
Vancouver, le vendredi 3 mars 2023 – Deux entreprises canadiennes ont reçu l’autorisation du gouvernement fédéral de produire et vendre de la cocaïne.
En France, depuis quelques semaines, l’affaire Pierre Palmade a mis en lumière les dangers de la cocaïne, une drogue de plus en plus consommée en France, poussant le gouvernement a annoncer de nouvelles mesures répressives, tel que la suspension de permis automatique pour les personnes prenant le volant sous l’emprise de stupéfiants. Très loin de là, dans la province canadienne de la Colombie-Britannique (sur la côte Pacifique du pays), c’est une méthode totalement différente que les autorités canadiennes ont choisi pour lutter contre ce fléau. Le ministère fédéral canadien de la Santé vient en effet d’autoriser deux sociétés, Adastra Labs et Sunshine Earth Labs à « légalement posséder, produire, vendre et distribuer de la feuille de coca et de la cocaïne » dans la province.
L’usage de drogues dures dépénalisé
Une décision qui intervient un mois après l’entrée en vigueur, le 31 janvier dernier, d’une loi dépénalisant la possession et l’usage de certaines drogues dures dans la région. Désormais et pour une durée de trois ans, un individu arrêté avec en sa possession « 2,5 grammes ou moins de certaines substances illicites pour son usage personnel ne sera plus arrêtée, inculpée et sa marchandise ne sera pas saisie. Au lieu de cela, la police fournira des informations sur les services de santé et les services sociaux disponibles et aidera à orienter les personnes qui en feront la demande » a expliqué la ministre fédéral de la Santé Carolyn Bennett. Les drogues dépénalisées sont, outre la cocaïne, la métamphétamine, la MDMA, l’héroïne, la morphine et enfin le fentanyl, un opioïde extrêmement puissant très en vogue chez les toxicomanes canadiens et américains.
La dépénalisation de la consommation des drogues dures, également en vigueur au Portugal depuis 2001 et dans l’Oregon voisin du Canada depuis 2020, vise à adopter une stratégie résolument sanitaire et non punitive, alors que la Colombie-Britannique est touchée par une crise des opioïdes particulièrement grave ces dernières années. Depuis 2016, près de 11 000 habitants de la province sont morts d’overdoses (pour une population de seulement 5 millions de personnes) et ces trois dernières années, la drogue a plus tué dans la région que la Covid-19.
Si les addictologues et les associations d’aides aux toxicomanes ont salué cette nouvelle législation, plusieurs ont regretté que des stupéfiants ne soient pas directement distribués aux toxicomanes, comme c’est par exemple le cas dans certaines salles de shoot en Suisse, alors même que c’est la très mauvaise qualité des produits, fabriqués majoritairement dans des laboratoires clandestins en Asie, qui est souvent à l’origine des décès. D’où la décision du gouvernement fédéral d’autoriser des entreprises locales à produire et vendre de la cocaïne.
Une décision qui ne fait pas l’unanimité
Ce changement de paradigme complet face à la drogue ne fait pas l’unanimité. Le premier ministre de Colombie-Britannique David Eby s’est ainsi dit « étonné » par la décision du gouvernement fédéral canadien, assurant qu’il n’avait pas été consulté. « Cela ne fait pas partie de notre plan provincial » a expliqué le chef du gouvernement local, qui voit d’un mauvais œil que des sociétés puissent vendre légalement dans la rue de la cocaïne.
« La commercialisation de cette drogue » n’a pas de sens a rajouté le ministre de l’Intérieur Mike Farnworth, alors que l’opposition conservatrice accuse le gouvernement d’encourager la consommation de drogue. Sans doute émoussé par ces critiques, le ministère fédéral de la Santé a tenu à préciser que Adastra Labs et Sunshine Earth Labs ne pourront pas vendre directement de la cocaïne aux toxicomanes, mais seulement à des hôpitaux et des pharmaciens agrées.
Rappelons que le Canada est également l’un des rares pays du monde à avoir autoriser la vente de cannabis à titre récréatif. A Vancouver, Jerry Martin, un partisan de la réduction des risques, souhaite également ouvrir dans le centre-ville la première boutique légale de cocaïne, héroïne et métamphétamine. Aucune autorisation ne lui a pour le moment été accordée.
Nicolas Barbet