La question de la perte de poids quand la NASH menace

La maladie graisseuse non alcoolique du foie ou NAFLD (non alcoolic fatty liver disease) est initialement une stéatose mais peut progresser vers l’inflammation et la fibrose (stéatohépatite non alcoolique ou NASH), voire aboutir à une fibrose extensive et à une cirrhose. Approximativement, 25 % des adultes aux Etats-Unis, le plus souvent obèses, présentent une NAFLD et 2 à 6 % une authentique NASH. L’obésité joue, de fait, un rôle majeur dans la pathogénie de la stéatose initiale, puis dans sa progression. Les risques en sont notables : augmentation des maladies du foie et de la morbimortalité cardiovasculaire mais aussi des hépatocarcinomes. La NASH représente actuellement la deuxième cause de transplantation hépatique. Aucun traitement médicamenteux n’est, à ce jour disponible. Il est donc essentiellement proposé des modifications du style de vie avec perte de poids grâce à des régimes alimentaires hypo énergétiques et à une augmentation de l’activité physique. Toutefois, les modalités de la perte de poids sont diverses : interventions comportementales, approches pharmacologiques, ou encore chirurgie bariatrique.

Méta-analyse de 22 études

D. Koutoukidis et collaborateurs ont procédé à une revue systématique et à une méta-analyse afin de synthétiser les données issues d’essais cliniques randomisés portant sur les différentes techniques de réduction pondérale. Ils ont aussi analysé quantitativement l’impact d’une perte de poids sur la glycorégulation et les biomarqueurs hépatiques en cas de NAFLD, compliquée ou non de NASH. Ont été exclues les études qui ne visaient pas spécifiquement la perte de poids ou celles combinant plusieurs types d’intervention. Les essais retenus devaient comporter au moins l’analyse d’un biomarqueur hépatique : alanine aminotransférase (ALT), aspartotransaminase (AST), phosphatase alcaline (ALP), gamma -glutamyl transférase (GGT), score de fibrose hépatique, score NAFLD, index de foie graisseux, rigidité hépatique, appréciation radiologique ou histologique de la stéatose. Ils devaient aussi inclure des marqueurs du poids et d’insulino résistance.

Une recherche exhaustive a été conduite à partir des principales banques de données informatiques (MEDLINE, EMBASE, PsicINFO…), sans restriction de langue, depuis leur création jusqu’en Janvier 2019. Deux lecteurs indépendants ont sélectionné les publications, extrait les informations pertinentes pré spécifiées et ont évalué les risques de biais.

Vingt-deux publications ont été retenues (20 articles en version intégrale et 2 abstracts sur des communications à un congrès), concernant 2 588 participants, la plupart issus de pays à fort niveau de vie. Il y avait 66 % d’hommes, l’âge moyen était de 45 (DS :14) ans et l’indice de masse corporelle (IMC) moyen était de 33,7 (DS  : 10,7). Sept pour cent présentaient un diabète de type 2. Seize études incluaient tous les stades d’hépatopathie graisseuse et 6 seulement des NASH. La majorité des interventions comportementales étaient représentaient par un régime pauci énergétique couplé à de l’exercice physique. Les approches pharmacologiques comprenaient la prise d’orlistat, de liraglutide ou de sibutramine. Les interventions chirurgicales consistaient en la pose d’un ballon gastrique. La durée médiane du suivi a été de 6 (3- 8) mois. Toutes les études, sauf une, ont signalé l’évolution des ALT et du poids, 8 ont examiné l’évolution de l’insulino résistance. La stéatose hépatique a été appréciée par échographie (4 articles), résonance magnétique (n = 4) ou par histologie (n= 5).

Un effet sur les marqueurs biologiques mais pas sur la fibrose

Comparativement aux actions d’intensité minime ou faible, celles plus marquées ont conduit à une perte de poids plus significative et, parallèlement, à une amélioration plus nette de la glycorégulation et de l’insulinorésistance. Malgré un effet de taille mal défini, de façon très nette, a été démontré dans le même temps un bénéfice en termes de biomarqueurs hépatiques : ALT baissant de 9,81 U /L (intervalle de confiance à 95 % IC : -13,12 à – 6,50), AST de – 4,84 U/L (IC : -7,3 à – 2,38), des phosphatases alcalines : -5,53 U/L (IC : -20,48 à 9,22) et des gamma-GT : - 4,35U/L (IC : -7,67 à -1,04). Par contre, on ne retrouve aucune preuve témoignant d’un gain concernant le score de fibrose NAFLD (0,15 ; IC : -0,13 à 0,43), ni l’indice de graisse hépatique (-1,84 ; IC : -5,08 à 1,40). Les interventions visant à la réduction pondérale sont associées à une amélioration de la stéatose hépatique, tant en histologie qu’en imagerie par résonnance magnétique ou échographie. Il en va de même, de façon plus limitée, pour l’appréciation de la rigidité hépatique. Aucune modification n’est relevée pour les scores histologiques d’inflammation, de ballonisation et de fibrose hépatique. Deux essais ont été poursuivis, l’un à 6 mois, l’autre à 5 ans, après la fin de l’intervention thérapeutique, sans pouvoir déceler de modifications à long terme du poids, de l’insulinorésistance, des ALT ou du score de foie graisseux.

Les effets secondaires des diverses interventions ont été jugés nuls ou modérés. Ils consistent essentiellement en des troubles digestifs en cas d’approche pharmacologique ou chirurgicale.
Une analyse plus réduite, ne retenant que les travaux à faible risque de biais n’apportent aucun changement dans l’appréciation de l’évolution des ALT, de l’insulinémie, de l’inflammation, de la rigidité ou de la fibrose. Dans une analyse comparative, il n’apparaît pas non plus, de différence d’effets sur le poids ou les marqueurs de glycorégulation, entre méthodes comportementales et pharmacologiques. En examen post hoc, on note que le bénéfice des diverses interventions a été plus net en cas de surpoids que chez les participants à poids normal.

Ainsi, en cas de NAFLD, des actions visant à une réduction pondérale sont associées à une amélioration significative des biomarqueurs hépatiques, de la stéatose et de la rigidité mais sont sans effet sur la fibrose hépatique. Cette étude est d’importance mais donne lieu à quelques réserves malgré les tentatives d’élimination des biais de sélection et des facteurs confondants. Il n’existe, en effet, à ce jour, aucune technique parfaite pour quantifier le degré d’une hépatopathie. La stéatose, elle-même, est appréciable de diverses manières. Les essais ont été, en règle, de durée relativement brève, avec une médiane de 6 mois. Il n’y a qu’un seul essai de chirurgie bariatrique et un seul aussi avec la sibutramine, qui n’est plus autorisée…Surtout, les résultats ont été entachés par une hétérogénéité statistique notable portant tant sur le type que le contenu ou la durée des essais.

Des implications en pratique clinique

Il n’empêche que ce travail a des implications importantes pour les médecins et les décideurs en matière de santé publique. Bien qu’efficaces surtout en cas de poids excessif, ce type d’actions peut être aussi bénéfique chez la minorité de sujets à poids normal mais présentant une NAFLD. Les recherches futures devront préciser les résultats à long terme, suivre, non seulement des populations d’adultes mais aussi d’adolescents et d’enfants, eu égard à l’augmentation nette de la prévalence de l’obésité dans ces tranches d’âge.

En conclusion, les interventions visant à une perte de poids sont associées à un gain, statistique et clinique, des biomarqueurs hépatiques, à court terme, chez les individus présentant une NAFLD. Ceci implique de modifier les recommandations actuelles et la pratique clinique quotidienne en cas de NAFLD.

Dr Pierre Margent

Référence
Koutoukidis D et coll. : Association of Weight Loss Interventions with Changes in Biomarkers of Non Alcoholic Fatty Liver Disease. JAMA Intern Med., 2019, publication avancée en ligne le 1er juillet. doi: 10.1001/jamainternmed.2019.2248.

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