La colchicine : une molécule légendaire qui réduit également le risque d’ECVM chez le malade coronarien stable

La colchicine a connu son heure de gloire en rhumatologie et son efficacité symptomatique dans le traitement de la crise de goutte apparaît légendaire. Les attraits de cet anti-inflammatoire puissant n’en restant pas moins considérables, alors que le rôle de l’inflammation chronique systémique dans la progression de la maladie coronarienne est abondamment souligné par de nombreuses publications récentes.

Un peu d’histoire…

C’est l’essai randomisé CANTOS (Canakinumab Antiinflammatory Thrombosis Outcome Study) qui a attiré en premier l’attention sur l’intérêt d’un anti-inflammatoire tel le canakinumab- antagoniste sélectif de l’interleukine-1β- chez les patients victimes d’un infarctus du myocarde (IDM) récent, dès lors que le taux de CRP (C-reactive protein) étaient élevés à l’état basal. Dans ce sous-groupe à haut risque, cet anticorps monoclonal a réduit significativement le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs (ECVM) à long terme, comparativement au placebo. Un autre essai intitulé COLCOT (Colchicine Cardiovascular Outcomes Trial) réalisé dans un contexte clinique voisin (moins de 30 jours après un IDM) a conduit à des résultats tout aussi encourageants ; la colchicine à la dose de 0,5 mg/jour étant prescrite en lieu et place du canakinumab. Une autre étude ouverte, dite LoDoCo (low-dose colchicine) a emboîté le pas en incluant, cette fois, des patients atteints d’une maladie coronarienne chronique, mais l’absence de groupe placebo et l’effectif restreint ne permettaient pas de trancher entre colchicine et canakinumab (en dépit d’un avantage à la colchicine).

….avant que n’advienne LoDoCo2

C’est dans cet historique que s’inscrit l’étude LoDoCo2 dont les résultats viennent d’être présentés au congrès de la Société Européenne de Cardiologie. Comme son nom l’indique, cet essai randomisé, mené à double insu contre placebo, est le prolongement de l’étude précédemment évoquée. L’action s’est déroulée en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Ont été inclus 5 522 patients atteints d’une maladie coronarienne chronique stable, répartis par tirage au sort en deux groupes : (1) colchicine (0,5 mg/jour en une prise) (n=2 762) ; (2) placebo (n=2 760). Le critère de jugement primaire a combiné les ECVM suivants : décès d’origine cardiovasculaire, IDM spontané (sans rapport avec une procédure de revascularisation myocardique), AVC ischémique ou encore revascularisation imposée par la survenue d’une ischémie myocardique. Le critère secondaire n’a inclus que trois ECVM : décès cardiovasculaire, IDM ou AVC.

Avantage à la colchicine

Au terme d’un suivi médian de 28,6 mois, le critère primaire a concerné 187 patients du groupe colchicine (6,8 %), versus 264 (9,6 %) dans le groupe placebo, soit en termes d’incidence pour 100 patients-années : 2,5 versus 3,6, respectivement. Ceci conduit à un hazard ratio (HR) de 0,69 (intervalle de confiance à 95% [IC], 0,57 à  0,83; p<0,001). Pour ce qui est du critère secondaire, la même tendance a été observée, les chiffres correspondants étant de 4,2 % versus 5,7 %, respectivement (soit pour 100 patients-années : 1,5 ECVM versus 2,1 ECVM), le HR étant alors de 0,72 (IC 95%, 0,57 à 0,92; p=0,007). La mortalité sans rapport avec une cause cardiovasculaire s’est avérée plus élevée dans le groupe colchicine, soit en termes d’incidence pour 100 patients-années, 0,7 dans le groupe colchicine versus 0,5 dans le groupe placebo, ce qui correspond à un HR de 1,51 (IC 95 %, 0,99 à 2,31).

Résultats très encourageants mais la surmortalité dans le groupe colchicine ne peut être ignorée

Cet essai randomisé de grande envergure plaide en faveur de l’efficacité de la colchicine à faible dose dans la prévention secondaire des ECVM chez des patients atteints d’une maladie coronarienne chronique. En termes d’amplitude, le bénéfice atteint n’est pas sans rappeler celui observé dans les études qui ont précédé cet essai. La surmortalité modeste mais non négligeable dans le groupe colchicine introduit un bémol qui ne peut être ignoré à l’aune des recommandations potentielles, d’autant qu’à la lueur des données de l’étude, elle apparaît inexplicable.

Autant dire qu’il faut d’autres essais du même tonneau pour éclaircir ce point et confirmer ces résultats fort encourageants. Une seule étude même contrôlée et menée selon les règles de l’art ne permet en aucun cas de conclure formellement, tout au moins quand il s’agit de la maladie coronarienne.

Dr Peter Stratford

Référence
Nidorf SM et coll. Colchicine in Patients with Chronic Coronary Disease. New Engl J Med 2020 (31 août) : publication avancée en ligne. DOI: 10.1056/NEJMoa2021372. Congrès de la Société Européenne de Cardiologie. Du 29 aout au 1er septembre 2020 (virtuel).

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