
Paris, le mardi 15 mars 2022 - La France a envoyé 2,5 millions de comprimés d’iode en Ukraine, pour les distribuer en cas d’accident nucléaire. Si Olivier Gupta, directeur général de l’Autorité de sureté nucléaire française et président du réseau des mêmes autorités d’Europe de l’ouest s’est inquiété de la fragilisation de la sureté nucléaire en Ukraine, il rassure concernant notre pays : « Si un accident sévère se produisait en Ukraine, les seuils nécessitant la prise d’iode ne seraient pas atteints en France compte tenu de la distance ». Mais l’iode stable ne protège que du cancer de la tyroïde lié à l’iode radioactive, aucunement des autres effets des radiations ionisantes.
Attention peinture fraîche… et létale
Hors risque accidentel (usine ou bombe, crainte revenue dans nos esprits), nous sommes exposés en permanence à des rayonnements ionisants, naturels (davantage dans certaines régions) ou artificiels (exemple de la radiologie, radiothérapie ou médecine nucléaire). Dans les années 30, des ouvrières de l’horlogerie à cadrans lumineux affutaient à la bouche leur pinceau enduit de peinture au radium : sur 3000, 55 développèrent un cancer de la mâchoire. Vers 1950, une augmentation de 40% du cancer du poumon est constatée chez des mineurs d’uranium. Plus près de nous, des cancers radio induits ont été signalés à la suite de radiothérapies.
Comment savoir où est le curseur, quelles doses induisent quels effets ? Bien sûr la réponse n’est pas simple : ça dépend de la radiation, du ou des organe(s) touché(s) et de la susceptibilité individuelle, rappellent dans The conversation une équipe de radiobiologistes.
Plusieurs nuances de Grays
La dose absorbée par le sein en cliché mammographique est de 2 mGy (milli Grays), celle délivrée pour traiter une tumeur cancéreuse en radiothérapie est de 2 Gy. En dose corps entier, 4,5 Gy est létal pour 50% des sujets et 12 Gy conduisent au décès rapide. Mais pour une même dose, l’effet diffère selon le rayon (X, alpha, bêta, protons, neutrons) : on parle de dose équivalente, à pondérer encore selon la sensibilité du tissu, obtenant alors la « dose efficace », utilisée internationalement.
Ces calculs ne donnent qu’une probabilité de risque car les cassures d’ADN provoquées par les rayons peuvent se réparer, ou non, ou mal, provoquant trois niveaux de conséquences cliniques : radiotoxicité (brûlures, inflammations), radiosusceptibilité (cancers) et radiodégénérescence (vieillissement accéléré, telle la cataracte).
Enfin le risque individuel n’est pas tant lié à l’âge : certaines maladies génétiques rares rendent hyper radiosensible ; la prédisposition familiale au cancer du sein, une inflammation après radiothérapie pour cancer du sein ou de la prostate augmentent ainsi le risque de cancer radioinduit. Enfin, si les enfants ne sont pas plus sensibles a priori, un cancer aura plus le temps de se développer chez eux : c’est pourquoi les comprimés d’iode leurs sont délivrés en priorité.
Dr Blandine Esquerre