
Des biopsies cutanées de l'érythème et du purpura ont confirmé
l'infiltration d'éosinophiles et de cellules inflammatoires dans le
derme. La biopsie du purpura montrait également des fentes au
niveau des petits vaisseaux, entourées d'infiltrats cellulaires
inflammatoires principalement constitués de cellules
polymorphonucléaires (Photo 2), évoquant des emboles de
cholestérol.

Photo 1

Photo 2
Une biopsie rénale a quant à elle révélé une
néphrite tubulo-interstitielle aiguë avec infiltration
d'éosinophiles sans anticorps identifié en fluorescence
indirecte.
Devant l’IRA, la vancomycine a été interrompue et
le patient a eu une hémodialyse en urgence sans que cela n’améliore
la fonction rénale qui est restée altérée. De la prednisolone 20
mg/jour a alors été administrée pendant 11 jours à partir de J39,
intervalle pendant lequel l’érythème a disparu. En 30 jours, la
créatininémie a par la suite diminué de 5 mg/dL à 0,7 mg/dL sans
hémodialyse, tout comme le taux des éosinophiles sériques, et
aucune nouvelle éruption cutanée ne s'est développée. Le patient
est finalement sorti de l'hôpital.
Une nécro-inflammation multi-organes
La physiopathologie de la maladie des emboles des
cristaux de cholestérol (MEC) correspond à une nécro-inflammation
tissulaire secondaire à des occlusions artériolaires multi-organes
liées à des micro-emboles en provenance de plaques d’athérome
d’artères de gros calibres. Bien que la MEC soit pathologiquement
caractérisée par une infiltration d'éosinophiles, l'implication de
la réponse inflammatoire systémique représentée par
l'hyperéosinophilie n'est pas claire dans la pratique clinique. Ce
patient présentant une MEC, a développé plusieurs lésions
organiques allergiques, y compris une dermatite liée à la
daptomycine puis une néphrite tubulo-interstitielle aiguë induite
par la vancomycine.
Un mécanisme immuno-allergique intriqué
Ainsi, ce cas met en évidence le potentiel de la
MEC à entraîner des complications allergiques en plus des dommages
directs aux organes, ici plusieurs événements allergiques. Les
cristaux de cholestérol sont connus pour provoquer des réactions
inflammatoires autour des artérioles, en plus de l'occlusion
vasculaire. Une étude précédente a montré que ces cristaux
induisaient une inflammation via l'interleukine-1β qui conduit
alors à une augmentation des éosinophiles.
Des travaux antérieurs indiquent que
l'hyperéosinophilie survient chez 80 % des patients, ce qui peut
orienter vers le diagnostic de MEC. Cette éosinophilie pourrait
aboutir à des lésions organiques allergiques qui seraient
sous-diagnostiquées. Un cas rapporté par une équipe française
faisait état d’un diagnostic retardé de MEC du fait d’une
érythrodermie après initiation d'allopurinol, avec éosinophilie et
symptômes systémiques, évoquant une réaction médicamenteuse.
De plus, il y a également une suggestion
d’association entre les maladies allergiques et l'athérosclérose.
Pris ensemble, l’hypothèse est que cette inflammation mène à un
terrain fertile pour des complications allergiques
ultérieures.
Mécanisme de l’insuffisance rénale discuté
Les auteurs ont supposé que la principale cause
d'IRA était la néphrite tubulo-interstitielle diffuse, déclenchée
par l'administration de vancomycine, et non de daptomycine, après
l'apparition d'une allergie systémique dans la MEC. L'IRA n'est
apparue que neuf jours après l'administration de la vancomycine,
dont la concentration avait atteint un niveau à risque élevé de
néphropathie. La vancomycine et la daptomycine ont des effets
différents sur les cellules tubulaires rénales.
Des études cliniques antérieures ont montré des
taux d'IRA plus élevés parmi les patients traités par vancomycine
que chez ceux traités par daptomycine. En outre, la néphropathie
induite par la vancomycine est décrite comme une néphrite
interstitielle aiguë et une nécrose tubulaire aiguë. Compte tenu de
ces données, la vancomycine a été considérée comme le plus
probablement en cause dans l’IRA de ce patient.
Dr Isabelle Méresse