La stimulation transcrânienne à courant continu, un bon traitement d’appoint de la dépression ?

Vu l’impact humain et financier de la dépression à l’échelle mondiale, de nouvelles approches sont recherchées, comme alternatives ou traitements d’appoint aux médicaments antidépresseurs. Dans cette optique, la stimulation magnétique transcrâniale et la stimulation transcrânienne à courant continu[1] (STCC) sont deux techniques prometteuses.

Partant du constat que le cortex préfrontal dorsolatéral est une aire cérébrale où « l’activité métabolique augmente lorsqu’un traitement antidépresseur est efficace », la STCC et la stimulation magnétique sont généralement appliquées au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral, en pratique au moyen d’électrodes placées sur le cuir chevelu.

La STCC fait précisément l’objet d’un essai clinique contrôlé, réalisé à l’Hôpital universitaire de São Paulo (Brésil) et portant sur 59 adultes (âge moyen : 46 ans, avec 68 % de femmes) sous « traitement antidépresseur stable contre un épisode dépressif majeur », dans le cadre d’un trouble bipolaire de type I (61 % des cas) ou de type II (39 %). La STCC a été délivrée de façon quotidienne cinq jours par semaine (avec arrêt le week-end) pendant six semaines, sous forme de courant continu (à 2 milliampères) délivré lors de sessions de 15 ou 30 secondes chacune, étalées sur trente minutes.

Efficace, sûr et bien toléré…

L’anode était placée à gauche et la cathode à droite, les patients pouvant « se reposer confortablement, lire ou utiliser leur smartphone » durant ces séances de STCC, mais ils « ne devaient pas s’endormir », sans doute pour que la chute de vigilance ne constitue pas un biais ou un facteur confondant.

Cette étude suggère que la STCC représente une « intervention efficace, sûre et bien tolérée » (sans effet indésirable, à l’exception d’une « rougeur localisée de la peau » plus marquée dans le groupe traité). La STCC serait donc susceptible d’être associée aux traitements antidépresseurs habituels. Si le faible effectif de patients concernés par cet essai thérapeutique ne permet pas de tirer des conclusions plus générales, cette étude apporte toutefois des indices encourageants pour envisager des travaux ultérieurs évaluant « l’efficacité de la STCC dans un échantillon de population plus vaste. »

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Stimulation_transcranienne_courant_direct

Dr Alain Cohen

Référence
Sampaio-Junior B et coll.: Efficacy and safety of Transcranial Direct Current Stimulation as an add-on treatment for bipolar depression: A randomized clinical trial. JAMA Psychiatry, 2018; 75: 158–166.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (5)

  • Messmerisme à la nouvelle mode ?

    Le 12 avril 2018

    Déjà au 18e siècle, Messmer a guéri nombre d'hystériques grâce à ses "baquets" électriques.

    Que le courant soit continu ou pas? Je n'ai jamais lu, jusqu'à présent une quelconque étude sérieuse, c'est à dire de biophysique et/ou d'électrophysiologie, sur ces topiques.

    Par ailleurs, le ridicule de l'appellation stimulation "magnétique" transcrâniale évoque immédiatement ma suspicion de scientifique "étroit et intolérant": soit le crâne du sujet est placé dans un champ magnétique constant et dans ce cas il s'agit d'une aimantation statique de type IRM ou champ magnétique terrestre, soit le champ est variable dans le temps (alternatif je suppose) et il s'agit d'une stimulation électrique banale, de type émetteur radio.

    Le terme "magnétique", dans ce dernier cas, est tout simplement faux sur le plan de la physique ; le terme exact est électromagnétique .
    Si la composante électrique du champ est connue pour agir sur les dépolarisations membranaires et autres phénomènes de propagation de l'influx nerveux, l'action de la composante magnétique est plus qu'hypothétique; au mieux, les forces de Laplace engendreraient des courants électriques ; quant au reste (action directe de la composante magnétique non stationnaire du champ) une hypothétique action relèverait de la présence de magnétosomes dans certains neurones.

    Tout celà d'ailleurs, dépend non tant de l'intensité que de la fréquence de l'onde.

    Stimulation "magnétique"? Cette sémantique fleure bon la psychiatrie pour Marie chantal.

    Pour fabriquer un appareil à STCC: une batterie, quelques fils branchés à icelle, et des électrodes (des bouts de ferraille) au bout des fils.

    Pour fabriquer un appareil à stimulation "magnétique" transcranienne: une bobine de fil(solénoïde), un aimant à l'intérieur que l'on met en rotation grâce à une manivelle ou un moteur, des fils reliés à la bobine, des électrodes à l'extrémité de ces fils.

    Nombre de ces appareils sensés "tout guérir" furent commercialisés dès le 19e siècle......

    Les "stimulations" continues ou alternatives dont il est fait état seraient t-elles autre chose que la n ième réédition de la croyance electro magnéto thérapique ? Du messmerisme à la nouvelle sauce?

    Dr Yves Darlas

  • Ne méprisons pas la "psychiatrie pour Marie-Chantal"!

    Le 13 avril 2018

    Je vous trouve bien sévère à l'encontre de cette recherche, publiée tout de même dans un périodique (à comité de lecture) très réputé. Je pense au contraire que nous ne connaissons pas tout en matière d'effet des ondes, champs ou courants (magnétiques, électriques ou électromagnétiques) sur le cerveau (et donc sur le psychisme).

    D'autre part, si "la psychiatrie pour Marie-Chantal" (merci, Jacques Chazot!) peut marcher comme traitement d'appoint, avec moins d'effets latéraux que la chimie, pourquoi la rejeter systématiquement ? Dans votre critique, vous oubliez toutefois ce qui me semble le meilleur argument contre cette étude: le faible nombre de cas.

    Dr Alain Cohen

  • Les causalités d'abord (Réponse au Dr Cohen)

    Le 13 avril 2018

    Je ne m'intéresse pas aux stastistiques épidémiologiques dans ce domaine, qui reviennent à dire que "le lit tue" ou que "respirer donne la tuberculose" (quelle que soit la "lexicologie" , je devrais même dire la "jargonophasie",pompeuse et vide de sens, à la mode).

    Quant à prétendre que "nous ne connaissons pas tout en matière d'effet des ondes, champs ou courants (magnétiques, électriques ou électromagnétiques) sur le cerveau (et donc sur le psychisme), c'est un truisme qui masque l'ignorance scientifique de ceux qui l'énoncent (les parapsychologues et autres charlatans ont beau jeu de dire "la science ne connait pas tout").

    Je constate seulement que l'on (enfin ceux qui veulent bien s'y pencher en profondeur) en sait très long sur l'interaction des ondes électromagnétiques et de la matière, y compris vivante, celle-ci n'étant qu'un système physico chimique comme les autres; mais évidemment, il faut s'intéresser aux sciences fondamentales dont évidemment la physique, et/ ou aborder la clinique dans un esprit causal (ce qu'on fait les grands cliniciens du passé).

    Vie (a minima) ="système chimique ouvert autoréplicatif soumis à une sélection darwinienne"( c'est à dire au principe physique de moindre action, par exemple) ; il n'y a rien d'original dans un système vivant, si ce n'est qu'il est thermodynamiquement "ouvert".

    Je vous incite à revisiter les textes médicaux du 19e siècle sur les traitement des maladies nerveuses par l'électricité (tout a été essayé: courant continu, alternatif, pulsé etc...) ou de vous offrir une agréable et instructive promenade au musée de la médecine en face de Paris VI : vous y trouverez une belle collection d'appareils d'électrothérapie médicale (il existe parait t-il d'autres collections similaires à Vienne par exemple).

    Hormis la sismothérapie (dont les amplitudes sont d'un autre ordre de grandeur que les "stimulations" à la mode), l'action antalgique des poissons torpilles (gate control, utilisée depuis l'antiquité), et les modes d'exécution US, je ne connais rien de physiquement causal quant à "l'action sur le psychisme .

    Moins d'effets secondaires biologiquement iatrogènes?
    Sans aucun doute, mais dans ce cas, admettons, qu'il s'agit surtout d'une psychothérapie et non d'une action physico chimique induite par un agent physique.

    Mais si vous me dénichez des études sérieuses, fondamentales, avec équations, schémas, Faraday, Maxwell et tout le toutim, explicitant un tant soit peu l'action thérapeutique de ces champs electro magnétiques sur le système nerveux, je suis prêt à changer de point de vue.

    Quant au nombre de cas? "L'individu n'a que faire de la loi des grands nombre" (Claude Bernard). "La loi des grands nombres est toujours exacte en général et fausse en particulier" (Henri Poincaré)

    Dr Yves Darlas


Voir toutes les réactions (5)

Réagir à cet article