
Les maladies cardiovasculaires (MCV) constituent un facteur
majeur de risque de démence. Il existe un chevauchement
considérable entre MCV et pathologies neurodégénératives, notamment
avec la maladie d’Alzheimer (MA). Une pression artérielle (PA)
élevée favorise la survenue de MCV mais aussi de démence. Un
contrôle tensionnel satisfaisant pourrait optimiser la santé
cérébrale. De fait, les recommandations 2019 de l’OMS préconisent
un traitement standard de l’hypertension artérielle (HTA) afin de
réduire le risque de déclin cognitif et de démence (niveau de
preuve toutefois de basse qualité avec recommandation
conditionnelle). Récemment a été suggéré l’intérêt d’un contrôle
tensionnel plus strict, à moins de 120 mm Hg de PA systolique, chez
les patients à haut risque et avec comorbidités. A ce jour,
cependant, la cible tensionnelle idéale pour prévenir le déclin
cognitif reste mal définie.
Une revue de la littérature et 5 essais retenus
Sur 7 755 citations dans les différentes banques de données,16
publications ont été retenues, issues de 5 essais cliniques :
ACCORD BP, SPS3, SPRINT, PODCAST et INFINITY. Le nombre total de
participants est de 17 396 dont 8 681 bénéficiant d’un contrôle
tensionnel intensif et 8 715 autres d’un contrôle standard. Le
suivi moyen est de 3,3 ans, allant de 2,0 à 4,7 ans. Il y a plus
d’hommes que de femmes (69 %), une majorité de Blancs (57,8 %). La
moyenne d’âge se situe à 65,7 ans, avec des écarts allant de 63,0 à
80,5 ans. Les 5 essais prospectifs et randomisés ont été évalués en
intention de traiter. Quatre sont multicentriques. Le risque de
biais a été jugé élevé pour l’un d’entre eux et mal précisé dans
les 4 autres.
Quatre (5 246 participants) permettent de suivre l’évolution
de divers scores de performance cognitive, durant un délai moyen de
3,4 ans (2,0 à 4,7 ans). Il apparaît qu’une réduction intensive de
la PA, comparée à une baisse standard, plus modeste, n’est pas été
associée à des taux différents de déclin cognitif (DMS différence
moyenne standardisée : 0,01 ; intervalle de confiance à 95 % IC : -
0,06 à 0,04 ; I2 = 0 %), constatation
similaire retrouvée pour tous les sous-groupes analysés. Toutefois,
du fait du nombre réduit d’essais retenus, le niveau global de
preuve pour cette association a été jugée faible.
Seuls 2 essais se sont penchés sur l’incidence des démences en
fonction du contrôle de la PA. Parmi 9 444 participants, suivis en
moyenne 2,7 ans (2,0 à 3,3 ans), on relève 327 cas de démence, soit
3,5 %. Là encore, le risque ne semble pas significativement
différent selon le niveau de la réduction tensionnelle (risque
relatif RR : 1,09 ; IC : 0,32- 3,67 ; I2=
27 %). Il en est de même selon une analyse de sensibilité par
modèle à effet fixe (RR : 0,86 ; IC : 0,69- 1,06), avec également
un bas niveau de preuves.
Un effet significatif d’une baisse stricte de la PA seulement sur l’incidence des AVC mais ni sur celle des troubles cognitifs ni sur la mortalité
Dans la totalité des 5 essais (17 396 participants) a été
calculée l’incidence relative des accidents vasculaires cérébraux
(AVC).
On déplore, durant le suivi, un total de 514 AVC. Il apparaît
qu’un contrôle tensionnel intensif a été, statistiquement, associé
à une baisse de 21 % du risque d’AVC (Risque relatif RR : 0,79 ; IC
: 0,67- 0,93 ; I2 = 0 %), cette réduction
étant surtout manifeste chez les hypertendus diabétiques (qualité
de preuve modérée). Il faut noter que le risque d’effets
secondaires sérieux (chute, angioœdème, bradycardie, syncope,
insuffisance rénale…) a été plus important en cas de traitement
intensif (RR : 1,13 ; IC: 0,91- 1,40 ; I2=
65% ; qualité de preuve faible).
En résumé, cette revue systématique n’est pas parvenue à
déceler une différence entre baisse intensive ou plus modérée de la
PA d’une part, déclin cognitif ou survenue d’une démence de
l’autre, chez des sujets d’âge moyen hypertendus. Elle a retrouvé,
par contre, une réduction significative des accidents vasculaires
cérébraux avec la stratégie ciblant une baisse importante, sans
toutefois de différence dans la mortalité. Ces résultats sont en
opposition avec ceux de 2 méta analyses récentes qui avaient
retrouvé une différence du taux du déclin cognitif et des démences
en fonction de la stratégie tensionnelle mais la population cible
était plus âgée. Il faut aussi noter que, dans le travail ici
rapporté, le suivi n’a été, en moyenne, que de 3,3 ans, soit
peut-être trop limité pour pouvoir déceler l’apparition d’un
trouble cognitif. De plus, la réduction observée du nombre d’AVC
pourrait, hypothétiquement, baisser ultérieurement l’incidence du
déclin cognitif et de la démence.
Cette revue générale peut faire l’objet de plusieurs réserves.
Des essais majeurs ont pu être omis, non inclus dans la revue
systématique. L’appréciation de la fonction cognitive a été diverse
selon les études. Il y a eu, parmi les travaux retenus, une
hétérogénéité importante. Enfin, le suivi a été limité, dans
l’incapacité de mettre en évidence des modifications
tardives.
Dr Pierre Margent