Le syndrome de VEXAS, nouvelle maladie auto-inflammatoire

Le syndrome de VEXAS a été décrit pour la première fois en décembre 2020 par des chercheurs du National Human Genome Research Institute de Bethesda, USA, dans le cadre du Programme des maladies non diagnostiquées des National Institutes of Health (NIH) aux États-Unis (Publication dans « The New England Journal of Medecine » [1]).    Il s’agissait de 25 patients présentant un syndrome auto-inflammatoire grave (les syndromes auto-inflammatoires sont définis par une hyperactivation pathogène des mécanismes immunitaires de manière indépendante à la présence d’antigènes [2]). L’individualisation de ce syndrome a été rendu possible par la confrontation des manifestations cliniques et des résultats d’études génétiques à grande échelle.

Les auteurs ont ainsi identifié chez ces 25 patients adultes âgés de plus de 50 ans (âge médian 71 ans) des mutations somatiques, c’est à dire acquises, dans le gène UBA1 lié au chromosome X, lequel gène produit une enzyme qui joue un rôle important dans le recyclage des protéines à l’intérieur des cellules. La mutation affectait la méthionine-41 (p.Met41), la principale enzyme E1 qui initie l'ubiquitylation. Les mutations affectant p.Met41 ont entraîné la perte de l'isoforme cytoplasmique canonique d'UBA1 et l'expression d'une nouvelle isoforme catalytiquement déficiente initiée à p.Met67. Ces mutations ont été trouvées dans plus de la moitié des cellules souches hématopoïétiques, y compris dans les cellules myéloïdes du sang périphérique, mais pas dans les lymphocytes ou les fibroblastes. Peu après la publication de cet article déterminant, le premier cas de syndrome VEXAS a été identifié au Canada [3].

A suspecter devant certaines manifestations dermatologiques et hématologiques

Les éléments à considérer pour suspecter un syndrome VEXAS chez les patients présentant des symptômes auto-inflammatoires sont des manifestations dermatologiques (par exemple des dermatoses neutrophiliques, des vascularites cutanées…), un syndrome myélodysplasique ou une gammapathie monoclonale, et une vacuolisation des précurseurs myéloïdes et érythroïdes dans la moelle osseuse [4]. Plusieurs patients atteints de ce syndrome avaient précédemment reçu un diagnostic de polychondrite récurrente, de syndrome de Sweet ou de polyartérite noueuse [1, 3, 4]). De par son expression clinique, il se situe au carrefour de la dermatologie, de la rhumatologie et de l’hématologie. Le syndrome VEXAS étant une maladie liée à l’X, la plupart des patients sont de sexe masculin, mais il peut aussi toucher des femmes.                                                                               

Ce syndrome est réfractaire aux traitements et donc souvent fatal ; après le diagnostic, la survie médiane est de de dix ans [1, 3] ; 28 % des patients décrits dans une récente série sont décédés de leur maladie [5].                       

Ainsi en utilisant une approche basée sur le génotype, une maladie reliant des syndromes inflammatoires dont l’expression clinique était très hétérogène, touchant des adultes âgés, a été identifiée et nommé syndrome de VEXAS (vacuoles, E1-ubiquitin-activating enzyme, X-linked, autoinflammatory, somatic/ vacuoles intracytoplasmiques dans les progéniteurs médullaires, E1 ubiquitine ligase, liée à l’X, syndrome auto-inflammatoire, mutation somatique) [1, 4]. Il est désormais identifiable grâce à un simple test génétique permettant de déterminer si le malade possède la mutation UBA1.

Déterminer la prévalence

La même équipe de chercheurs du National Human Genome Research Institute a conduit une étude pour estimer la prévalence de ce syndrome et préciser les manifestations cliniques. Nous en présentons les résultats publiés en janvier 2023 dans le JAMA- Journal of the American Medical Association) [6].                                                                                                                     

Il s’agit d’une étude observationnelle rétrospective ayant enrôlé 163 096 participants ; les phénotypes cliniques ont été déterminés à partir des données des dossiers médicaux électroniques de Geisinger (Centre médical en Pennsylvanie) recueillis pendant 27 ans, de 1996 à 2022. Chez les personnes présentant une variation somatique de l’UBA1, l’analyse des dossiers médicaux électroniques a permis de recueillir les données principales suivantes : la prévalence de la variation somatique de l'UBA1, les manifestations rhumatologiques, hématologiques, pulmonaires, dermatologiques, les résultas de laboratoire, l'analyse anatomo-pathologique de la biopsie de moelle osseuse et les tests enzymatiques in vitro.           

Parmi les 163 096 participants (âge moyen, 52,8 ans ; 94 % de Blancs ; 61 % de femmes), 11 personnes, soit une sur 13 591 (9 hommes et 2 femmes âgés de plus de 50 ans) étaient porteuses de la mutation UBA1 (1 homme sur 4 269, et 1 femme sur 26 238 avec prévalence six fois plus faible). Les patients présentaient tous des manifestations cliniques compatibles avec le syndrome VEXAS (en particulier anomalies hématologiques ainsi qu'un large éventail de manifestations cliniques auto-immunes, pulmonaires et dermatologiques).

Cette étude fournit ainsi une estimation de la prévalence et une description des manifestations cliniques des variants UBA1 associés au syndrome VEXAS au sein d'un seul système de santé régional aux États-Unis. Les auteurs précisent que des études supplémentaires sont nécessaires dans des populations non sélectionnées et génétiquement diverses pour mieux définir la prévalence et le spectre phénotypique de la population générale [6].

Seule la greffe de cellules souches hématopoïétiques a un potentiel curatif

Les corticostéroïdes sont habituellement utilisés pour améliorer de façon temporaire les symptômes inflammatoires, et c’est le cas aussi pour le syndrome de VEXAS. Des agents non stéroïdiens ou des antirhumatismaux modificateurs de la maladie sont inefficaces chez la plupart des patients ; les traitements ciblant les clones de cellules myéloïdes malignes constituent possiblement l’approche la plus efficace.                                                             

Dans une étude récente, environ 50 % des patients atteints du syndrome VEXAS et d’un syndrome myélodysplasique concomitants, et qui présentaient des symptômes inflammatoires hautement réfractaires, ont bénéficié d’une amélioration après un traitement à l’aide d’un agent hypométhylant, lequel constitue le traitement standard pour un syndrome myélodysplasique récurrent [7]. La seule thérapie présentant un potentiel curatif à long terme est l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Bien que comportant des risques importants, la greffe s’est révélée un succès chez de nombreux patients [8].                                                                   

Compte tenu de la gravité de la maladie et des expressions cliniques multiples, les patients doivent être pris en charge par une approche multidisciplinaire, en intégrant principalement des rhumatologues, des hématologues et des spécialistes des maladies infectieuses.

Le syndrome de Vexas n'a été identifié comme une maladie à part entière qu'en 2020, grâce au diagnostic génétique ; il est dû à des mutations somatiques du gène UBA1 et le séquençage de ce gène constitue le test diagnostique de référence.                                                                                             Il existe probablement depuis longtemps, souvent confondu avec des maladies auto-immunes. Plusieurs études sont en cours à travers le monde pour en préciser la réelle prévalence et identifier des traitements efficaces.

Pr Dominique Baudon

Références
[1] Beck DB et coll. : Somatic Mutations in UBA1 and Severe Adult-Onset Autoinflammatory Disease.
N Engl J Med 2020; 383:2628-2638 DOI: 10.1056/NEJMoa2026834
[2] Nigrovic PA et coll. : Monogenic autoinflammatory disorders: conceptual overview, phenotype, and clinical approach. J Allergy Clin Immunol 2020; 146:925–37.
[3] Dehghan N et coll. : Vacuoles, E1 enzyme, X-linked, auto-inflammatory, somatic (VEXAS) syndrome: fevers, myalgia, arthralgia, auricular chondritis, and erythema nodosum. Lancet 2021;398:62.
[4] Stubbins RJ et coll. : Innovations en génomique pour les maladies non diagnostiquées: le syndrome VEXAS (vacuoles intracytoplasmiques dans les progéniteurs médullaires, E1 ubiquitine ligase, liée à l’X, syndrome auto-inflammatoire, mutation somatique) CMAJ. 2022; 194(34): E1179–E1183.. DOI : 10.1503/cmaj.211770-f
[5] Georgin-Lavialle S et coll. : Further characterization of clinical and laboratory features in VEXAS syndrome: large-scale analysis of a multicentre case series of 116 French patients. Br J Dermatol 2021. Oct. 10. doi: 10.1111/bjd.20805.
[6] Beck BD et coll. : Estimated Prevalence and Clinical Manifestations of UBA1 Variants Associated With VEXAS Syndrome in a Clinical PopulationJAMA. 2023;329(4):318-324. doi:10.1001/jama.2022.24836
[7] Comont T et coll. : Azacitidine for patients with Vacuoles, E1 Enzyme, X-linked, Autoinflammatory, Somatic syndrome (VEXAS) and myelodysplastic syndrome: data from the French VEXAS registry. Br J Haematol 2022;196:979–74.
[8] Diarra A, et coll.. Successful allogeneic hematopoietic stem cell transplantation in patients with VEXAS syndrome: a two-center experience.Cet article a été révisé par des pairs.

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