
Paris, le samedi 24 mars 2018 – Voilà un coup de pied dans la fourmilière. La tribune des 124 professionnels de santé contre les médecines « alternatives » a ravivé le débat opposant les partisans et opposants de l’homéopathie. Après une description au vitriol de ces médecines alternatives, les signataires émettent le souhait que « les médecins qui usent de ces méthodes ne puissent plus jouir de leur titre »…
A l’heure actuelle, les traitements homéopathiques sont parfaitement autorisés et encadrés par des dispositions spécifiques du code de la santé publique. Mais faut-il comprendre que la prescription de traitements homéopathiques est elle compatible avec les standards développés par la jurisprudence ?
L’exercice de l’homéopathie réservée aux médecins
On se souviendra qu’il fut un temps, le « nouveau monde » né de la révolution de 1789 avait ouvert à tous le titre de médecin. Le décret du 18 août 1792, en supprimant les universités et les règlementations de l’exercice de la médecine, avait conduit à la prolifération des charlatans conduisant à des désastres sanitaires. Très rapidement, l’expérience libertaire fut réparée, et la profession de médecin fut de nouveau réglementée par la loi du 19 ventôse de l’an XI. De nos jours, l’activité de médecin est strictement règlementée, l’accès à la profession étant soumise à la possession du diplôme de docteur en médecine… Mais le titre ne fait pas tout. L’exercice de la médecine est soumis au respect des prescriptions légales, de sorte que le médecin se doit de prescrire des médicaments autorisés sur le marché.
Tel est le cas du médicament homéopathique. Ainsi, en vertu de l’article L.5121-1 du Code de la Santé Publique : « tout médicament obtenu à partir de substances appelées souches homéopathiques, selon un procédé de fabrication homéopathique décrit par la pharmacopée européenne, la pharmacopée française ou, à défaut, par les pharmacopées utilisées de façon officielle dans un autre Etat membre de l’Union européenne. Un médicament homéopathique peut aussi contenir plusieurs principes ».
Partant, la prescription de médicaments homéopathiques constitue un acte expressément réservé aux médecins, au même titre que les autres médecines « douces » tel que l’étiopathie, les mésothérapie ou la naturopathie. A contrario, la prescription de médicaments homéopathiques sans le titre de médecin constitue le délit d’exercice illégal de la médecine, délit puni et réprimé par l’article L4161-1 du Code de la Santé Publique.
Une prescription possible, mais quelle place pour l’obligation d’information ?
Les lecteurs assidus du JIM n’ignorent rien du contenu et de l’étendu de l’obligation d’information que le médecin doit à son patient. Le médecin s'engage à assurer personnellement au patient « des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science ». Plus particulièrement, en vertu de l’article L.1111-2 du Code de la Santé Publique, l’obligation d’information doit porter non seulement sur l’état de santé du patient mais aussi sur les traitements prescrits. Le médecin doit informer le patient sur l’utilité des traitements, mais aussi leurs conséquences ainsi que leurs risques graves ou normalement prévisible.
Or, la question mérite d’être posée : l’obligation d’information du patient en cas de traitement homéopathique est-elle sincère ? Le rédacteur de ces lignes prendra bien soin de ne pas s’impliquer dans le débat en prenant une position scientifique sur la question de l’utilité ou de l’inutilité des prescriptions homéopathiques. Il reste qu’un certain nombre d’études récentes tendent globalement à établir l’inefficacité du procédé, tout en reconnaissant néanmoins un « effet placebo » qui peut « être utile pour le patient ».
D’un point de vue juridique, même si le médecin prescripteur est généralement sincèrement convaincu de l’efficacité des traitements homéopathiques, celui-ci est a minima légalement tenu d’informer son patient « qu’un certain nombre d’études ont prouvé l’inefficacité du produit ». A défaut, celui-ci manque à son obligation d’information… et est donc susceptible d’engager sa responsabilité civile.
Mais en même temps, un médecin qui respecterait l’obligation d’information sur cette question se priverait sans doute d'un effet scientifiquement reconnu à l’homéopathie ! Il est clair que si le patient est informé de l’inefficacité de la prescription du traitement, l’efficacité du placebo (sauf surprise !) est réduite à néant...
La conclusion suivante s’impose : l’exigence d’une information simple, intelligible et surtout loyale s’oppose (ou du moins, rend inefficace) toute prescription d’un traitement homéopathique en droit français. Pourtant, il sera observé après étude des bases de données juridiques que les cas de mise en cause de la responsabilité des médecins (ou même des laboratoires pharmaceutiques) sont quasiment inexistants s’agissant de l’homéopathie…
Ceci s’explique sans doute par le fait que la prescription d’homéopathie est réalisée dans des maladies bénignes. Mais par contraste, on remarquera avec amusement que si l’effet placebo donne lieu à peu de procès, l’effet nocebo, lui, peut être à l’origine de belles procédures judiciaires…
Charles Haroche - Avocat (charlesharoche@gmail.com)