pouvant aller jusqu’à 2 000 euros la garde.

107 services hospitaliers menacés de fermeture

Si la nécessité de lutter contre les excès de l’intérim médical fait quasiment l’unanimité, de nombreux hôpitaux craignent de ne plus pouvoir assurer la continuité des soins sans ces médecins remplaçants, faut de suffisamment de soignants titulaires. Un « big bang » se prépare s’inquiète un directeur d’hôpital de l’est de la France. Le Syndicat national des médecins remplaçants hospitaliers (SNMRH) a ainsi élaboré une liste des services hospitaliers mis en danger par l’entrée en vigueur de ce plafonnement en demandant à leurs adhérents de « nous faire remonter les informations qu’ils avaient sur les plannings des différents hôpitaux dans lesquels ils travaillent » explique le Dr Eric Reboli, président de ce syndicat.

Selon le SNMRH, ce sont au total 107 services répartis dans 69 hôpitaux différents qui sont menacés de fermeture dès le 3 avril prochain en raison de l’entrée en vigueur de l’article 33 de la loi Rist. Une catastrophe sanitaire qui toucherait notamment les villes moyennes. Au centre hospitalier de Bourges par exemple, les urgences, la régulation médicale, la pneumologie et l’UHTCD pourraient fermés dès la semaine prochaine ; à Evreux en Normandie, ce sont le SMUR, les urgences, la neurologie et la gériatrie qui sont en danger ; à Feurs dans le département de la Loire, où les soignants ont organisé un rassemblement ce samedi devant l’hôpital, ce sont les urgences qui sont menacées. « Les fermetures vont avoir lieu dans une multitude d’endroits car les intérimaires travaillent partout, le gouvernement ne veut plus nous faire travailler à des prix corrects, il va se rendre compte de notre importance majeur pour faire tourner les hôpitaux » commente le Dr Reboli.

Le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARE) multiplie les alertes sur le sujet depuis plusieurs semaines. « On se demande vraiment où on va » s’inquiète sa présidente, le Dr Anne Geffroy-Wernet. Pour tenter de mieux comprendre la situation des intérimaires et de trouver des solutions à la crise, le syndicat a interrogé environ 800 d’entre eux. Une bonne nouvelle : 58 % de ces médecins intérimaires seraient éventuellement prêts à prendre un poste fixe de praticien hospitalier (PH).

1,5 milliards d’euros économisés…et redistribués ?

Mais sous certaines conditions : 58 % exigent que des heures supplémentaires soient décomptées à partir de 40 heures par semaine, 51 % veulent un décompte précis de leur temps de travail (une obligation légale depuis une décision du Conseil d’Etat de juin dernier) et 35 % réclament la restitution des quatre ans d’ancienneté perdus pour les PH nommés avant la réforme du 1er octobre 2020. En attendant la mise en place de ces mesures, 59 % d’entre eux demandent que le plafond de l’interim soit relevé à 650 euros net la garde de 12 h (contre 480 euros actuellement), un niveau qu’ils estiment « acceptable ».

Pour le moment, François Braun ne semble prêt à aucune concession et est déterminé à faire appliquer cette réforme (dont la mise en place, prévue en octobre 2021, avait été suspendue par son prédécesseur Olivier Véran). Une question d’« éthique » selon lui. Tout juste a-t-il accepté que l’article 33 de la loi Rist ne s’appliquera qu’au contrat d’intérim signé à partir du 3 avril prochain et non-rétroactivement. « ça ne va pas changer grand-chose, tant qu’ils ne retirent pas la loi Rist, les confrères ne viendront pas à ce prix-là » réagit le Dr Reboli.

L’objectif de cette réforme est bien sûr de diminuer les couts de l’intérim médical. Le 16 mars dernier, François Braun avait évoqué la possibilité que les 1,5 milliard d’euros économisés grâce à cette mesure puissent être employés pour améliorer l’attractivité des carrières de PH. Mais depuis, plus aucune annonce en ce sens n’a été faite. « Il semble que le milliard et demi d’euros se soit évaporé » déplore le syndicat Actions praticiens hôpital (APH), tandis que le Dr Geffroy-Wernet espère que « les praticiens hospitaliers ne seront pas les dindons de la farce de cette réorganisation ».

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • À l'économie

    Le 29 mars 2023

    Faire des économies, le slogan qui semble faire mouche. A vrai dire le slogan qui tue ! Faire des économies sur les coûts toujours trop élevés, par un personnel toujours trop nombreux, semble la seule boussole de la gouvernance du système de santé. Ce qui produit des situations cocasses ou tragiques selon l'angle sous lequel on les contemple. L'intérim médical par exemple.
    C'est qu'à l'aune de cette boussole, on sable le champagne s'il manque des salariés, des médecins encore plus, ils sont si chers les bougres, on favorise le petit remplacement des médecins du cru par des médecins importés qu'on paye moitié moins, vive l'économie. Quand on a tant fait la chasse au médecin, et que l'hôpital paye des mercenaires pour faire tourner la boutique on promet encore des économies. Tu frémiras comme écrit Werther dans l'opéra éponyme de Jules Massenet.
    La boussole du coût qui est la seule, nous conduit avec certitude vers l'abîme. Mais alors pourquoi est-il si difficile d'en faire apparaitre une autre qui serait, rêvons ensemble, un dessein, un but, un horizon au système de santé, et pourquoi pas des modalités, des priorités, des voies ?
    Pourquoi cet élément là semble-t'il si incongru que personne ne le cite jamais. Ah ça, du financement, on en discute, il y a des lois pour ça. Mais des buts, des priorités, des finalités, jamais.
    Jamais, et aucun politique ne s'y aventure, sauf peut être pour parler avec les trémolos vieille France de l'hôpital-public (ou alternativement du médecin-libéral, mais c'est moins poeteur.) qu'il faut défendre aux-armes-citoyens. Du corporatisme du jurassique, parfois, du global jamais.
    Qui s'y colle ?

    Dr G Bouquerel

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