
Bruxelles, le mercredi 1er juin 2022 – Si une nouvelle agence européenne vient de conclure à l’innocuité du glyphosate, le débat scientifique sur la question est loin d’être terminé.
Les partisans du glyphosate viennent de gagner une nouvelle bataille mais pas la guerre, tant le débat sur l’autorisation du pesticide le plus utilisé en France et dans le monde semble sans fin. Ce lundi, l’agence européenne des produits chimiques (ECha) a rendu son rapport sur la question : il conclut que le glyphosate n’est ni cancérogène, ni mutagène, ni toxique pour la reproduction, que ce soit de manière avérée ou seulement supposée. Une étape clé puisque si l’ECha n’avait retenu ne serait-ce qu’une seule de ces trois caractéristiques, la Commission Européenne aurait été forcé d’interdire le produit dans l’Union Européenne.
Régulièrement accusé d’être responsable de cancers, notamment chez les agriculteurs, le glyphosate, créé par la firme américaine Monsanto en 1974, a été autorisé pour cinq ans par le Parlement européen en 2017 (déjà à l’époque sur la base d’un rapport favorable de l’ECha). Une licence qui expire le 15 décembre prochain et qui ne pourra être reconduite qu’en cas d’avis favorable d’une autre institution, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Mais alors qu’elle devait rendre son rapport courant 2022, l’EFSA a finalement réservé sa réponse d’ici juillet 2023, afin de prendre en compte « un nombre sans précédent d’observations » émises de la part d’experts des Etats membres.
Et maintenant, une expertise sur l’expertise
Un processus de validation difficile qui illustre le débat scientifique sans fin sur la dangerosité ou l’innocuité du glyphosate (et des pesticides en général). On compte presque autant d’avis divergents sur le caractère cancérogène du glyphosate qu’il existe d’institutions nationales ou internationales chargés d’évaluer cette dangerosité.
D’un côté l’Afssa française, l’EPA américaine, l’ECha européenne ainsi qu’un groupe d’experts de quatre pays européens qui estiment que la dangerosité du glyphosate n’est pas prouvée. De l’autre l’Inserm et le Centre International de recherche sur le cancer (CIRC) qui classent le glyphosate comme cancérogène probable.
Des divergences d’interprétation qui s’expliquent par des différences de méthode, les diverses agences ne s’appuyant pas sur les mêmes études et n’évaluant pas les mêmes produits ou les mêmes risques. Les ONG écologistes accusent la plupart des agences nationales de ne se baser que sur les études réalisées par les industriels eux-mêmes et non sur celles effectués par des scientifiques indépendants (chez ont également de grandes divergences d’interprétation des études).
En 2017, une enquête avait d’ailleurs permis d’établir les liens étroits entretenus entre les firmes agrochimiques et l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques.
La solution est si inextricable qu’en janvier dernier, c’est une autre agence sanitaire, la Commission nationale de la déontologie (CNDASPE) qui a proposé qu’une expertise soit mené…sur l’expertise européenne en cours !
Du glyphosate dans l’urine et alors ?
Si le débat scientifique en cours sur le glyphosate est pollué par des intérêts économiques (le lobby de l’agrochimie mais aussi du bio faisant pression dans l’ombre), il l’est également par des considérations politiques et idéologiques. Désormais leader incontesté de la gauche unie, Jean-Luc Mélenchon a fait du combat contre le glyphosate, qu’il promet d’interdire s’il accède au pouvoir, l’une de ses priorités, au point de relayer des études scientifiques assez douteuses.
Ce dimanche, il a ainsi affirmé que le glyphosate serait présent dans le corps de 90 % des Français, en se basant sur une étude menée par un collectif anti-pesticide qui aurait détecté systématiquement du glyphosate dans l’urine de personnes prises au hasard. Cependant, la méthodologie retenue par le laboratoire mis à contribution est très critiquée par les experts et ces résultats ne se retrouvent pas dans d’autres études menées sur la présence de glyphosate dans l’urine.
De plus et surtout, il n’existe pas pour le glyphosate de VBI (valeur biologique d’interprétation), c’est-à-dire de seuil minimal de surveillance. Autrement dit, les taux de glyphosate détectés dans l’urine des Français sont impossibles à interpréter.
Comme nous l’avait déjà montré l’épidémie de Covid-19, la
science est décidemment une chose trop sérieuse pour être confiée à
des hommes politiques.
Nicolas Barbet