
Craint par les épidémiologistes depuis deux ans, le risque
d’une double épidémie grippe/Covid-19 semble désormais réel. Alors
que le respect des gestes barrières a fortement reculé et que les
contaminations par SARS-CoV-2 étaient jusqu’à il y a peu en hausse
(autour de 56 000 tests positifs par jour actuellement), l’hiver
prochain pourrait être le théâtre de cette double contagion qui
mettrait les services hospitaliers à rude épreuve. C’est dans ce
contexte inquiétant qu’est lancée ce mardi la campagne annuelle de
vaccination contre la grippe saisonnière.
Sont éligibles à la vaccination les sujets de plus de 65 ans,
les femmes enceintes, les obèses, les personnes à risque de forme
grave en raison de comorbidités et les professionnels de santé. Le
vaccin sera réservé à ce public prioritaire jusqu’au 15 novembre. A
compter de cette date, toute personne pourra se faire vacciner mais
à ses frais si elle ne fait pas partie du public cible.
Médecins, pharmaciens, infirmiers et sage-femmes sont
habilités à administrer le vaccin. Lors de la précédente campagne
de vaccination, 56,8 % des plus de 65 ans et 34,3 % des moins de 65
ans éligibles s’étaient faits vacciner, des chiffres en progression
mais jugés insuffisant.
La HAS recommande la double vaccination
Plusieurs éléments laissent craindre que l’épidémie de grippe
de l’hiver 2022-2023 soit particulièrement rude. Tout d’abord,
l’épidémie a été assez sévère dans l’hémisphère sud lors de l’hiver
austral, notamment en Australie où plus de 300 personnes sont
décédées. Ensuite et surtout, les confinements et les gestes
barrières ont permis de réduire fortement la circulation des virus
grippaux lors des deux précédents hivers, ce qui a altéré
l’immunité naturelle de la population.
La vaccination contre la grippe saisonnière démarre 15 jours
après le lancement d’une campagne de vaccination de rappel contre
la Covid-19. Les publics cibles sont quasiment les mêmes, à une
incongruité près, puisque les personnes âgées de 60 à 64 ans (soit
plus de 4 millions de personnes) sont éligibles à une dose de
rappel contre la Covid-19 mais pas à la vaccination
antigrippale.
Les deux campagnes devaient au départ être lancées le même
jour pour plus de lisibilité, mais le rebond épidémique de la
Covid-19 a incité les autorités à avancer la campagne
d’immunisation contre cette maladie. La Haute Autorité de Santé
(HAS) recommande de recevoir les deux vaccins concomitamment si
possible mais le ministère de la Santé reconnait « qu’un certain
nombre de concitoyens ont des réticences malgré l’absence avérée de
risque ».
Doute sur l’efficacité accrue des vaccins bivalents
Particularité de cette nouvelle campagne de vaccination contre
la Covid-19, l’arrivée sur le marché de nouveaux vaccins dits
bivalents qui ciblent spécifiquement les sous-variants d’Omicron.
Développés par les laboratoires américains Pfizer et Moderna, ces
vaccins ont été validés par l’Agence européenne du médicament (EMA)
et la HAS.
Pourtant, le 11 octobre dernier, l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) a annoncé dans un communiqué que l’efficacité accrue de
ces vaccins bivalents par rapport aux précédents vaccins contre la
Covid-19 n’était pas démontrée. Aucune étude clinique n’a en effet
été réalisée sur ces vaccins ciblant en partie le variant BA5
(actuellement majoritaire en France) et les données en laboratoire
n’ont montré qu’une « neutralisation légèrement supérieure du
variant Omicron » selon Joachim Hombach, secrétaire exécutif du
groupe d’experts qui conseillent l’OMS.
« Nous ne pouvons pas associer ces mesures de laboratoire à
une augmentation de la protection » assure Joachim Hombach, qui
conclut que « les données actuellement disponibles ne sont pas
suffisantes pour étayer l’émission d’une recommandation en faveur
des doses de rappel contenant des vaccins bivalents ». Une
déclaration de l’OMS qui ne fait que complexifier encore un peu la
situation sur le front vaccinal.
Grégoire Griffard