
Paris, le vendredi 3 février 2023 – La CNAM propose de faire passer le tarif de la consultation à 26,50 euros, une proposition vécue comme une provocation par les syndicats de médecins.
C’est ce qui s’appelle rajouter de l’huile sur le feu. Alors que les relations entre la CNAM et les syndicats de médecins libéraux sont pour le moins tendues (rappelons que ces derniers ont pendant plusieurs jours quitté la table des négociations conventionnelles et menacent d’une grève le 14 février), l’Assurance Maladie a présenté ce mercredi dans le cadre des négociations bilatérales ses propositions tarifaires. Des annonces attendues depuis longtemps par les syndicats, qui se plaignaient que la CNAM reste pour le moment très évasive sur le sujet. Mais les médecins négociateurs ont rapidement déchanté face à la faiblesse des chiffres annoncés.
La CNAM propose en effet de faire passer le tarif de la consultation de base de 25 à 26,50 euros. Une augmentation de 1,50 euros soit 6 % qui permet exactement de compenser l’inflation, à 6 % sur un an en janvier. On est donc loin, très loin des 50 euros exigés par le collectif Médecins pour demain et plusieurs syndicats (UFML, SML, FMF) ou même des 30 euros demandés par le syndicat MG France.
L’ensemble des syndicats n’ont donc pas
caché leur déception voire leur colère face à la proposition de la
CNAM. « 26,50 euros c’est indécent, la ligne rouge est
franchie, nous souhaitons 30 euros sans conditions »
fulmine le Dr Margot Bayart, vice-présidente de MG France, tandis
que le SML qualifie la proposition de la CNAM de
« dernière provocation en date ».
« C’est du mépris et de la provocation, une catastrophe
pour l’attractivité de la médecine générale, pour tous nos jeunes
médecins » surenchérit le Dr Corinne Le Sauder,
présidente de la FMF.
Les syndicats vent-debout contre le contrat d’engagement territorial
Cerise sur le gâteau, la CNAM a également annoncé que les médecins pourraient avoir accès à une grille tarifaire avec trois niveaux de consultation plus avantageuses, dont les montants exacts n’ont pas été communiqués, mais à condition d’adhérer au fameux contrat d’engagement territorial (CET). Ce dispositif, présenté par la CNAM il y a trois semaines et qui est la traduction des orientations d’Emmanuel Macron, reposera sur quatre thématiques : accès aux soins, accès aux soins urgents, accès financier et engagement populationnel. Pour chaque thème, le médecin devra choisir au moins un objectif à remplir pour valider l’item. Par exemple, pour valider le thème « accès aux soins urgents », le praticien aura le choix entre participer à la PDSA, participer au système de régulation SAS ou ouvrir son cabinet le samedi matin. La signature d’un CET permettra au médecin de toucher un forfait.
Un dispositif rejeté en bloc par les syndicats de médecins, qui n’y voient que de nouvelles contraintes sans aucune contrepartie. « Nous avons mis sur la table des propositions majeures, la caisse nous répond par cette augmentation de 1,50 euros et pour le reste de nouvelles contraintes avec ce schéma territorial, nous avons le sentiment de ne pas être écoutés et même d’être humiliés » se désole le Dr Luc Duquesnel, président de la branche généralistes de la CSMF, qui avait pourtant refusé de participer au mouvement revendiquant une consultation à 50 euros.
Le contre-programme du Dr Marty
Peu avant que la CNAM ne révèle son programme, le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML, avait lui rappelé son attachement au doublement du tarif de la consultation, en présentant des voies de financement. Selon lui, en supprimant la quasi-totalité des forfaits et des subventions accordés aux médecins libéraux, une grande partie de l’augmentation pourrait être financé et l’Assurance Maladie n’aurait en finale qu’à dépenser que 1,2 milliards d’euros supplémentaires pour faire passer le tarif de la consultation à 50 euros d’ici 2027.
En compensation, le généraliste de Fronton propose que les médecins s’engagent en faveur de la prévention, de la numérisation du système de santé, de la prise en charge des patients en ALD et des addictions. En revanche, le Dr Marty rejette en bloc le système du CET ou de tarifs de consultation différenciés selon la complexité de l’acte, estimant qu’en 25 ans d’exercice, il ne « sait toujours pas ce qu’est un acte simple ». Seule petite concession du Dr Marty dans son « choc de simplification », le maintien du forfait patientèle médecine traitant (FPMT), dont il propose même de doubler le montant, sans chiffrer le montant de la dépense.
En l’état actuel des négociations, il est peu probable que la CNAM, arc-boutée sur une position de contrôle des dépenses et d’orientation forfaitaire, prenne son parti de ces propositions. Rappelons que les différentes parties prenantes ont jusqu’au 31 mars pour parvenir à un accord, faute de quoi la convention sera établi par un règlement arbitral. « On se demande si la CNAM ne créé par délibérément l’impossibilité de signer pour s’en remettre au règlement arbitral » s’interroge le Dr Franck Devulder, président de la CSMF.
Q.H.