Le pembrolizumab, une option à privilégier pour le lymphome de Hodgkin en rechute ou réfractaire

Pour le lymphome de Hodgkin en rechute ou réfractaire, le standard thérapeutique actuel est l’intensification par chimiothérapie haute dose suivie d’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ACSH). Cependant les patients âgés ou qui ont des comorbidités, les patients chimio-réfractaires d’emblée ne sont pas éligibles à l’ACSH. De plus, 50 % des patients vont rechuter après ACSH. Le pronostic de ces patients non éligibles à l’ACSH ou qui progressent après ACSH est mauvais.

Il a cependant été amélioré par l'introduction de l’immunothérapie par anticorps conjugué anti-CD30 (brentuximab vedotin) et par les inhibiteurs de points de contrôle (nivolumab et pembrolizumab).

Le brentuximab vedotin permet d’obtenir des réponses chez 75 % des patients mais avec une survie sans progression (SSP) de 5 à 6 mois et une toxicité neurologique (neuropathie périphérique) chez 42 % d’entre eux. Le pembrolizumab est un anticorps anti-PD-1, jusqu’à présent utilisé après échec du brentuximab vedotin, qui a donné des réponses chez 72 % des patients, durables, avec une SSP de 13,7 mois et des effets indésirables moins importants.

Pembrolizumab contre brentuximab vedotin

L’étude rapporte les résultats intermédiaires d’un essai ouvert, randomisé, de phase 3, multicentrique, portant sur 304 adultes en rechute d’un lymphome de Hodgkin ou réfractaire, ayant déjà reçu une ACSH ou n’ayant pas été éligibles à une ACSH.

Les patients étaient randomisés pour recevoir soit brentuximab vedotin (n = 151) à 1,8 mg/kg IV toutes les 3 semaines, soit pembrolizumab (n = 153) à 200 mg/kg IV toutes les 3 semaines, pour une durée maximale de 35 cycles ou jusqu'à progression ou toxicité inacceptable. L’évaluation tumorale était réalisée par un scanner tous les 3 mois et un TEP-scanner à 3 mois et 6 mois pour confirmer une réponse complète (RC) ou une progression. L’objectif primaire est la SSP, la survie globale n’étant pas rapportée ici du fait qu’il s’agit d’une analyse intérimaire.

La majorité des patients (n = 232, 76 %) avait reçu en première ligne un traitement de type ABVD (doxorubicine, bléomycine, vinblastine et dacarbazine), suivi de BEACOPP (bléomycine, étoposide, doxorubicine, cyclophosphamide, vincristine) pour 24 (8 %). Une ACSH antérieure avait été réalisée chez 112 (37 %) des 304 patients alors que 192 (63 %) n'avaient pas été éligibles à une ACSH, le plus souvent en raison d’une maladie chimio-réfractaire (n = 133, 44 %).


Après le traitement alloué par l’étude, 27 % des patients ont reçu une ACSH et 9 % une greffe allogénique.

Meilleure survie sans progression avec le pembrolizumab

La durée médiane de traitement était de 305 jours pour le pembrolizumab et 146 jours pour le brentuximab vedotin avec un nombre médian de cycles de 15 et 7 respectivement.

Les 35 cycles de traitement n’ont été réalisés que chez 17 % des patients recevant le pembrolizumab et 2 % recevant le brentuximab vedotin, 88 % de ces derniers ayant reçu moins de 16 cycles.

Le traitement a dû être interrompu le plus souvent en raison d’une maladie progressive (pembrolizumab 39 %, brentuximab vedotin 49 %) ou d'événements indésirables (pembrolizumab 14 %, brentuximab vedotin 19 %).

La médiane de SSP était de 13,2 mois pour le pembrolizumab et 8,3 mois pour le brentuximab vedotin (p = 0-0027).
Une réponse objective a été obtenue chez 65,6 % des patients traités par pembrolizumab et 54,2 % des patients traités par brentuximab vedotin (p = NS), dont 26 % et 24 % de RC. Chez les patients répondeurs, la durée de réponse au traitement était de 20,7 mois avec le pembrolizumab et 13,8 mois avec le brentuximab vedotin.

Effets indésirables globalement moins importants avec le pembrolizumab

Des effets indésirables liés au traitement ont été observés chez 74 % des patients du groupe pembrolizumab et 77 % des patients du groupe brentuximab vedotin. Les effets indésirables de grade ≥ 3 liés au traitement les plus fréquents étaient la pneumonie (pembrolizumab 4 %, brentuximab vedotin 1 %), la neutropénie (2 % vs 7 %), la neuropathie périphérique (1 % vs 3 %).

Ces événements indésirables ont été responsables d’un arrêt de traitement chez 13 % des patients recevant du pembrolizumab et 16 % des patients recevant le brentuximab vedotin.

Les événements les plus fréquents ont été la pneumonie (pembrolizumab 6 %, brentuximab vedotin 0%), une neuropathie périphérique (pembrolizumab 0 %, brentuximab vedotin 5 %), une neuropathie sensorielle périphérique (pembrolizumab 0 %, brentuximab vedotin 4 %).

Des effets indésirables à médiation immunitaire sont survenus chez 33 % des patients traités par pembrolizumab et 7 % des patients traités par brentuximab vedotin, le plus souvent une hypothyroïdie (19 % vs 3 %), une pneumonie (11 % vs 3 %). Ils ont été de grade ≥ 3 chez 7 % des patients traités par pembrolizumab et chez 2 % des patients traités par le brentuximab vedotin, le plus souvent des pneumopathies (5 % vs 1 %).

Les patients atteints de pneumonie dans le groupe pembrolizumab ont été traités par corticoïdes systémiques et la pneumopathie s'est résorbée chez 75 % des patients.

Aucun patient n'est décédé des suites d'effets indésirables à médiation immunitaire.

Au total, cette étude comparant pembrolizumab et brentuximab vedotin, a montré après un suivi médian de 2 ans, une meilleure SSP avec le pembrolizumab chez des patients atteints de lymphome de Hodgkin récidivant ou réfractaire, ayant rechuté après ou n’ayant pas été éligibles pour une ACSH. Le bénéfice s’étend aux patients réfractaires primaires.

Le profil de sécurité du pembrolizumab est meilleur que celui de brentuximab vedotin dans cette population de patients lourdement prétraités.

Des effets indésirables à médiation immunitaire de grade 3 à 5 de type pneumonie, sont plus souvent survenus dans le groupe pembrolizumab. En revanche, les neuropathies périphériques étaient plus fréquentes avec le brentuximab vedotin.

Bien que cette étude compare 2 agents agissant par un mécanisme totalement différent, elle suggère que le pembrolizumab devrait être considéré comme l'option thérapeutique privilégiée pour les patients atteints de lymphome de Hodgkin récidivant ou réfractaire en rechute après ACSH ou qui ne sont pas éligibles à l’ACSH.

Actuellement les patients atteints de maladie chimio-réfractaire ou de progression après ACSH reçoivent du brentuximab vedotin et les inhibiteurs de points de contrôle reste la seule option suivante.

Sur la base de cet essai, le 28 janvier 2021, l'Agence européenne du médicament a approuvé le pembrolizumab pour le lymphome de Hodgkin en rechute ou réfractaire après échec d'une ACSH ou après au moins 2 lignes thérapeutiques antérieures lorsque l’ACSH n'est pas une option. Les résultats de cette étude devraient influencer la pratique clinique actuelle.

Pr Gérard Sébahoun

Références
Kuruvilla J et coll. : Pembrolizumab versus brentuximab vedotin in relapsed or refractory classical Hodgkin lymphoma (KEYNOTE-204): an interim analysis of a multicentre, randomised, open-label, phase 3 study
Lancet Oncol 2021; 22: 512–524
Vassilakopoulos TP : Relapsed or refractory classical Hodgkin lymphoma: which immunotherapy, and when ?
Lancet Oncol 2021; 22: 417-419

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