
Paris, le vendredi 22 mars 2019 – Tous ceux qui ont moins de vingt ans aujourd’hui sont bercés par les discours écologistes. Si l’image de Bernard Kouchner portant un sac de riz sur son épaule pour sauver des enfants d’Afrique de la famine a laissé son empreinte dans les souvenir scolaires de ceux qui sont nés au début des années quatre-vingt, le visage de Greta Thunberg pourrait bien être cette madeleine politique pour ceux qui ont vu le jour au début du nouveau millénaire.
Entre dépression et obsession
Tous ceux qui ont moins de vingt ans aujourd’hui ont déjà été amenés à visionner à l’école ou chez eux un documentaire sur la fonte des glaces ou la disparition de certaines espèces. A l’heure où l’on prend conscience de façon plus nette du caractère éphémère de l’existence et de la constance de multiples menaces difficilement contournables, ces images sont souvent marquantes. Les enfants s’émeuvent, s’indignent, pleurent. Et souvent oublient en retournant à leurs jeux et leurs devoirs. Greta Thunberg, fillette suédoise, s’est émue, indignée et a pleuré et est resté prostrée. La réaction de Greta, "diagnostiquée" autiste Asperger avant l’âge de dix ans, oscille entre dépression et obsession. Sa façon d’éteindre systématiquement les lumières dans leur maison proche de Stockholm irrite ses parents et sa petite sœur. Son refus de se nourrir, son silence les inquiètent. « Pendant de nombreuses années, elle n’a parlé qu’à sa maîtresse, au docteur et à sa famille » explique le père de Greta, Svante Thunberg, un acteur reconnu en Suède.
No future s’écrit en vert
Fragile et bouleversée, Greta est également une militante dans
l’âme. Elle a probablement hérité cet engagement de ses parents et
notamment de sa mère Malena, chanteuse lyrique, qui s’est
régulièrement mobilisée en faveur du droit des migrants en Suède.
Aussi, sortant peu à peu de sa torpeur, elle va commencer à
réfléchir à des façons de sensibiliser les autres. Avec ses
proches, la tâche est facile. Soucieux de l’accompagner (et
notamment de lui permettre de retrouver une alimentation plus
régulière), les parents ont accepté de limiter drastiquement les
produits d’origine animale et ont fortement limité leurs
déplacements. Renonçant à leur carrière internationale, ils ne
prennent plus l’avion. Mais Greta voudrait accroitre la portée de
son message. Sa maladie la dissuade d’envisager les voies
classiques de l’association ou du groupe.
Elle discute avec un militant écologiste proche de ses parents qui
lui raconte comment des adolescents d’une école de Parkland aux
Etats-Unis, touchée par une fusillade, ont décidé de se mettre en
"grève" pour dénoncer l’inaction des pouvoirs publics contre les
armes. L’idée, choc, séduit Greta. Ses parents voudraient l’en
dissuader. Mais le 20 août 2018, Greta, munie de son petit panneau,
défile seule devant le Parlement suédois, indiquant refuser de
continuer à étudier dans un monde sans espoir. Elle dénonce la
passivité des dirigeants politiques et des adultes face à cette
planète sans avenir. No future s’écrit en vert. L’effet est
immédiat.
Jet privé
Bientôt, Greta est rejointe par d’autres adolescents, qui acceptent néanmoins la proposition des adultes : limiter leur grève à un jour par semaine. Mais même ainsi contrôlée, la révolte dépasse bientôt les frontières de la Suède. Partout, Greta devient une égérie pour des milliers de jeunes eux aussi fortement sensibles et alarmés par "l’urgence climatique". Greta devient la coqueluche des réseaux sociaux et des médias et surtout défie les grands de ce monde par vidéo ou en personne. A Davos où elle s’est rendue en train (un long voyage de plus de 30 heures !), elle lance sans sourire et sourciller : « Je ne veux pas de votre espoir, je veux que vous paniquiez. Je veux que vous ressentiez la peur qui m’habite chaque jour et que vous agissiez comme s’il y a avait le feu » lance-t-elle aux grands dirigeants politiques et industriels du monde. Elle poursuit : « Il est insensé que des gens soient rassemblés ici pour parler du climat et qu’ils viennent en jet privé », dénonçant une hypocrisie fréquente dans les discours écologiques.
Une adolescente fragile
Greta fascine mais Greta dérange également. Outre les nombreux messages de haine que toute exposition médiatique suscite (ce qui est en outre grandement facilité par l’anonymat lâche des réseaux sociaux), beaucoup souhaitent prendre leur distance avec l’engagement de la jeune fille de 16 ans, tant sur la forme que sur le fond.
Ainsi, alors que le trouble de Greta voudrait interdire toute tentative de critique, certains font remarquer que cette fragilité de la jeune fille doit alerter et nécessite de la protéger des autres et d’elle-même. Le docteur Laurent Alexandre considère ainsi que les parents de Greta n’auraient jamais dû révéler cette information sur leur enfant mineure et rappelle dans une tribune publiée par Le Figaro : « On sait depuis la description du syndrome par Hans Asperger en 1941, que les enfants Asperger sont parfois géniaux mais toujours fragiles ; les instrumentaliser est une faute morale » estime le médecin.
Mauvaise voie
Outre ces préoccupations concernant les troubles de Greta, beaucoup redoutent une manipulation, de la part de ses parents (qu’ils réfutent totalement rappelant qu’ils ont d’abord tenté de la dissuader), mais plus encore d’entreprises de communication œuvrant pour des "start up" vertes. Si ces accusations n’ont pas été parfaitement démontrées (même si des liens existent certainement) et si Greta les dément régulièrement avec assurance mettant en avant la sincérité de sa peur et de son indignation, au-delà un grand nombre d’observateurs regrettent que l’adolescente fasse le jeu d’un « écolo catastrophisme » non seulement potentiellement inopérant, mais surtout décalé par rapport à la réalité. S’il ne s’agit pas de nier l’existence du réchauffement climatique et de ses conséquences très dommageables, l’accusation d’inaction apparaît plus incantatoire que démontrée, notamment en ce qui concerne un pays comme la France, dont les émissions de gaz à effet de serre sont limitées (grâce au nucléaire !). D’une manière générale, de nombreux travaux ont confirmé que la promotion des énergies renouvelables pouvait être parfois contre-productive : elles sont notamment insuffisantes à satisfaire les besoins et elles conduisent souvent à un retour aux énergies fossiles dès que la source d'énergie se tarie (vent ou soleil par exemple). En vantant systématiquement ces énergies renouvelables, Greta Thunberg pourrait se tromper de voie, ce que sa notoriété et son magnétisme (même s’il est un mélange de fascination et de malaise) conduisent souvent à occulter.
Aurélie Haroche