
Paris, le mercredi 1er mars 2023 – A un mois de l’entrée en vigueur du dispositif d’encadrement de la rémunération des intérimaires, les conséquences de la mesure inquiètent les médecins hospitaliers.
C’est un vieux débat qui ressurgit régulièrement dans l’actualité, celui de l’encadrement de la rémunération des médecins intérimaires, qui viennent boucher les trous, de plus en plus importants, dans les effectifs des hôpitaux. Si presque tout le monde s’accorde sur la nécessité de lutter contre le phénomène de l’intérim médical, qui pèse lourdement sur les finances des hôpitaux (son coût était estimé à 500 millions d’euros par an par la Fédération hospitalière de France en 2013), les avis sur la méthode divergent.
Depuis le 1er janvier 2018, en théorie, la rémunération des médecins intérimaires est plafonnée à 1170 euros brut (environ 970 euros net) pour une garde de 24 heures. En pratique, ce plafond est très peu appliqué : selon une étude réalisée en mai dernier par la conférence nationale des directeurs des centres hospitaliers (CNDCH) 83 % des établissements hospitaliers dépassent ces plafonds.
En effet, face à la pénurie grandissante de soignants dans les hôpitaux, les établissements n’ont pas d’autre choix que de céder aux demandes des intérimaires. Un phénomène qui aurait été encore aggravé par la crise sanitaire. Si la rémunération des intérimaires oscille généralement autour de 1 500 euros la garde de 24 heures, il peut arriver qu’ils soient payés plus de 2 500 euros.
Braun ressuscite le plafonnement des rémunérations
D’où l’adoption, à l’article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021, d’un dispositif obligeant le comptable public de l’hôpital à rejeter toute rémunération dépassant le plafond réglementaire. Ce mécanisme devait initialement entrer en vigueur en octobre 2021 mais face à la vive inquiétude des directeurs d’établissements en pleine crise Covid, le ministre de la Santé d’alors, Olivier Véran, avait finalement repoussé l’entrée en vigueur du dispositif sine die. Mais le 30 janvier, son successeur, François Braun, a annoncé que l’encadrement de la rémunération des intérimaires entrerait en vigueur le 3 avril prochain. « Ce sera par endroits difficile, cela pourra tanguer mais j’ai la conviction qu’il ne faut pas lâcher » a lancé le ministre.
A un mois de l’entrée en vigueur de la mesure, l’inquiétude règne chez les directions d’hôpitaux, dont certaines ne peuvent assurer la continuité du service qu’en faisant régulièrement appel à des intérimaires. « L’encadrement des tarifs va faire fuir un certain nombre d’intérimaires, comme des pré-retraités qui vont se dire que ça ne vaut plus le coup, idem pour ceux qui faisaient ça en plus de leur obligation de service » explique le Dr Emmanuelle Durand, présidente du syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARE). Fin 2021, lorsque la loi devait entrer en vigueur pour la première fois, les agences d’intérim médical avaient observé une baisse de 20 à 30 % des candidatures.
Vers une « fermeture massive des services hospitaliers » ?
Particulièrement investi sur la question, le SNPHARE a exprimé sa vive inquiétude dans un communiqué publié mercredi dernier. Pour le syndicat, l’entrée en vigueur de l’article 33 de la loi Rist risque de provoquer une « fermeture massive des services hospitaliers » et une « diminution drastique de l’offre de soins sur certains territoires ».
Rappelant que la situation des hôpitaux ne s’est en rien améliorée depuis octobre 2021 et le recul d’Olivier Véran, le SNPHARE craint que l’impossibilité d’avoir recours aux intérimaires n’augmente drastiquement la charge de travail des PH. « Renoncer à ses congés, faire encore plus de temps de travail additionnel, travailler hors de son établissement, demander aux internes et aux docteurs-juniors d’en faire plus : on va essorer ceux qui restent » s’inquiète le syndicat.
« Le SNPHARE n’a jamais défendu les tarifs exorbitants pratiqués par l’intérim, ni le recours à l’intérim au lieu de recruter des praticiens, en revanche, nous savons que nous n’avons, actuellement, pas d’autre choix raisonnable » argumentent les anesthésistes-réanimateurs. « Et nous savons aussi que, si les conditions de travail et les rémunérations étaient autres, nombre d’intérimaires prendraient ou reprendraient un poste de praticien hospitalier titulaire ».
Le SNPHARE avance donc ses propositions alternatives pour rendre les postes de PH plus attractifs et par conséquent diminuer le besoin en intérimaires : reconnaissance de l’ancienneté des PH nommés avant le 1er octobre 2020, revalorisation des gardes, des astreintes et des heures supplémentaires, prise en compte de la pénibilité dans le calcul de la retraite et décompte exact du temps de travail. Autant de revendications de longue date du syndicat qui ne sont pour la plupart pas encore à l’agenda de l’exécutif.
Nicolas Barbet