Paris, le vendredi 20 mars 2015 – Le Conseil Constitutionnel était invité à examiner la constitutionnalité des articles L3111-1 et L311-3 du code de la Santé publique qui permettent de rendre obligatoires certaines vaccinations (c’est le cas aujourd’hui de celles contre la poliomyélite, la diphtérie et le tétanos), « sauf contre-indication médicale reconnue » et qui prévoient que les parents sont « tenues personnellement responsables de l’exécution de cette mesure ». Cette saisine résultait d’une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l’avocat de Marc et Samia Larère, à l’occasion de leur comparution devant le tribunal correctionnel d’Auxerre en octobre 2014 pour "maltraitance" après le signalement par un médecin de leur refus de faire vacciner leurs deux filles contre les trois pathologies citées plus haut. Aujourd’hui, le Conseil Constitutionnel a rendu public sa décision et considéré que les articles qui fondent la possibilité d’une obligation vaccinale sont conformes à la Constitution.
Au-delà des débats techniques
Les requérants avaient concentré leur critique sur la prétendue non-conformité des deux articles visés au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (auquel se réfère explicitement notre Constitution actuelle) qui précise que la Nation « garantit, à tous notamment à l’enfant, à la mère, (…) la protection de la santé ». Or, l’avocat de Marc et Samia Larère, Emmanuel Ludot soutenait que l’obligation vaccinale était une violation de cette garantie, notamment parce que les « vaccins (…) peuvent présenter un risque pour la santé (…) que ce risque serait particulièrement élevé pour les jeunes enfants » résume le Conseil Constitutionnel. Ce dernier a néanmoins jugé qu’il « est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; qu’il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicale et épidémiologiques ». Le Conseil a par ailleurs rappelé qu’avec l’adoption de cette obligation vaccinale, le législateur « a entendu lutter contre trois maladies très graves et contagieuses ou insusceptibles d’être éradiquées ».
Au delà de cette décision, le Conseil a refusé d’entrer dans des débats "techniques" , estimant qu’il ne dispose pas « d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur, ni de rechercher si l’objectif de protection de la santé que s’est assigné le législateur aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé ». Ainsi, au terme de cette réflexion, et refusant donc d’entrer dans le débat souhaité par les requérants d’une prétendue nocivité des vaccins, le Conseil a-t-il considéré que les deux articles ne violaient nullement le droit à la santé.
Evoquer le danger plutôt que l’atteinte aux "libertés"
On le voit, le Conseil Constitutionnel s’est bien gardé de placer le débat sur le terrain de la garantie des "libertés individuelles ", à l’exception de la référence au droit du législateur d’établir une politique visant à protéger la santé "collective".
Cette orientation de sa décision aura été facilitée par l’angle choisi par les requérants eux-mêmes. Comme l’indique la décision du Conseil ces derniers n’ont pas choisi d’insister sur ce point, mais sur la question de la dangerosité supposée des vaccins pour la santé. Cette voie a sans doute été privilégiée d’abord parce qu’il s’agit de l’argument premier des époux Larère, qui paraissent convaincus de la dangerosité de certains adjuvants contenus dans les vaccins (en dépit de l’absence de toute preuve scientifique). Ensuite, la défense de cette famille a sans doute voulu éviter un combat qu’il supposait voué à l’échec : comme nous le rappelions dans ces colonnes en effet, en novembre 2001, saisi d’une telle question, le Conseil d’Etat avait considéré comme non pertinente l’idée que l’obligation vaccinale puisse être considérée comme contraire au « principe de dignité de la personne humaine ». Le Conseil d’Etat avait en effet estimé que l’atteinte « limitée aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain » était légitimée par la nécessité d’assurer la protection de la santé publique, principe constitutionnel, comme nous venons de le remarquer !
Une décision conforme à la préservation de la santé publique
Cette décision du Conseil constitutionnel, que beaucoup ne considéreront pas comme une surprise, représente une déception pour les époux Larère et leur avocat, ce dernier regrettant que le Conseil Constitutionnel n’ait pas « rendu la décision courageuse que j'attendais et qui aurait permis de mettre fin à un siècle de stalinisme vaccinal » (!).
On jugera au contraire, même si des débats existent sur l’efficacité et la pertinence en terme de santé publique de l’obligation vaccinale (et des réflexions ont lieu sur ce thème dans le cadre d’une mission diligentée par le Président de la République) qu’il est heureux que la fin de la vaccination obligatoire n’ait pas été ainsi décrétée par une décision judiciaire. Elle aurait en effet accrédité dans l’esprit de beaucoup d’opposants aux vaccins l’idée de l’existence, pendant de longues années, d’une mesure dangereuse et liberticide et n’aurait que nourri davantage leurs allégations les plus douteuses et pour leur part véritablement dangereuses.
Aurélie Haroche