
Cette fois, il n’y avait pas d’article 49.3 de la Constitution
pour mettre fin aux débats. Les sénateurs ont ainsi pu mener à
leurs termes les discussions en séance publique et c’est donc un
projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour
2023 profondément amendé que la chambre haute a adopté ce mardi.
Sur plusieurs sujets, la majorité sénatoriale de droite a profité
du texte pour marquer son opposition au gouvernement.
Les débats entre le gouvernement et les sénateurs ont été
particulièrement tendus sur les questions strictement budgétaires.
Les parlementaires n’ont notamment pas apprécié que le ministre de
la Santé François Braun leur demande d’accorder une rallonge
budgétaire exceptionnel de 600 millions d’euros aux hôpitaux en
dernière minute, même s’ils l’ont in fine adopté.
Au final, les sénateurs ont jugé que la trajectoire financière
de la Sécurité Sociale pour la période 2023-2026 inscrite dans le
PLFSS était « de sincérité douteuse » et ont rejeté
l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) fixé
par le gouvernement à 244,1 milliards d’euros, soit une hausse de
3,7 %.
Le coup de rabot sur la biologie médicale limité à 2023
Toujours sur les questions budgétaires, le Sénat a doublé la
contribution sur les mutuelles prévue par le gouvernement, pour la
porter à 300 millions d’euros en 2023. Et alors que les biologistes
médicaux sont en grève depuis ce lundi, la chambre haute a décidé
de faire un geste dans leur direction : comme le demandent les
syndicats, le coup de rabot budgétaire de 250 millions d’euros sera
limité à l’année 2023 et portera sur les profits générés par la
crise sanitaire (et non pas sur les actes courants comme le
souhaite le gouvernement). La chambre haute a également voté en
faveur de l’exonération de cotisations retraite pour les médecins
en cumul emploi-retraite et a étendu la mesure aux autres
professionnels de santé.
S’agissant de l’organisation des soins, les sénateurs se sont
montrés favorables sur le fond à la création d’une quatrième année
d’internat de médecine générale, à réaliser en priorité en zone
sous-dense. Mais sur la forme, ils ont préféré remplacer le projet
du gouvernement par le texte d’une proposition de loi du sénateur
LR Bruno Retailleau, jugée « plus aboutie » et qui prévoit
notamment que les internes seront payés à l’acte durant cette année
de professionnalisation. Les sénateurs ont par ailleurs rejeté tous
les amendements visant à la mise en place d’un conventionnement
sélectif des médecins libéraux.
Echec de la commission mixte paritaire
Lutte contre l’intérim hospitalier et la fraude sociale,
encadrement accru de la téléconsultation et des arrêts de travail,
création d’une taxe sur les cigarettes électroniques à usage unique
et les bières aromatisées, contrôle renforcée des Ehpad : les
amendements adoptés par le Sénat ont porté sur des sujets divers et
variés.
Difficile cependant de savoir lesquels de ces modifications
intégreront le texte final. Réuni ce mardi soir après le vote du
texte en scrutin solennel, la commixtion mixte paritaire a constaté
l’impossibilité de parvenir à un compromis entre les deux chambres
en seulement 30 minutes. La députée Stéphanie Rist, rapporteuse du
texte à l’Assemblée Nationale, aurait notamment très peu apprécié
que les sénateurs aient supprimé l’Ondam.
Le texte va donc revenir à l’Assemblée Nationale, où il sera
débattu à nouveau à partir de lundi prochain et où le gouvernement
pourra dégainer l’article 49.3 quand bon lui semble. Rapporteuse du
texte au Sénat, la sénatrice Elisabeth Doineau ne se fait guère
d’illusions sur l’avenir des amendements sénatoriaux : « je n’ai
pas senti d’engouement pour nos propositions ».
Grégoire Griffard