La Covid va-t-elle ressusciter le challenge infectieux ?
Paris, le mercredi 24 juin 2020 – De nombreux observateurs et une
grande partie des autorités sanitaires nationales et
internationales ont beau redouter que l’épidémie de SARS-CoV-2
connaisse une « seconde vague », tandis que la hausse
apparente du nombre de contaminations (en partie liée à la
progression des dépistages) confirme que le virus reste en
circulation, l’évolution de la situation pourrait rendre difficile
la poursuite de certains projets thérapeutiques. Depuis plusieurs
semaines déjà, les témoignages se multiplient relevant les
difficultés des promoteurs d’études pour inclure de nouveaux
patients afin d’évaluer l’efficacité de différents traitements. Ces
obstacles sont un frein au développement d’un vaccin. Comment en
effet tester l’efficacité d’un vaccin en conditions réelles, si la
circulation du virus est faible, mais conduit cependant à quelques
clusters potentiellement fatals pour des sujets à risque ?
Des réticences mais pas d’opposition absolue
Aussi, dès le début du mois d’avril, certaines équipes
américaines mais aussi britanniques ont sérieusement envisagé de
pouvoir renouer avec la stratégie du challenge infectieux. Il
s’agit non plus d’évaluer l’efficacité du vaccin grâce à un test
dans les conditions de vie réelle, mais d’infecter quelques
volontaires sains, pour mesurer la réponse immunitaire conférée par
le virus. Employée jusque dans les années 70, cette technique a été
écartée pour des raisons éthiques évidentes. Cependant, elle n’est
pas strictement prohibée par les instances internationales. Le
Conseil des organisations internationales des sciences médicales
(affilié à l’OMS et à l’Unesco) considère que la décision doit
pouvoir être prise au cas par cas, en tentant de déterminer la
balance entre les bénéfices pour la société et les risques pour les
volontaires. Cependant, en tout état de cause, il note que des
maladies à la mortalité très élevée ne peuvent donner lieu à de
telles pratiques, telles « l’anthrax ou Ebola » (on est
rassuré !). Concernant plus précisément la Covid-19, l’Organisation
mondiale de la santé, dans une note publiée début mai, n’émet pas
d’opposition absolue, mais juge indispensable d’imposer des
critères très stricts de sélection des sujets. Ils devront
nécessairement être jeunes, en bonne santé, exposés au virus, mais
sans exercer de professions considérées comme essentielles… Non
seulement ces critères peuvent être considérés comme éthiquement
discutables, mais sont également une entrave à une bonne
représentativité de la population, alors que la Covid-19 est
principalement un danger chez les plus âgés (et chez des sujets
atteints par certaines pathologies chroniques comme l'obésité) dont
la réponse spécifique du système immunitaire pourrait être une clé
importante pour l’élaboration d’un vaccin efficace (et en tout cas
pour l’évaluation de son efficacité).
La Covid-19 justifie-t-elle les moyens ?
Cependant, en tenant compte de ces limites, quelques équipes
britanniques ou américaines ont déjà commencé à organiser un
prérecruement de "volontaires". La firme britannique Hvivo à
Londres a ainsi lancé dès le 9 mars un appel, promettant une
rémunération de 4 000 euros pour une infection volontaire et un
isolement de 14 jours. De son côté, l’organisation Human
Challenge Trials (HCT) aux Etats-Unis a lancé une plateforme de
candidatures, qui n’est pas dédiée à un vaccin en particulier, mais
qui évoque les dizaines de projets aujourd’hui à l’étude. La
plateforme 1DaySonner comptabilise ainsi ce jour 29 699 volontaires
émanant de 140 pays. Les motivations peuvent être très variables.
Si elle n’est probablement pas l’unique moteur, la question de la
rémunération est loin d'être anodine. Si elle paraît
incontournable, ne peut-elle pas conduire à vicier le consentement
? Pour écarter tout risque de cette nature, il apparaîtrait
essentiel (si l'on continuait dans cette voie) de sélectionner de
façon rigoureuse les profils socio-économiques. De la même manière,
comment s’assurer de la parfaite compréhension des enjeux
scientifiques par les participants ? De quelles armes
bénéficieront-ils pour pouvoir sélectionner les projets et éviter
d’être enrôlés dans des programmes dangereux ?
Autant de questions qui confortent les opposants absolus à un
retour du challenge infectieux. Au-delà d’une opposition éthique
fondamentale, qui repose sur les principes de non nuisance de la
médecine et d’une protection des participants aux essais cliniques,
la légitimité d’une telle pratique face à la Covid-19 peut
interroger. Soit en effet on considère que la dangerosité de
SARS-CoV-2 est encore méconnue, et il apparaît aberrant de risquer
d’exposer des volontaires sains, quel que soit leur niveau de
risque de formes graves. Soit au contraire, on relativise la
gravité globale de l’épidémie et on ne peut dans ce contexte
légitimer d’oublier des principes fondamentaux pour répondre à une
menace non majeure pour la santé publique mondiale (sauf à se
laisser guider, encore une fois, par la panique!). Ainsi, alors que
certains spécialistes ont pu défendre le recours à une procédure «
extraordinaire », d’autres comme William Haseltine,
président du think tank Access Health International et
ancien professeur à l’école de médecine de Harvard, sont convaincus
que « dans le cas présent, cette procédure extraordinaire n’est
ni nécessaire, ni efficace, ni éthique ».
Pour info, on peut consulter la lettre ouverte de 1Daysooner avec la liste des 153 premières signatures avec le lien https://1daysooner.org/openletter Challenge Trials for COVID-19 Lette ouverte du Dr. Francis Collins, National Institutes of Health 9000 Rockville Pike Bldg 10. Bethesda, MD 20892
Une solution serait d’utiliser l’armée. On ne demande pas son consentement à un militaire pour le vacciner. Il y a 45 ans , lorsqu’apparut la légionellose, les américains ont cru à une grippe porcine et ont rapidement vacciné leurs troupes, on ne sait pas trop avec quoi. Garde à vous ! Baissez braies ! Présentez fesses !
JP Moreau, Epidémiologiste en retraite
Et la grippe ?
Le 31 juillet 2020
Bien que cette COVID 19 ne soit pas "une petite grippette", je suis curieuse de savoir quel est l'impact de la vaccination contre la grippe saisonnière sur les formes de COVID 19, hors population âgée de plus de 75 ans. Les personnes vaccinées cet hiver contre la grippe et qui ont contracté la COVID19 ont-elle eu des complications aussi fréquentes et aussi graves que les personnes non vaccinées ?
Même si l'on sait aussi que cette vaccination ne protège pas forcément toutes les personnes vaccinées de la grippe (selon la correspondance de la souche vaccinale et celle de l'épidémie hivernale), elle rendrait quand même moins fréquentes les formes graves par la stimulation du système immunitaire à minima par la présence d'une certaine immunité.
A moins que mon raisonnement soit faux et pour autant que ma démonstration soit sommaire, la question est : un corps régulièrement vacciné et donc avec une immunité régulièrement sollicitée, est-il plus résistant en cas d'épidémie ?