Le traitement du Dr Macron sauvera-t-il la médecine ?

Corbeil-Essonnes, le vendredi 6 janvier 2023 – Lors de la présentation de ses vœux aux professionnels de santé ce vendredi, Emmanuel Macron a esquissé quelques réformes pour tenter de sortir notre système de l’impasse.

Grève des médecins libéraux et des biologistes médicaux, saturation des urgences, triple épidémie…notre système de santé traverse actuellement de nombreuses crises à répétition et ne semble pas pouvoir réussir à sortir de l’ornière, près de trois ans après le début de la pandémie de Covid-19 qui a été le révélateur de ces difficultés. Dans ce contexte où les relations entre les professionnels de santé et les autorités sont de plus en plus tendues, c’est peu dire que les vœux aux professionnels de santé d’Emmanuel Macron, ce vendredi midi à l’hôpital de Corbeil-Essonnes, étaient très attendus.

Avant de révéler son plan pour la santé, le chef de l’Etat n’a pas manqué de saluer (rituellement) le dévouement des soignants, « qui continuent de tenir bon et suscitent pas leurs efforts l’estime de la Nation ». Selon lui, si le diagnostic des difficultés que traversent le système de santé est bien posé depuis plusieurs années, le traitement n’a pas toujours été le bon. Il a souhaité fermer la porte immédiatement à ceux qui demandent toujours plus de moyens, considérant que la situation était « beaucoup plus complexe qu’un problème d’argent » et rappelant que le budget de la santé avait déjà augmenté de 50 milliards d’euros sur les trois dernières années.

10 000 assistants médicaux d’ici fin 2024

Pour le chef de l’Etat, le grand défi des prochaines années sera celui de la démographie médicale. La France ne comptera que 80 000 généralistes en 2025 et plus de la moitié d’entre eux ont plus de 60 ans aujourd’hui. Tout en rappelant que son gouvernement avait supprimé le numerus clausus en 2020, Emmanuel Macron a indiqué que l’effet de cette réforme ne se fera pas sentir avant au moins huit ans. D’ici là, la priorité sera, comme le chef de l’Etat l’a martelé, de « libérer du temps médical ». Il a ainsi rappelé une de ses promesses de campagne, celle de porter à 10 000 le nombre d’assistants médicaux sur le territoire d’ici fin 2024. Il souhaite d’ailleurs mettre en place un système similaire à l’hôpital, en y renforçant le personnel administratif.

La situation de l’hôpital public a d’ailleurs tenu une place importante dans le discours présidentiel. Reprenant une antienne déjà beaucoup entendue, le chef de l’Etat a critiqué l’instauration des 35 heures à l’hôpital, appliquées de manière « hyper rigide » selon lui. Il a ainsi annoncé vouloir « repenser l’organisation du temps de travail à l’hôpital » sans plus de précision, annonçant que des propositions concrètes seraient formulés en ce sens d’ici le mois de juin. Il a également dénoncé l’organisation en pôle, appelant de ses vœux que le service redevienne « l’unité organique et humaine » de l’hôpital rejoignant en cela les revendications de nombreux chefs de service.  

Vers la fin de la T2A à l’hôpital

Ses deux principales annonces sur l’hôpital concernent le financement et la direction. Le chef de l’Etat a ainsi annoncé que le système de la tarification à l’activité serait abandonné dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), pour lui préférer un système de financement mixte, basé sur des objectifs de santé publique, la rémunération des missions réalisées et la rémunération à l’activité. Emmanuel Macron dit également vouloir mettre à la tête de l’hôpital un binôme constitué d’un médecin et d’un administrateur.

Si la plupart des développements présidentiels sur l’hôpital épousent les revendications des syndicats hospitaliers (embauche d’infirmiers, meilleure rémunération du travail de nuit, prise en compte de la pénibilité…), ceux concernant la médecine libérale risquent de faire grincer des dents. Au lendemain d’une manifestation des généralistes qui demandent le doublement du tarif de la consultation, le chef de l’Etat (comme avant lui François Braun) semble exiger plus d’efforts de la part des libéraux. « Nous allons mieux rémunérer les médecins qui assurent la permanence des soins et ceux qui prennent en charge de nouveaux patients » a lancé le chef de l’Etat, qui semble plus enclin développer la ROSP qu’à augmenter le tarif de la consultation. Il a ainsi évoqué un « nouveau pacte de soins et de devoir avec la médecine libérale ».

Mieux responsabiliser les patients

Le chef de l’Etat s’est également longuement attardé sur les différentes manières d’améliorer l’accès aux soins : développement de l’accès direct aux professions paramédicales (un autre point de friction avec les syndicats de médecins libéraux), renforcement de la télémédecine mais également responsabilisation des patients, critiquant ceux qui ont recours abusivement aux soins d’urgence ou qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux.

A long terme, l’objectif d’Emmanuel Macron, qu’il avait déjà affiché lors de la campagne présidentielle, est que l’offre de soins s’organise au niveau des « bassins de vie », pour que tous les Français aient accès à un médecin traitant ou à tout le moins à un professionnel de santé référent.

Difficile de prédire qu’elle sera la réaction du monde médical face à ce discours de près d’une heure, où se sont mêlés des annonces nouvelles, l’évocation de dispositifs existants et des projets qui restent encore à préciser. Si l’hôpital devrait y trouver son compte, l’accueil devrait être plus réservé du côté des libéraux. « Il n’y a rien qui change, on est en train de faire des pansements comme on le fait depuis dix ans » a déjà réagi le Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML).

Grégoire Griffard

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Vos réactions (2)

  • Un traitement exige un (bon) diagnostic

    Le 07 janvier 2023

    Le diagnostic étant soigneusement évité, le traitement au long cours du système de santé n'existe tout simplement pas, au delà des premiers gestes d'urgence pour le ressusciter au bord de la tombe.
    Le diagnostic de la maladie du système de santé est délicat, puisque c'est une maladie de système, aggravée toujours davantage par les traitements proposés depuis tant de lustres. On s'y fourvoie surtout si d'emblée on se focalise sur un seul aspect de la maladie, ce qui fut fait quand les politiques paresseux le confièrent aux hordes administratives.
    Celles-ci agirent selon leurs concepts et leurs méthodes, favorisant celles où elles pensaient exceller. Elles transformèrent un problème complexe (faire vivre un système né au lendemain de la 2ème guerre mondiale) en une équation plus simple (contenir son besoin de financement). Le système "Sécurité Sociale 1945" avec les acteurs de l'époque a été ainsi pérennisé mis sous autant d'enveloppes financières qu'il s'agit de maîtriser sans se préoccuper de savoir si cette vision datée a encore un sens, ni surtout s'il faut en changer.
    Le traitement se fait par enveloppes isolées. On va ainsi traiter (=financer) "l’hôpital_public", la médecine libérale, les laboratoires, le médicament...
    Toute vision d'ensemble fonctionnelle transversale est ainsi interdite, par exemple concevoir qu'un effondrement de la fonction soins d'urgence non programmés ambulatoires impacte la fonction soins d'urgence non programmés hospitaliers (aka crise des urgences).
    Le maintien de cette conception financière par enveloppes historiques empêche une vue fonctionnelle transversale. Cette cécité est constitutive de la prise de pouvoir administrative.
    L'amélioration du traitement a, jusqu'ici, consisté à améliorer le contrôle financier par une contrainte répercutée de façon pyramidale du sommet administratif vers la base administrative, sanctifié par une loi de financement toujours démentie.
    L'ordonnance du Dr Macron ne provient d'aucune vision politique nouvelle. Elle n'est que la continuation de la doxa administrative ancienne, reprenant les cloisonnements hérités, et proposant l'éternel mélange de gratifications financières ponctuelles présentées comme remède ultime saupoudrées de condiments inventées par des âmes administratives tourmentées comme échappatoire (la télé médecine, les assistants médicaux, la direction hospitalière à double tête, celle qui agit et l'autre qui rêvasse, devinez celle du médecin dans l'attelage...).
    Non un vrai traitement exige de reconsidérer qui est le malade, et comment celui ci fonctionne en vrai. Le malade est un système fonctionnel imbriqué transversal qui se moque des casquettes apposées en 1945. Ainsi doit-on au moins le voir, ce patient, comme un tout, peuplé d'organes et de fonctions disparates qu'il faut certes financer.
    Le vrai traitement est politique, si on trouve un politique qui ose s'affranchir de la routine mortifère de l'étreinte conceptuelle administrative.
    Il faut pour cela un grand courage.
    Le Dr Macron a préféré ronronner avec les chats, bêler avec les moutons le refrain du toujours pareil puisque "plus ça rate, plus ça va finir par réussir".

    Dr G Bouquerel

  • 10 000 assistants

    Le 08 janvier 2023

    Pour 200 000 médecins, ça ne va pas changer grand chose. Les allemands ont 2,3 ETP en MG contre 0,2 ici. Faut dire que la consultation est à 75 euros aussi outre-Rhin. Ils peuvent se payer des assistants et optimiser le temps médical eux.

    Dr PS

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