
Le cannabis est la substance psychoactive la plus utilisée au monde. De plus, depuis plusieurs années, l’on constate une augmentation de la teneur moyenne en delta-9- tétrahydrocannabinol (THC), son principal composant psychoactif, qui est passée de 10 % en 2009 à 14 % en 2019 aux USA et de 13 % en 2006 à 30 % en 2016 au Danemark.(1) Cette augmentation de la concentration de THC est un facteur de risque de « trouble de l’usage du cannabis » (cannabis use disorder. )
Les études ont montré que le THC peut provoquer ou aggraver une schizophrénie, particulièrement chez les personnes en ayant une consommation problématique. Une équipe danoise relève une augmentation de l’incidence de la schizophrénie dans ce pays entre 2000 et 2012 et note que la fraction de risque attribuable à un trouble de l’usage du cannabis a triplé voir quadruplé depuis une vingtaine d’années, parallèlement à la concentration en THC.
Dans le but de préciser les caractéristiques des liens entre l’usage du cannabis et la schizophrénie, cette équipe a analysé les données des registres nationaux, concernant près de 7 millions de personnes âgées de 16 à 49 ans, entre 1972 et 2021. Au total 45 327 cas de schizophrénie ont été signalés pendant le suivi, portant sur 129 millions de personnes-années.
15 % des nouveaux cas de schizophrénie auraient pu être évités chez les hommes
Les données confirment une association entre le trouble de l’usage du cannabis et la schizophrénie, plus forte chez les hommes en comparaison avec les femmes (Hazard ratio HR ajusté 2,42 ; intervalle de confiance à 95 % 2,33 à 2,52 chez les premiers et 2,02 ; 1,89 à 2,17 chez les secondes). Dans la population des 16 à 20 ans, le risque est 2 fois plus élevé pour les garçons. Les auteurs notent que la part de risque attribuable au cannabis dans la survenue d’une schizophrénie augmente en moyenne de 4,8 % par an pour les hommes et de 3,2 % pour les femmes.
Ainsi, en 2021, 15 % des nouveaux cas de schizophrénie chez les hommes auraient pu être évités en l’absence d’usage problématique du cannabis, et 4 % chez les femmes. Cette part attribuable à un trouble de l’usage du cannabis varie selon l’âge, et elle atteindrait 25 à 30 % chez les hommes de 21 à 30 ans, peut-être même jusqu’à 40 ans.
Certes, l’usage problématique du cannabis n’est pas responsable de la majorité des cas de schizophrénie. Il contribue toutefois à une part non négligeable de son incidence, part que l’on constate en augmentation régulière depuis quelques décennies.
Le nombre croissant de pays ayant légalisé l’usage non médical du cannabis, associé à l’augmentation de la concentration en THC, accroît le risque de trouble de l’usage tout en réduisant la perception par le public des dangers encourus. Pour les auteurs, cette étude s’ajoute aux données croissantes suggérant que la consommation du cannabis est un facteur de risque modifiable de schizophrénie, soulignant par-là la nécessité de stratégies basées sur des preuves pour réguler la consommation et prévenir efficacement à la fois les troubles de l’usage et la schizophrénie.
Dr Roseline Péluchon