L’Agence de biomédecine contrainte d'exporter le sperme congelé d’un homme âgé... mais poursuit son combat judiciaire

Pablo Picasso, 66 ans, avec son fils Claude

Paris, le jeudi 8 juin 2017 – Le 17 février dernier, le tribunal administratif de Montpellier enjoignait l’Agence de biomédecine à réexaminer la demande d’un couple souhaitant accéder à l’Assistance médicale à la procréation (AMP). La femme, âgée de 33 ans, présente une faible réserve ovarienne, ce qui fut en 2013 à l’origine d’une première demande d’AMP. Son époux est aujourd’hui âgé de 69 ans. A l’occasion des premiers examens réalisés sur lui dans le cadre de l’AMP, des polypes ont été détectés. Une intervention est pratiquée et le sperme de Luigi est congelé. Peu de temps après la fin de sa convalescence, le couple espère pouvoir réaliser son souhait de devenir parents. Mais les praticiens observent leur projet avec circonspection et mettent en avant l’âge (et la santé) de Luigi pour s’y opposer. L’accueil est différent en Belgique où les deux époux rencontrent une équipe acceptant de les aider à concrétiser leur rêve. Mais un nouvel obstacle se dresse devant eux : l’Agence de biomédecine refuse d’accorder l’exportation des gamètes. Comme sur de nombreux autres sujets, l’Agence se refuse à permettre à l’étranger un acte réprouvé en France. Cependant, l’absence de réglementation concernant la limite de l’âge paternel amoindrit quelque peu la portée du raisonnement de l’Agence, qui se voit taclée par le tribunal administratif de Montpellier.

Pas de caractère suspensif de l’appel… en raison de l’âge de Luigi !

L’Agence choisit alors de faire appel, mais le 24 avril, la cour administrative de Versailles rejette sa demande de sursis à exécution, en raison, notamment, de l’âge de Luigi ! Aussi, l’institution vient-elle d’accepter d’organiser le transfert du sperme congelé en Belgique ; rendez-vous vient d’être pris pour que cette démarche soit réalisée. Si c’est un soulagement pour le couple, la procédure judiciaire pour sa part n’est pas achevée. L’Agence de biomédecine maintient son appel et espère obtenir « une clarification des règles applicables en matière d’AMP ». 

Des raisons médicales et éthiques pour s’opposer aux paternités tardives… par PMA

La « clarification » cependant ne pourra venir que d’un texte législatif ou réglementaire. S’ils peuvent reconnaître le bien fondé de telle ou telle décision médicale, les juges ne pourront en effet jamais interdire à des familles de faire valoir devant les tribunaux l’imprécision de la loi sur différents points. Les attitudes suivies par un nombre croissant de spécialistes de l’infertilité ne sauraient avoir une valeur contraignante.

On rappellera néanmoins qu’aujourd’hui selon une enquête réalisée par le Comité national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) en 2016, une majorité de centres de procréation applique une limite tacite à l’âge du père fixée à 60 ans. Il apparaît cependant qu’en fonction de l’âge des praticiens et biologistes impliqués, l’appréciation peut être différente : les plus âgés se montrant, on s’en doute, plus enclins à l’indulgence face à des futurs papas grisonnants.

Selon des spécialistes, l’application d’une "limite" ne tient pas uniquement à des considérations "éthiques" sur l’espérance de vie des pères en devenir, mais également sur les risques pour l’enfant à venir. « Il est établi que les taux de succès après insémination et fécondation in vitro sont moins bons lorsque le père est âgé. (…) Les répercussions d’une paternité tardive sur le risque de malformations fœtales sont démontrées mais modérées » relève le CNGOF. Pour autant, quand en dehors de toute PMA, des paternités tardives sont possibles (avec leur lot de risques et leurs dilemmes éthiques) certaines argumentations sont difficiles à soutenir face aux couples (si ce n’est celle de la question du coût).

Aurélie Haroche

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