
La colchicine a connu son heure de gloire en rhumatologie et
son efficacité symptomatique dans le traitement de la crise de
goutte apparaît légendaire. Les attraits de cet anti-inflammatoire
puissant n’en restant pas moins considérables, alors que le rôle de
l’inflammation chronique systémique dans la progression de la
maladie coronarienne est abondamment souligné par de nombreuses
publications récentes.
Un peu d’histoire…
C’est l’essai randomisé CANTOS (Canakinumab
Antiinflammatory Thrombosis Outcome Study) qui a attiré en
premier l’attention sur l’intérêt d’un anti-inflammatoire tel le
canakinumab- antagoniste sélectif de l’interleukine-1β- chez les
patients victimes d’un infarctus du myocarde (IDM) récent, dès lors
que le taux de CRP (C-reactive protein) étaient élevés à
l’état basal. Dans ce sous-groupe à haut risque, cet anticorps
monoclonal a réduit significativement le risque d’évènements
cardiovasculaires majeurs (ECVM) à long terme, comparativement au
placebo. Un autre essai intitulé COLCOT (Colchicine
Cardiovascular Outcomes Trial) réalisé dans un contexte
clinique voisin (moins de 30 jours après un IDM) a conduit à des
résultats tout aussi encourageants ; la colchicine à la dose de 0,5
mg/jour étant prescrite en lieu et place du canakinumab. Une autre
étude ouverte, dite LoDoCo (low-dose colchicine) a emboîté
le pas en incluant, cette fois, des patients atteints d’une maladie
coronarienne chronique, mais l’absence de groupe placebo et
l’effectif restreint ne permettaient pas de trancher entre
colchicine et canakinumab (en dépit d’un avantage à la
colchicine).
….avant que n’advienne LoDoCo2
C’est dans cet historique que s’inscrit l’étude LoDoCo2 dont
les résultats viennent d’être présentés au congrès de la Société
Européenne de Cardiologie. Comme son nom l’indique, cet essai
randomisé, mené à double insu contre placebo, est le prolongement
de l’étude précédemment évoquée. L’action s’est déroulée en
Australie et en Nouvelle-Zélande.
Avantage à la colchicine
Au terme d’un suivi médian de 28,6 mois, le critère primaire a
concerné 187 patients du groupe colchicine (6,8 %), versus
264 (9,6 %) dans le groupe placebo, soit en termes d’incidence pour
100 patients-années : 2,5 versus 3,6, respectivement. Ceci
conduit à un hazard ratio (HR) de 0,69 (intervalle de confiance à
95% [IC], 0,57 à 0,83; p<0,001). Pour ce qui est du
critère secondaire, la même tendance a été observée, les chiffres
correspondants étant de 4,2 % versus 5,7 %, respectivement
(soit pour 100 patients-années : 1,5 ECVM versus 2,1 ECVM),
le HR étant alors de 0,72 (IC 95%, 0,57 à 0,92; p=0,007). La
mortalité sans rapport avec une cause cardiovasculaire s’est avérée
plus élevée dans le groupe colchicine, soit en termes d’incidence
pour 100 patients-années, 0,7 dans le groupe colchicine
versus 0,5 dans le groupe placebo, ce qui correspond à un HR
de 1,51 (IC 95 %, 0,99 à 2,31).
Résultats très encourageants mais la surmortalité dans le groupe colchicine ne peut être ignorée
Cet essai randomisé de grande envergure plaide en faveur de
l’efficacité de la colchicine à faible dose dans la prévention
secondaire des ECVM chez des patients atteints d’une maladie
coronarienne chronique. En termes d’amplitude, le bénéfice atteint
n’est pas sans rappeler celui observé dans les études qui ont
précédé cet essai. La surmortalité modeste mais non négligeable
dans le groupe colchicine introduit un bémol qui ne peut être
ignoré à l’aune des recommandations potentielles, d’autant qu’à la
lueur des données de l’étude, elle apparaît inexplicable.
Dr Peter Stratford