La ville se lèvera-t-elle contre la médecine sans médecin ?

Paris, le mercredi 19 octobre 2022 – Le CLIO (Comité de liaison inter-Ordres) qui regroupe les différents Ordres des professions de santé et le ministère de la santé a émis un communiqué qui met le feu aux poudres.

Dans celui-ci, constatant que la France s’enfonce dans une crise de l’accès aux soins, ces organismes dont le Conseil de l’Ordre des médecins suggèrent de renforcer et d’accélérer les délégations de tâches et de compétences.

Ils proposent ainsi « d’améliorer l’accès au médecin traitant en développant le partage d’actes et d’activités entre médecins et autres professionnels de santé » et d’accélérer « la mise en œuvre des mesures existantes en faveur de l’élargissement des missions des professionnels de santé » non-médecins. Dans les territoires les plus sous-dotés en médecin, les ordres vont jusqu’à vanter un modèle où le premier recours (« orientation et prise en charge de première intention ») serait assuré par les « autres professionnels de santé ».

A quelques jours de l’ouverture des négociations conventionnelles, pour les syndicats de médecins libéraux cela sonne comme une déclaration de guerre, alors que le PLFSS ne prévoit un ONDAM pour la ville que de 2,9 % dans un contexte d’inflation à 6 %.

Remplacer les médecins plutôt que lui permettre d’exercer


La branche généraliste de la CSMF écrit : « le choix a donc été fait de remplacer le médecin traitant par d’autres professionnels de santé plutôt que de lui permettre de prendre en charge plus de patients » en développant les pratiques avancées et les assistants médicaux.

MG France fulmine : « au lieu de chercher à renforcer l'attractivité du métier de médecin généraliste traitant, le gouvernement utilise la communication commune de l'Ordre des Médecins avec celui des Pharmaciens, des Infirmiers, des Kinés, des Sages-Femmes notamment pour nier ses fonctions, son utilité et ses compétences (…). Constatant que certains patients n'ont pas d'accès à un médecin traitant, et plutôt que de travailler à ce qui pourrait faciliter cet accès, le gouvernement prétend apprendre à la population la manière de s’en passer ».  

Mobilisation tous azimuts


Le syndicat les généralistes-CSMF conclut : « les perspectives noires annoncées, qui visent à faire perdurer le mépris de notre gouvernement envers les médecins traitants et à réorganiser progressivement des parcours de santé sans eux, ne verront pas le jour si tous ces médecins répondent présents à un appel à la mobilisation dans le cadre d’une unité syndicale ».

Cet appel résonne d’une façon particulière alors qu’une proposition de grève a été lancée pour le 1er décembre par une coordination informelle sur les réseaux sociaux afin d’obtenir la revalorisation de la valeur de la consultation de base à 50 euros.

Ce groupe Facebook issu du populaire « divan des médecins » baptisé les « médecins pour demain » réunit désormais près de 7 000 médecins libéraux.

Reste à savoir si ces protestataires passeront la frontière qui sépare l’internet du réel…

Xavier Bataille

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Vos réactions (3)

  • Vous avez dit attractivité ?

    Le 20 octobre 2022

    Il y a deux sortes d'attraits pour la profession médicale : pour l'argent et pour la médecine.
    Certes la multiplication des actes sans enjeu, peu difficiles et vite exécutés, est un moyen essentiel pour gagner de l'argent. Il s'agit certes d'activités sanitaires, mais ce n'est certainement pas un moyen de mettre en jeu les compétences et les responsabilités que requiert la médecine.
    L'attractivité de la médecine véritable doit reposer sur une montée en gamme du métier, qui se réserve les actes à haute valeur ajoutée et qui délègue à d'autres les soins courants. Ces actes réellement médicaux pourront ainsi être peu nombreux, donc plus lents et plus efficients, et surtout bien plus fortement rémunérés.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Glissement de tâches

    Le 23 octobre 2022

    Il y a un demi siècle, les autorités chinoises, en pénurie de médecins, ont inventé les "officiers de santé ". Formés en 2 ans, ils faisaient de la médecine de campagne, dans des dispensaires situés dans des déserts médicaux. Le système a-t-il perduré ? Je l'ignore. L'idée effleure t'elle les autorités françaises ?

    Dr B Hazon

  • Médecine de ville sans médecin ?

    Le 06 novembre 2022

    Le titre est annonciateur ! Si on parle de médecine sans médecin c’est non pour moi !
    Mais si on recommence à monter les médecins contre leurs collaborateurs (par exemple les infirmières) c’est encore du diviser pour mieux régner ! Travailler ensemble pour une bonne prise en charge des usagers en santé on le fait depuis des années ! Des solutions de travail en coopération, il y en a. Cadrer chacun dans son rôle : pas de soucis chers médecins. Mais travailler sans partenariat (médecin-infirmiers) on sait bien que c’est impossible.
    Et si vous engagiez les discussions avec les syndicats paramédicaux au lieu de rester médicaux centrés ? Il me semble que tout le monde aurait à y gagner... et surtout la prise en charge des patients.
    L’argent c’est indispensable (consult à 50 € la société vous le doit ok) mais derrière si les soins sont fait par des sous-formés, nous allons tous perdre en qualité de prise en charge.
    Ensemble réfléchissons intelligemment et au delà des coûts ! Ne laissez pas les infirmiers seuls affronter une baisse de leurs revenus car autrement demain la France manquera de médecin mais aussi d’infirmiers. Qui prendra soins des patients? Usagers ?

    M-C Milhau, Infirmière au service de la qualité des prises en charge,ensemble

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