
Paris, le vendredi 3 mars 2023 – L’UFML organise ces vendredi et samedi ses assises du déconventionnement conçu comme un « moyen de pression » sur le gouvernement.
Ce mardi, les négociations conventionnelles entre les syndicats et la CNAM ont échoué. Les parties prenantes ne sont pas parvenues à un accord sur une nouvelle convention médicale, les négociations achoppant notamment sur la question du tarif de la consultation. Alors que les syndicats réclamaient que le C soit fixé à 30 (MG France, CSMF) voire à 50 euros (UFML, FMF, SML) sans conditions, la CNAM ne promettait que 26,50 euros pour tous et 30 euros pour les praticiens prêts à participer au très décrié contrat d’engagement territorial (CET). Pour sortir de cette impasse, le syndicat UFML du Dr Jérôme Marty a imaginé une solution originale pour les médecins de ville : fixer leur prix librement…en se déconventionnant.
Ces vendredi et samedi, l’UFML organise ainsi à Paris (mais aussi en ligne) ses assises du déconventionnement. Les participants pourront y apprendre tout sur les tenants et les aboutissants juridiques, pratiques et économiques du déconventionnement, ses avantages et ses inconvénients.
A première vue, le déconventionnement semble en effet une option intéressante pour le médecin, puisque quitter le système de la convention lui permet de fixer librement le tarif de sa consultation et le libère d’une grande partie de son travail administratif. Problème : le patient d’un médecin déconventionné n’est remboursé par l’Assurance Maladie qu’à hauteur de…61 centimes par consultation pour un généraliste, 1,22 euros pour un spécialiste et rares sont les mutuelles qui remboursent les consultations de médecins non-conventionnés. Le déconventionnement est donc l’assurance de perdre quasiment tout ses patients (à part peut être les plus fortunés) et c’est pourquoi seulement 0,7 % des médecins installés en France sont hors de la convention.
Le « déconventionnement collectif », la solution du Dr Marty
Le Dr Marty a bien conscience du problème, c’est pourquoi il prône un « déconventionnement collectif » qui permettra de mettre la pression sur l’exécutif et les mutuelles. A nos confrères du Quotidien du médecin, il explique sa méthode : « Lors des assises, nous allons proposer aux médecins qui souhaitent se déconventionner une méthodologie (…) Chaque médecin signera une promesse de déconventionnement. Une fois que 20 % des médecins d’un territoire auront maintenu leur promesse, on pourra considérer que ce territoire est « tombé ». Là, ça aura un vrai sens, du poids (…) Pendant tout ce temps, nous allons discuter avec les assurances privées et les complémentaires, de façon à mettre en place un système qui soit le plus gagnant possible, à la fois pour les médecins et pour les patients. C’est tout l’intérêt du déconventionnement collectif : car si vous allez discuter tout seul avec une mutuelle, vous n’avez aucun poids ! Donc l’idée est d’aboutir à un secteur III qui soit mieux ficelé que celui qui existe actuellement » développe le généraliste de Fronton (Haute-Garonne).
Selon le président de l’UFML, les récents débats houleux avec la CNAM et le supposé mépris de l’exécutif à l’encontre de la médecine libérale a créé un véritable intérêt parmi les praticiens pour le déconventionnement. « L’évènement est plein à craquer depuis un mois et demi, on attend 700 personnes sur place et plus de 1 000 médecins en visio » se félicite le Dr Marty, qui cite également un sondage récent de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) d’Ile-de-France, qui indiquait que 22 % des médecins franciliens songeaient à se déconventionner.
Le risque d’une médecine à deux vitesses
Le Dr Marty le reconnait toutefois : ces assises du déconventionnement constituent plus un « moyen de pression » sur le gouvernement, après des négociations conventionnelles particulièrement tendues, qu’un véritable appel à quitter le système de la convention. « C’est vraiment un moyen de pression, de lobbying, on ne s’en cache pas (…) l’idée n’est pas de prôner le déconventionnement mais d’aborder cette problématique, on nous pousse au déconventionnement, je dis aux politiques : empêchez-nous de le faire » se justifie le généraliste.
Que l’on voit dans ces assises du déconventionnement une vraie menace ou un coup de bluff, l’organisation de l’évènement en lui-même ne passe pas auprès des autorités sanitaires. Le ministre de la Santé François Braun a ainsi dénoncé ce lundi une initiative qui « pénalise encore plus les Français, créé une médecine à deux vitesses » et est contraire à « l’esprit de la Sécurité Sociale » tandis que le directeur général de la CNAM Thomas Fatôme a dénoncé l’attitude « irresponsable » du Dr Marty. Même les autres syndicats qui ont refusé de signer la convention se montrent assez critiques de cette initiative, le Dr Daniel Nogrette du syndicat MG France craignant une remise en cause du « maintien de l’accès aux soins quelque soit le revenu du patient ».
Au vu des nombreux inconvénients que présentent pour un médecin le fait de se conventionner, la CNAM estime cependant peu probable que ces assises soient suivies d'une vague de déconventionnement, Thomas Fatôme estimant que les médecins ne céderont pas à cet appel « contraire aux fondamentaux de notre système de santé ». Pour le Dr Nogrette, cette manifestation est surtout le signe que « l’exaspération des médecins est devenu un terrain fertile à ce genre de bêtises ».
Quentin Haroche