L’accès direct aux IPA inquiète des médecins

Paris, le mercredi 21 décembre 2022 – Les syndicats de médecins libéraux et le CNOM s’inquiètent d’une proposition de loi de la majorité visant à permettre l’accès direct aux infirmières de pratique avancée (IPA).

Les syndicats de médecins libéraux sont sur tous les fronts en ce moment. Bien sûr, ils sont engagés dans des négociations conventionnelles tendues avec l’Assurance maladie en vue de l’élaboration de la future convention médicale. Certains d’entre eux multiplient également les appels à la grève en cette fin d’année pour obtenir une hausse du tarif de la consultation. Mais un autre combat les préoccupe également : le maintien du rôle central du médecin traitant et la lutte contre l’accès direct aux professions paramédicales.

Les hostilités ont été lancés par le Dr Stéphanie Rist, députée et spécialiste des questions de santé au sein du parti présidentiel Renaissance, qui a déposé le 18 octobre dernier une proposition de loi « portant amélioration de l’accès aux soins ». Comme indiqué dans l’exposé de ses motifs, cette proposition de loi reprend les conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de novembre 2021 sur l’accès direct et vise à « trouver des solutions à très court terme face à une offre de soins médicaux insuffisante ».

Le CNOM clairement opposé à l’accès direct aux IPA

Le Dr Rist propose ainsi de permettre l’accès direct aux infirmières en pratique avancée (IPA) « dans le cadre d’un exercice coordonné » et surtout de leur ouvrir la primo-prescription, avant même donc que le patient ait vu un médecin. La proposition de loi prévoit également de créer deux types d’IPA, les infirmiers spécialisés et les infirmiers praticiens, les seconds pouvant « intervenir en première ligne sur des pathologies courantes identifiées comme bénignes en soins primaires ». Enfin, la proposition de loi créé également un accès direct aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes et créé la profession d’assistant en médecine bucco-dentaire.

Si cette proposition de loi du Dr Rist a été logiquement bien accueillie par l’Ordre des infirmiers, qui a « salué une initiative pour favoriser l’attractivité et la reconnaissance de la profession infirmier », elle a revanche été vécue comme une véritable déclaration de guerre par certains médecins. Le 24 novembre dernier, le Conseil de l’Ordre des Médecins (CNOM) a ainsi fait part de son opposition à toute possibilité d’accès direct aux IPA. « Même s’il existe des difficultés d’accès aux médecins, l’entrée dans le système de soins doit se faire par le médecin, tout doit être organisé pour que le patient voie le médecin » a lancé le Dr François Arnault, président du CNOM.

Une manière pour l’ORL de clarifier sa position, alors que le Comité de liaison inter ordre (Clio), qui rassemble les sept ordres des professionnels de santé, s’était récemment déclaré favorable au « développement des partages d’actes et d’activités entre médecins et professionnels de santé et à l’élargissement des transferts d’activité ».

Le SML s’insurge contre un « exercice illégal de la médecine »

Cette prise de parole du président du CNOM n’a semble-t-il pas convaincu le Syndicat des médecins libéraux (SML) qui lui demande ce jeudi dans une lettre ouverte son positionnement claire sur la proposition de loi du Dr Rist. Pour le syndicat, la primo-prescription par un IPA s’assimile ni plus ni moins à un « exercice illégal de la médecine ».

« Il s’agirait bien dans ce cas de professionnels de la santé infirmiers qui dépassent les limites de leur compétences et activités et pratiquent des actes réservés aux médecins » écrit le syndicat, avant de rappeler les peines encourues pour ce délit (rappelons cependant qu’en droit, il n’y a pas d’infraction punissable si le fait commis est autorisé par la loi). « Quel serait pour le CNOM la responsabilité de chacun, médecin et infirmier dans ce nouveau cadre ? » demande enfin le SML.

La question inquiète également le syndicat MG France, très attaché au statut du médecin traitant. Alors que le syndicat se place pour l’instant globalement en retrait des divers appels à la grève lancés en cette fin d’année par des syndicats plus « radicaux » (SML, UFML…), sa présidente le Dr Agnès Giannoti a prévenu que « si la proposition de loi Rist passe, il est probable qu’il y ait d’autres modalités d’action ».

Les inquiétudes des médecins libéraux seront-elles entendues par les députés ? Réponse à partir du 16 janvier, avec le début de l’examen de la proposition de loi Rist à l’Assemblée Nationale.

Quentin Haroche

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