La vaccination contre le rotavirus pourrait sauver tous les ans des centaines de milliers d’enfants

Les rotavirus sont la première cause de gastro-entérites infantiles. Si, dans les régions développées ces infections très fréquentes ne sont responsables que d’une mortalité limitée, il n’en est pas de même dans les pays pauvres où selon l’OMS elles sont en cause dans plus de 500 000 décès chaque année, soit environ un tiers des morts infantiles par diarrhée.

Pour prévenir ces infections, outre les mesures d’hygiène élémentaires, on dispose depuis 2006 de deux vaccins vivants atténués qui ont fait la preuve de leur efficacité préventive chez les nourrissons des pays développés.

Bien que l’OMS recommande d’inclure ces vaccins dans le calendrier vaccinal des pays en voie de développement, on manquait jusqu’ici de travaux démontrant formellement l’intérêt vital de cette vaccination dans cet environnement. Deux études qui viennent d’être publiées dans le New England Journal of Medicine comblent en partie cette lacune.

La première, conduite en Afrique du Sud et au Malawi, a montré que le vaccin monovalent Rotarix diminuait significativement la fréquence des infections graves à rotavirus durant la première année de vie, puisqu’elle est passée de 4,9 % (groupe placebo) à 1,9 % avec le vaccin (1).

Une baisse de la mortalité infantile par diarrhées de 35 %

La seconde étude réalisée au Mexique s’est attaquée à une question plus difficile, l’impact de l’introduction de ce vaccin dans le calendrier vaccinal en 2006 sur la mortalité par diarrhée (2). Vesta Richardson et coll. ont comparé le nombre de décès par diarrhées chez les enfants de moins de 5 ans en 2008 (époque à laquelle 74 % des nourrissons de moins de 11 mois étaient vaccinés) et dans les années 2003-2006 avant la commercialisation du vaccin. Entre ces deux périodes une diminution de 35 % de la mortalité imputée aux diarrhées a été constatée (passage de 1 793 décès annuels à 1 118, intervalle de confiance à 95 % entre – 29 et – 39 % ; p<0,001). La réduction de la mortalité a été particulièrement nette (- 41 %) chez les enfants de moins de 11 mois (qui avaient pu bénéficier directement de la vaccination) mais est demeurée significative (-29 %) dans la tranche d’âge 12 à 23 mois (où la plupart des enfants n’avaient pas été vaccinés) ce qui est en faveur d’un effet favorable de la vaccination sur la circulation du virus dans la population.

Encore des obstacles à franchir

Ce type d’études, utilisant une comparaison historique pour mesurer l’impact du vaccin, a bien sûr ses limites. On ne peut affirmer en particulier que les épidémies de gastro-entérites à rotavirus ont été équivalentes au cours des années ayant donné lieu à comparaison, ni qu’une partie de l’amélioration observée n’est pas liée à une meilleure prise en charge des diarrhées infectieuses au fil du temps. L’écrêtement des pics de décès par diarrhées durant la saison habituelle des épidémies de rotavirus au Mexique après l’introduction du vaccin est à l’inverse un argument supplémentaire en faveur du rôle réel de la vaccination dans cette diminution de la mortalité.

Malgré les restrictions méthodologiques inhérentes à ce genre d’études, ce travail renforce la conviction de ceux qui, comme l’OMS, prônent une généralisation de cette vaccination dans tous les pays en voie de développement.

Mais comme le rappelle l’éditorialiste du New England Journal of Medicine, un tel objectif se heurte encore à plusieurs obstacles :

- Difficultés de gestion d’une chaîne du froid efficace pour assurer la distribution du vaccin dans des pays pauvres.
- Nécessité dans l’état actuel des connaissances de vacciner avant la 32ème semaine pour éviter les risques d’invagination intestinale aiguë (de nouvelles études devraient confirmer ou infirmer la réalité de ce danger avec les vaccins actuels).
- Risque d’infection prolongée à rotavirus chez les enfants HIV positifs vaccinés.
- Coût du vaccin (cette difficulté semblant pouvoir être contournée grâce à des fonds internationaux).

Sous réserve de la résolution de ces problèmes, dont aucun ne semble insurmontable, une généralisation à tous les pays pauvres de la vaccination contre le rotavirus pourrait permettre de sauver près de 500 000 enfants chaque année dans le monde. 

Dr Laurence Terrasse

Références
1) Madhi S et coll. : Effect of human rotavirus vaccine on severe diarrhea in African infants. N Engl J Med 2010; 362: 289-98.
2) Richardson V et coll.: Effect of rotavirus vaccination on death from childhood diarrhea in Mexico. N Engl J Med 2010; 362: 299-305.
3) Santosham M. Rotavirus vaccine. A powerful tool to combat deaths from diarrhea. N Engl J Med 2010; 362: 358-360.

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Vos réactions (3)

  • Après l'échec "commercial" du H1N1

    Le 02 février 2010

    Rotavirus? Pourquoi pas Shigella, Astrovirus, Campylobacter..
    Apres l'échec "commercial" du H1N1 l'Officine OMS est-elle chargée de nous proposer un nouveau produit ?
    On attend, avec impatience,l'indispensable vaccin planetaire contre les verrues plantaires...

    Dr G. Robert

  • Encore un vaccin

    Le 02 février 2010

    Et si tout bonnement, pour les enfants de ces pays là, on essayait de leur apprendre à améliorer leurs conditions de vie, à ne pas boire de l'eau contaminée, à avoir quelques notions basiques d'hygiène, et une bien meilleure nutrition, combien de vie sauverions nous ?

    Cathy Gaches

  • Le produit sera périmé avant d'arriver

    Le 05 février 2010

    On a de la peine à adopter un vaccin contre une maladie qui, dans les pays développés, ne cause presque pas de mortalité, dont le traitement est bien codifié et dont l'immense majorité des victimes s'en sort avec quelques jours de maladie bénigne.
    Dans les pays du tiers-monde, la donne est différente et les incantations en faveur de l'éducation et de la fourniture d'eau potable sont bien typiques de nos raisonnements de citoyens du monde développé: Nyaka!
    Problèmes: 1) Le Rotavirus ne cause qu'une partie de la mortalité. Je vois mal les populations se ruer sur un vaccin pour voir une grande partie des enfants tomber malades quand même.
    2) Fourniture: à moins d'organiser des convois gérés de manière occidentale (camions réfrigérés, équipes habituées à la chaîne du froid, gestion pointue des stocks), le produit sera périmé avant d'arriver aux destinataires.
    3) Qui va payer tout ça ? Les pharmas ? Les états développés? Laissez-moi rire...

    Jean-François Babel

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