
Boston, le jeudi 13 avril 2023 – Plusieurs experts, dont le directeur scientifique de Moderna, estiment que des vaccins à ARNm contre les cancers et certaines maladies cardiaques pourraient être développés au cours de la décennie.
C’est l’un des rares effets positifs de la pandémie de Covid-19 : cette grave crise sanitaire a fait faire un bond de géant à l’utilisation de la technologie de l’ARN messager dans l’élaboration de vaccins. Ce qui n’était il y a trois ans qu’une technologie certes prometteuse mais inutilisée a finalement permis d’élaborer rapidement des vaccins efficaces contre la Covid-19, qui ont été administrés à des milliards de personnes et ont permis de sauver de très nombreuses vies. « Des avancées qui auraient pu être obtenus en 15 ans de recherche l’ont été en seulement 18 mois » commente le Dr Richard Hackett, président de la coalition pour les innovations en matière de préparation aux pandémies. Les experts de l’ARNm l’assurent : la Covid-19 n’était qu’un début et cette technologie va permettre d’élaborer des vaccins contre de nombreuses maladies inaccessibles à la prévention.
Cancer, maladies infectieuses ou cardiovasculaires : l’ARNm n’aurait pas de limites
C’est notamment le message d’espoir que veut faire passer le Dr Paul Burton, directeur scientifique du laboratoire américain Moderna, qui a élaboré l’un des deux vaccins à ARNm massivement utilisé durant la pandémie. « Nous aurons bientôt un vaccin contre le cancer, qui sera très efficace et il sauvera des centaines de milliers, peut être des millions de vies. Je pense que nous pourrons proposer des vaccins contre différents types de tumeurs » explique-t-il dans un entretien accordé au journal britannique The Guardian samedi dernier.
Le Dr Burton évoque plus en détail comment ce vaccin anticancéreux « personnalisé » fonctionnerait. Le patient bénéficierait d’abord d’une biopsie de sa tumeur, afin que qu’elle puisse être analysée génétiquement pour identifier ses mutations. Cela permettra de déterminer quels types de protéines sont induits par ces mutations puis d’élaborer un vaccin à ARNm qui permettra au système d’immunitaire « d’apprendre » à produire ces protéines et à déclencher une réaction immunitaire contre la tumeur.
A écouter le Dr Burton, la technologie de l’ARNm est presque sans limites et pourra être utilisée dans un futur proche pour toutes sortes de maladies. « On peut l’utiliser contre le cancer, les maladies infectieuses, les maladies cardiovasculaires, les maladies auto-immunes. Je pense que nous aurons des thérapies à ARNm pour les maladies rares et incurables et que dans dix ans, nous serons capables d’identifier les causes génétiques d’une maladie et, de manière relativement simple, d’aller modifier et réparer cette cause grâce à l’ARNm » promet (un peu rapidement) le Dr Burton.
Des vaccins à ARNm contre le mélanome et le VRS déjà à l’étude
Ces vaccins à ARNm contre d’autres maladies que la Covid-19 sont déjà presque une réalité. La FDA (l’agence américaine du médicament) a déjà commencé à évaluer pour une éventuelle autorisation deux vaccins à ARNm développés par Moderna, l’un contre le VRS (efficaces à 83,7 % chez les personnes de plus de 60 ans selon le laboratoire), un autre contre le mélanome. Par ailleurs, son concurrent américain Pfizer a annoncé avoir commencé à élaborer des vaccins à ARNm contre la grippe et le zona, toujours en collaboration avec la firme allemande BioNTech. Rappelons d’ailleurs que depuis août dernier, les deux géants américains de l’ARNm sont en conflit devant la justice, Moderna accusant Pfizer de lui avoir « volé » la technologie de l’ARNm.
Finalement, les experts s’accordent à dire que la seule chose qui pourrait retarder l’élaboration de vaccins à ARNm serait un manque d’investissement financier. « Quand vous regardez combien d’argent est investi en temps de paix dans l’armée par rapport à la lutte contre les pandémies : nous n’investissons même pas autant d’argent que pour construire un seul sous-marin nucléaire » se désole le Pr Andrew Pollard, président du comité britannique sur la vaccination.
On notera tout de même qu’au vu des profits mirobolants réalisés par Pfizer et Moderna grâce à leurs vaccins contre la Covid-19, il est peu probable que le secteur de l’ARNm manque de moyens ces prochaines années.
Grégoire Griffard