
C. Cubillos-Zapata et coll. abordent le problème tout
différemment. Leur travail est initié en milieu dermatologique :
une cohorte de 292 malades pris en charge pour un mélanome a fait
l’objet d’un double projet : préciser les caractéristiques
oncologiques de la lésion et rechercher un SAS chez des malades
naïfs de tout bilan en ce sens, dans l’hypothèse d’une liaison
entre les conséquences physiologiques du SAS (notamment sur
l’oxygénation cellulaire) et le potentiel oncogénique de la tumeur.
Sur le plan dermatologique les caractéristiques morphologiques et
évolutives (agressivité) du mélanome ont été enregistrées :
extension locale (88 % des cas) ; ulcération (17 %), indice de
Breslow (0,82 [0,49-1,80]), médiane [intervalle interquartile]).
Une polygraphie ventilatoire a été réalisée permettant la mesure de
l'index apnées-hypopnées (IHA) : un SAS léger (IAH = 5-15/h) ou
modéré à grave (IAH > 15/h) était respectivement identifié dans
32 % et 34 % des cas.
L’hypoxie intermittente favoriserait la transition épithélio-mésenchymateuse, impliquée dans le développement tumoral
Un bilan biologique très sophistiqué a complété l’étude. On a notamment mesuré l'expression de la protéine 1 du paraspeckle (PSPC1). Cette molécule se forme lors de la différenciation cellulaire et est impliquée dans la régulation de l'expression génique ; sa synthèse est activée en cas de stress biologique. Les analyses suivantes ont aussi été réalisées : dosage du TGFβ (impliqué dans l’oncogenèse), mise en culture des cellules tumorales avec observation de leur comportement en milieu hypoxique et mesure de leur production en ARN.
Les résultats confirment l’hypothèse des auteurs. Le taux de
PSPC1 est supérieur dans le groupe avec SAS modéré à sévère comparé
au groupe exempt de SAS (données numériques non explicitées, p <
0,001). Un taux plus élevé de TGFβ a été mis en évidence (données
numériques non explicitées, p = 0,003). L’hypoxie intermittente des
cultures cellulaires augmente la croissance cellulaire par
amplification des facteurs de transcription et surexpression de
TGFβ. Ces modifications semblent induire une reprogrammation
cellulaire dans le sens d’une transition épithélio-mésenchymateuse
(TEM). Cette anomalie pourrait jouer un rôle important dans le
développement tumoral et le potentiel métastatique de la
lésion.
Cette impressionnante concordance de résultats permet aux
auteurs de lier l’agressivité d’un mélanome à l’activation de la
protéine PSPC1. Les désaturations nocturnes provoquées par le SAS
font le lit d’une hypoxie intermittente qui favorise la TEM. Cette
démonstration élégante paraît donc bien étayer l’hypothèse que le
SAS sévère est capable de majorer l’agressivité de certaines
tumeurs, ici le mélanome.
* https://www.jim.fr/e-docs/la_ppc_protege_t_elle_du_cancer_les_patients_souffrant_de_sas__192712/document_actu_med.phtml
Dr Bertrand Herer