
Paris, le mercredi 11 mai 2022 – Par manque de médecins et d’infirmiers, les services de gériatrie et les Ehpad ont de plus en plus de mal à maintenir leur activité.
La décision sera annoncée ce mercredi au personnel et aux patients, mais elle est déjà connue depuis 24 heures : l’hôpital gériatrique La Collégiale, situé dans le 5ème arrondissement de Paris, va fermer ses portes début juin, par manque de personnel et notamment d’infirmiers. Les patients vont être transférés vers d’autres hôpitaux parisiens, ceux de Broca et de Vaugirard notamment. Le manque de soignants avait déjà poussé la direction à fermer une unité de soins de longue durée (USLD) de 14 lits l’an dernier, puis une autre de 40 lits fin février. Cette fois la fermeture est totale.
Du coté de l’AP-HP, on assure que cette décision était inévitable. « La moitié des postes infirmiers sont vacants » et il n’y a « aucune perspective de recrutement pérenne ». « Le regroupement envisagé pour les mois à venir assurera la continuité de la prise en charge et garantira un fonctionnement sécurisé » explique la direction. L’AP-HP garantit que tout sera mis en œuvre pour permettre la réouverture de l’hôpital en septembre prochain. Mais du coté des syndicats, on ne se fait guère d’illusions : « tout laisse penser que l’hôpital ne rouvrira pas » s’inquiète Olivier Dahuron, délégué syndical de la CGT.
Près de 30 % des Ehpad sans médecin coordinateur
Si elle touche durement l’hôpital, la pénurie de soignants en gériatrie affecte également les établissements pour personnes âgés, dont les difficultés ont été mises en lumière ces derniers mois par le scandale Orpea (du nom du leader du secteur des Ehpad privés, accusé de maltraitance et de malversations financières). Au cours d’une conférence de presse ce mardi, Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (Synerpa), a évoqué ces problématiques de manque de personnel et de difficulté de recrutement. « On ne peut plus fonctionner en Ehpad avec le triptyque aides-soignants – infirmiers – médecins, puisqu’on ne les trouve plus » déplore-t-elle.
Les dernières enquêtes parlementaires menées sur les Ehpad publics comme privés y ont constaté un taux d’encadrement médical insuffisant. Pour le Synerpa, la priorité est d’étendre, par décret, le temps de travail des médecins coordinateur, afin de rendre la profession plus attractive. Actuellement, le temps de présence minimum du médecin coordinateur est compris entre 0,2 et 0,5 équivalent temps plein (ETP) selon la taille de l’établissement. « Il nous faut des temps pleins » estime la déléguée générale, qui rappelle près de 30 % des établissements pour personnes âgés ne disposent d’aucun médecin coordinateur.
Le manque de personnel, principal problème des Ehpad
S’agissant du personnel paramédical, le Synerpa appelle de ses vœux la création d’un nouveau niveau de soins, avant celui des aides-soignants. « Les auxiliaires de vie s’occupent depuis dix ans des personnes âgées et ont de vraie compétences » plaide Florence Arnaiz-Maumé. Pour le reste, la déléguée générale préconise des recrutements massifs d’infirmiers et d’aides-soignants, mais sans évoquer la question de l’attractivité et donc de la rémunération. « Nous avons quatre à six postes d’infirmiers par Ehpad » s’alarme la déléguée générale.
Enfin, la conférence de presse du Synerpa était également l’occasion d’aborder les suites à donner au scandale Orpea s’agissant des questions d’éthique et de transparence. Elle-même ancienne cadre au sein du groupe Orpea, Florence Arnaiz-Maumé a évoqué un prochain changement des statuts du Synerpa, afin d’y intégrer « les missions d’intérêt général qui nous sont confiés par l’Etat ».
Un comité d’éthique va également être mis en place pour élaborer une sorte de charte de bonne conduite à destination des Ehpad privés. Ce document portera notamment plusieurs engagements relatifs aux services non-médicaux de ces établissements tels que la restauration ou l’animation. « Cette charte sera l’étendard des adhérents du syndicat » assure la déléguée générale. Pas sûr que de tels engagements soient suffisants pour remédier aux difficultés des Ehpad, la maltraitance vis-à-vis des résidents étant généralement favorisée par le manque de personnel, qui reste, on l’aura compris, le principal problème de ces établissements.
Quentin Haroche