
Paris, le mardi 23 avril 2019 – Régulièrement, l’Agence de
biomédecine a dû faire face à des demandes de PMA émanant de
couples au sein desquels l’homme avait un âge plus élevé que la
moyenne des pères. Alors que les équipes apprécient souvent au cas
par cas la situation, appliquant pour la plupart d’entre elles
tacitement une limite d’âge autour de 60 ans, des conflits ont pu
être portés devant l’Agence de biomédecine et la justice. Face à
l’absence de précision dans la loi, les magistrats ont
majoritairement choisi d’interpréter la formule « en âge de
procréer » en considérant qu’elle faisait tout autant référence
à des dimensions biologiques que sociétales et sociales. Dès lors,
les juges ont souvent débouté les pères les plus âgés, mais
toujours sans fixer de limite d’âge stricte.
Conflits avec l’Agence de biomédecine
La situation vient d’évoluer avec l’arrêt du Conseil d’État du
18 avril 2019. Ce dernier a entériné une limite d’âge de 59 ans,
suggérée par la cour d’appel de Versailles. L’affaire concerne deux
couples (hétérosexuels) dont les hommes avaient procédé à la
congélation de leur sperme pour des raisons personnelles après 60
ans.
Souhaitant s’engager dans un programme de PMA avec leurs
compagnes plus jeunes, ils n’avaient pas obtenu l’accord des
équipes médicales consultées, confortées par l’Agence de
biomédecine. Aussi, avaient-ils souhaité organiser le transfert de
leurs gamètes en Belgique et en Espagne.
Le droit à la PMA et la nature sont deux choses différentes
Si ce transfert leur a été accordé en première instance par le
tribunal administratif de Montreuil, en appel la cour
administrative d’appel de Versailles avait, pour sa part, voulu,
pour la première fois, fixer un âge paternel limite, « environ
59 ans ». Ce seuil vient d’être confirmé par le Conseil d’État,
qui a répondu par avance à ceux qui voudraient voir dans cette
restriction une « discrimination » entre les hommes devenant
père naturellement et ceux nécessitant l’aide de la PMA. Les
magistrats rappellent en effet que ces situations diffèrent. «
Le fait que des hommes plus âgés puissent procréer naturellement
n’emporte aucune obligation pour la société à mettre la PMA à
disposition du troisième âge » remarque la juriste spécialisée
en droit de la famille et de la bioéthique, Aude
Mirkovic.
Dimension sociale et biologiste
De fait, alors que le législateur s’apprête (probablement) à
accorder le droit à la PMA aux couples de femmes (à propos
desquelles on ne sait s’il existera une limite d’âge pour la femme
qui ne portera pas l’enfant et si oui laquelle) et aux femmes
seules, on mesure combien les réglementations autour de la PMA ne
peuvent pas et ne doivent pas être considérées comme des décalques
des « conditions naturelles ». Par ailleurs, le Conseil
d’État a estimé que pour fixer une limite d’âge, les dimensions
biologiques devaient être couplées à la dimension sociale. Dès
lors, si c’est l’âge du père au moment du recueil de ses gamètes
qui doit être pris en considération, son âge au moment du projet
d’assistance médicale à la procréation ne doit pas être ignoré.
D’une manière générale, le Conseil d’État considère que la notion «
d’âge de procréer » « revêt pour le législateur, une
dimension à la fois biologique et sociale (…) justifiée par des
considérations tenant à l’intérêt de l’enfant, à l’efficacité des
techniques mises en œuvre et aux limites dans lesquelles la
solidarité nationale doit prendre en charge le traitement médical
de l’infertilité ».
Le législateur s’emparera-t-il de la question ?
Aurélie Haroche